L'association Miroirs de femmes organise la seconde édition de Village du monde, un marché de Noël expérimenté l'an dernier sur deux jours. Cette fois, une vingtaine de stands animeront trois jours durant le quartier Cassin-Europe avec huit chalets et dix petits chapiteaux, tenus par des associations et les commerçants du secteur.
Pâtisseries et artisanat seront à l'honneur, mais aussi des animations réalisées en partenariat avec des écoles, le collège Diderot ou l'IME de Montfort au Centre Nelson-Mandela, au Théâtre et la Brasserie de l'Espace. L'association Juste-Ici, qui accompagne le festival d'arts de la rue Bien urbain, a travaillé pour sa part à une signalétique bilingue : français-arabe, français-macédonien, français-mahorais...
Tout commence il y a dix ans
L'histoire de Miroirs de femmes commence en 2008 par la constitution d'un petit groupe de discussion se réunissant dans l'Espace solidaire du CCAS de Besançon. Confrontées aux difficultés du quotidien d'un pays aux mœurs et/ou à la langue méconnus, des femmes de diverses origines échangent sur des questions pratiques et se retrouvent très vite autour d'un blog hébergé par le site Migrations qu'animait Farida Touati.
Cinq ans plus tard, le groupe se transforme en une association d'éducation populaire forte aujourd'hui de 250 adhérents sur Planoise. Elle s'appuie sur les savoirs acquis afin de les valoriser malgré l'absence, du moins au début, de maîtrise du français. « Quand on vient d'un pays étranger, avec une expérience adulte, la seule compétence qui reste, c'est la langue », explique Tanja Nikolova, coordinatrice de l'association après avoir été stagiaire aux débuts du site Migrations. Elle parle d'expérience, elle qui, journaliste en Macédoine, s'est retrouvée déclassée à son arrivée en France.
Du coup, l'une des premières activités du groupe fut ces « lectures à voix autre » qui permirent, quatre à six fois par an durant cinq années, à chacune de lire des textes dans sa langue natale devant le public de la bibliothèque municipale. La fin de l'emploi aidé signe la sortie du CCAS et la création de l'association qui se tourne vers la préfecture pour financer un emploi d'animation via le dispositif adulte-relai.
« Ce n'est pas parce qu'on ne parle pas français qu'on ne sert à rien... »
Miroirs de femmes a alors développé ses activités, traduit quatre livres pour enfants dans différentes langues, ouvert il y a quatre ans un Café des langues à la Brasserie de l'Espace où, le premier mercredi de chaque mois, chaque table propose une conversation libre dans la langue des convives. « Ce n'est pas parce qu'on ne parle pas français qu'on ne sert à rien. On peut donner ainsi de son expérience de vie », explique Jean-Michael Koviado, animateur socio-culturel employé 20 heures par semaine à l'association.
Les découvertes sont loin des clichés misérabilistes sur les immigrés. « L'un a été prof, médecin ou artisan... On a vu un Yéménite chercheur dans son pays, sa femme est professeur d'arts appliqués, une Algérienne avec une licence d'informatique... Les barrières linguistiques auraient confinés ces personnes chez elles. Au Café des langues, elles ne sont plus en situation de main tendue, elles donnent, rendent à la France, pays hôte ou terre d'accueil, ce qu'elle leur a donné... »
Quand les cultures se rencontrent...
Parlant lui aussi d'expérience, Jean-Michael Koviado considère que « l'accueil, c'est beaucoup : pouvoir dormir sans avoir la boule au ventre qu'une bombe vous tombe sur la tête ou de recevoir une visite de personnes parce qu'on n'a pas la même opinion politique ou la même confession religieuse qu'elles... »
La transmission de ces expériences, la connaissance de l'habitus d'autrui, se fait aussi lors des repas multiculturels mensuels qui réunissent jusqu'à une quarantaine de personnes. Le principe est assez simple, sa mise en œuvre réclame un minimum d'ouverture et d'attention : « une personne organise le repas pour tout le monde, elle est chef d'orchestre, dit quels sont ses besoins, passe commande. C'est alors que les cultures se rencontrent... »