Micronora, le maxi rendez-vous des microtechniques

Plus de 600 exposants du monde entier étaient réunis à Besançon-Micropolis pour échanger, faire des affaires et des découvertes, écouter des conférences. La Franche-Comté et sa recherche y tenaient une place majeure.

David Heriban, fondateur de Percipio-Robotics à Besançon-Témis

Exploits technologiques, futuriste, haute technicité, systèmes avancés... Micronora, le salon international des microtechniques de Besançon, ne craint pas les superlatifs. On y fait preuve d'un optimisme de bon aloi envers la robotique de plus en plus miniaturisée, la maîtrise des micro puis des nano-technologies, le moulage par injection de poudres, l'usinage de précision par électrolyse ou laser... Les 612 exposants répartis sur 25.000 m2 font du parc des expositions Besançon-Micropolis « un haut lieu de transfert technologique entre les différents spécialistes aéronautique, automobile, médical... », s'enthousiasme la directrice générale du salon, Michèle Blondeau. « Que la fête commence ! », s'écrie son président, Thierry Bissiaux.

Indéniablement, une partie du monde qui vient se prépare là, à Besançon et dans le Haut-Doubs ou le Haut-Jura où l'on s'est historiquement spécialisé dans les petits mécanismes, les petites pièces, le savoir et les connaissances qui les accompagnent dans les écoles et les universités. La capitale régionale est, le temps du salon, la capitale mondiale de tout un secteur d'activité. S'y pressent au côté des entreprises régionales, leurs consoeurs - concurrents, fournisseurs, clients... - de Haute-Savoie et d'Italie, de Suisse et du Japon, d'Allemagne, d'Amérique. S'y côtoient des PME et des grands groupes, la petite agence web de Pontarlier Cyberiance et le géant de l'optique Nikon, le revendeur mamirollais BEC de fil à électro-érosion importé. On y trouve en démonstration le nouveau microscope numérique à large profondeur de champ du japonais Keyence et la dernière machine à commande numérique usinant sur cinq à sept axes du californien Haas...

Globalisation et coopération

L'anglais est partout : sur les affiches des stands, les plaquettes de présentation, dans une bonne part des conversations. La globalisation est une évidence. Elle n'a pas tué la coopération. Jérôme Alonzo, un jeune décolleteur qui vient de s'installer au Russey, vient saluer Serge Locatelli, son voisin de Damprichard, co-fondateur en 1989 de Startech, qui lui promet de faire jouer son réseau : « Il y a tout un tissu industriel, il faut donner leur chance à ceux qui veulent démarrer, je sais qu'il est bon... ». Startech construit des machines spéciales et emploie une cinquantaine de personnes. Serge Locatelli est plutôt fier de son dernier modèle, une machine à commande numérique taillant des pignons d'horlogerie par génération avec des fraises tournant à 12.000 tours/minute.

Startech est née d'une « réunion de compétences » entre un mécanicien, un roboticien et un spécialiste de la commande numérique. A Besançon Mécadécoupe est aussi issue d'une complémentarité : « David Jeanneret a amené la technologie des outils, moi la manipulation et le transfert », explique Jean-Charles Micallef, le président de cette entreprise de 17 personnes qui fabrique des outils destinés à créer des pièces de précision très spécifiques : « On traite des moutons à cinq pattes », ironise Jean-Charles Micallef, « les gens viennent nous voir quand ils n'ont pas trouvé ailleurs : on a fait en moins de six mois l'outil qu'un client avait demandé à des Chinois qui avaient échoué à le faire en un an... »

Mécadécoupe : « On n'a pas à rougir de ce qu'on fait »

Distinguée en 2010 par un micron d'or, récompense décernée par Micronora, Mécadécoupe est pilotée par des mordus : « la mécanique me passionne, et à travers elle les défis. On n'a pas à rougir de ce qu'on fait, il faut le montrer, c'est nécessaire d'être là », dit M. Micaleff. « Avec David, on vient du lycée Jules-Haag, un vivier de techniciens ». Qu'est-ce qui l'a mené à L'Horlo ? « Mes profs de collège... Je réparais vélos et mobylettes... On regardait comment était fait tout ce qui nous tombait sous la main... »

David Heriban, lui, aime les robots « depuis tout petit ». Il a fait son stage de fin d'ENSMM, la fameuse école d'ingénieurs en micro-mécanique de Besançon, au laboratoire de recherche de l'institut Femto-ST : « Je me suis bien amusé. Je manipulais des micro-cristaux de 50 microns dans des gouttes d'eau : je les attrapais dans l'air et les plongeais dans l'eau... Le labo a apprécié et m'a recruté comme ingénieur de recherche dans cette thématique. J'ai eu trois ans pour construire un robot complet capable de manipuler des objets de quelques microns. J'ai ainsi obtenu un micron d'or, en 2008... » 

David Heriban : « Quand on fait de la recherche, on ne vise pas un marché mais un progrès humain »

Il hésite entre continuer sa recherche et aller dans l'industrie. Finalement, il dépose des brevets pour tenter de valoriser son robot : « Il fallait faire en sorte que l'outil scientifique devienne un outil industriel. Quand on fait de la recherche, on ne vise pas un marché mais un progrès humain. Mais des industriels avaient montré un intérêt, il y avait des marchés matures... J'ai fait un dossier pour intégrer l'incubateur d'entreprises, à Témis. Je n'y croyais pas plus que ça, j'ai passé 18 mois à monter mon plan d'affaires et j'ai créé Percipio Robotics en février 2011. J'ai eu mes premiers clients, recruté ma première ingénieure, il y a aujourd'hui dix emplois... » Est-ce une fierté ? « Je le serai quand ils seront vraiment pérennisés : on recrute car on a beaucoup de travail, mais heureusement qu'on est aidé pour la recherche et développement : ça permet de tenir ». Le soutien public représente encore la moitié des recettes et augmente en même temps que les ventes... Quand le plafond d'aides sera atteint, la start-up ne pourra se développer que grâce à ses contrats...  

David Heriban voit au-delà de son entreprise. Il est persuadé que les micro-nanotechnologies peuvent être des « outils de réindustrialisation de la région : travailler avec des robots ne dépend pas du coût de la main d'oeuvre mais de l'intelligence. Des robots hightec en France peuvent réindustrialiser certains secteurs : on fait moins cher avec des robots des productions aujourd'hui délocalisées. Mais il faut des gens bien formés, avec des connaissances en robotique, mécanique, électronique, informatique... » Il cite en exemple les micro systèmes optiques des télécommunications et plus généralement « tout ce qui s'est miniaturisé ».

« l'idée est de s'approcher au plus près d'une tumeur à traiter »

L'institut Femto-ST dont vient M. Heriban est la pépite de la recherche universitaire régionale. Ses coopérations lui ont permis d'obtenir une part des investissements d'avenir du fameux Grand emprunt de 2010-2011. L'institut montre aujourd'hui un système micromécanique pour la chirurgie laser robotisée des cordes vocales, prix spécial du jury Micronora cette année !  Il s'agit d'installer un outil miniature au bout d'un endoscope : « l'idée est de s'approcher au plus près d'une tumeur à traiter », explique Patrick Rougeot, ingénieur de recherche. 

Cette technologie ouvre des perspectives en chirurgie cardiaque mini invasive « demandée par les chirurgiens : des Belges ont fait des recherches sur la fibrilation auriculaire qui se traite en brûlant légèrement la membrane ventriculaire afin de modifier les champs électriques : ils sont allés jusqu'aux  tests sur des animaux », dit M. Rougeot en expliquant qu'on utilise une fine sonde pénétrant dans le coeur... L'interaction recherche technique recherche médicale ne s'arrête pas là  : « des collègues développent un capter à lévitation magnétique : il s'appuie sur une membrane pour, par exemple, caractériser les ovocytes dans le cadre de fécondations in-vitro ».

Les questions éthiques des nanotechnologies

Du coup, les questions éthiques ne sont pas loin.  Reste qu'elles ne sont « pas réellement abordées », admet Patrick Rougeot. Enseignant-chercheur en micro-robotique pour le biomédical à Femto-ST et à l'ENSMM, Kanty Rabenorosoa n'élude pas ces soucis : « dès qu'on envoie quelque chose dans le corps, se posent des problèmes techniques, scientifiques, éthiques... Mais on n'est pas des chercheurs fous, on a des familles... » En la matière, plusieurs industries sont visées pour l'utilisation de nanoparticules : l'agro-alimentaire, la cosmétique, la chimie...

Reste que le monde des nano intéresse d'autres secteurs, d'autres applications. Micronora montre ainsi une recherche visant à réaliser un « objet volant mimant l'insecte » avec des applications dans le génie civil ou le jouet, mais aussi aérospatiales ou militaires, traitant les risques NBC (nucléaire, bactériologique, chimique). En fait, des minis drones. « Ils ne pourront pas voler tant qu'ils n'auront pas réglé le problème de l'énergie qui ne se miniaturise pas, c'est le point noir des objets autonomes », souligne M. Rabenorosoa.

« Le robot n'a pas d'intelligence, c'est nous qui l'avons »

La microrobotisation peut-elle, comme le dit David Hériban, contribuer à la relocalisation industrielle ? « Le robot n'a pas d'intelligence, c'est nous qui l'avons », assure Erick Jouan, co-gérant de 2CAR, intégrateur de robots en usines basé à Seloncourt. Ancien salarié dans plusieurs entreprises, puis artisan, il a sauté le pas de création d'entreprise en 2004 avec Jean-Claude Nou, en sortant d'un groupe en difficulté pour « recréer l'activité ». 2CAR travaille beaucoup avec des équipementiers automobiles. « Au départ, les robots sont là pour suppléer au travail pénible, mais il est vrai qu'ils peuvent faire des miracles. Il faudrait un équilibre entre le nombre de robots installés et les gens en recherche d'emploi en développant le travail pour lequel le robot ne peut pas remplacer le travail humain ».

L'exemple en est donné par Roland-Bailly-SA, à Besançon où une quarantaine de personnes fabriquent des bols vibrants et des centrifugeuses. Ces outils sélectionnent et conduisent des pièces, parfois minuscules, devant la machine ou l'outil qui les transforme ou les assemble. En les mettant dans le bon sens, parfois à raison d'une pièce par seconde : l'homme ne peut pas s'aligner et c'est tant mieux pour les conditions de travail ! Les technologies fines sont partout, même dans le déshuilage des bains d'usinage, autrement dit de lubrification : ça, c'est le travail de oelheld-technologies, un groupe allemand du 19e siècle implanté en 2005 en Moselle : « nos clients sont tourneurs, fraiseurs, usineurs... On est à chaque édition de Micronora », explique Jonathan Masuccio. 

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