Maison du Peuple rénovée : inauguration sous protection

Pendant que le maire de Besançon Jean-Louis Fousseret (LREM) louait devant des syndicalistes « l'esprit de classe, celui des petits contre les grands, fait de fierté et de dignité », un cordon de police empêchait l'accès du lieu à une vingtaine d'autonomes dénonçant la politique gouvernementale. Des militants de gauche ont peu apprécié la situation...

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« Des gens passent leur vie sans se rendre compte qu'ils ont fait du théâtre... » A 92 ans, Jacques Vingler, qui a mis en scène moult pièces et dirigé de nombreux Bisontins, comédiens amateurs d'une ou deux saisons, n'a rien perdu de sa malice. Parmi les invités de l'inauguration de la Maison du Peuple rénovée, au numéro 11 de la rue Battant, il parle avec les uns et les autres.

Il parle avec Christian Mourey, qui tient la boutique Battant Musique, militant commerçant et homme cultivé, qu'on s'étonne de voir en ces lieux que Jean-Louis Fousseret présente comme « le symbole de l'histoire ouvrière de [la] ville et de ses valeurs ». On a souvent entendu Christian Mourey dans le rôle du pourfendeur de la gauche, alors le voir sur cette scène syndicale... Il a de la réplique : « J'ai suivi le cours de théâtre de Jacques Vingler... »

Et ce dernier de sourire : « Des gens passent leur vie sans se rendre compte qu'ils ont fait du théâtre... »

Est-ce une invitation à se demander ce qui se joue en ce 1er Mai frais et ensoleillé dans la cour de la Maison du Peuple ? Car enfin, voir les hérauts de la macronie locale sur les mêmes tréteaux que des élus socialistes, verts et communistes, au côté de syndicalistes sortant tout juste du défilé revendicatif avec des banderoles de la CGT encore dans les mains, ça fait surtout comédie sociale à la fois traditionnelle et surréaliste. Il y a même, pour recouvrir le discours du président de la Maison du Peuple Michel Buliard, les slogans d'une vingtaine de militants autonomes fustigeant le ralliement du maire à En Marche, son attitude sur les migrants ou la politique du gouvernement.

Un communiste historique : « Fallait pas foutre les flics devant la Maison du Peuple! »

On est loin du prétendu « nouveau monde » ! D'ailleurs, une dizaine de policiers, dont sept en tenue anti-émeute, empêchent l'accès à la Maison du Peuple. Ils sont dans un rôle ancien, en continuité avec un usage politique de la police systématisé par Sarkozy. Cela contrarie quelques retardataires qui n'ont pu franchir le barrage qu'après le départ des autonomes et de leurs anges-gardiens. Olivier Blondeau, un « communiste historique » interpelle l'adjoint Christophe Lime : « fallait pas foutre les flics devant la Maison du Peuple ! » L'élu communiste répond : « je n'étais pas au courant ». Dans l'entourage du maire, on dit ne pas l'être non plus. On laisse entendre que la police était au parfum des projets du petit groupe... Répertoire inépuisable.

En écoutant attentivement le discours de Jean-Louis Fousseret, qui fut socialiste dans sa vie politique « d'avant », mais aussi adhérent de la CGT, on est songeur en l'entendant évoquer son « émotion » à être là en cette « date qui symbolise le combat du mouvement ouvrier pour le droit syndical, les droits universels et la dignité humaine ». Il dira aussi que le lieu a existé grâce ces « hommes et femmes, français et immigrés, qui ont porté haut la dignité ouvrière avec un sens aigu de la solidarité, de la justice sociale, de l'action collective ».

Jean-Louis Fousseret : « ce refus d'un monde marchand et inégalitaire... »

Il parlera de « l'esprit de classe, celui des petits contre les grands, fait de fierté et de dignité ». Soulignant l'importance du « choc de la désindustrialisation pour les ouvriers et tous les bisontins », il ajoute : « si la mémoire est nostalgique, elle n'est surtout pas passéiste. Elle a mis en place des fondements qui nous guident toujours vers l'avenir avec ce refus d'un monde marchand et inégalitaire... »

Bref, un discours de gauche qui n'étonne pas quand on sait que Fousseret a, autrefois, été élu conseiller général et député grâce aux voix populaires de Planoise où il était très présent. Mais ce discours paraît à contre-emploi. Il surprend quand on le met en regard des mesures prises par le gouvernement qu'il soutient et contre lesquelles son auditoire vient justement de manifester. Bref, le maire de Besançon pratique le grand écart en le caressant dans le sens du poil. En fait-il trop ?

Estimant que ce n'est pas « le lieu de polémiquer », Michel Buliard dira quand même que « tout le monde doit entendre ce qui se dit dans la rue, y compris au plus haut niveau... Au député LREM de faire entendre ce qu'il a entendu... » Eric Alauzet ne dit mot, refuse même de venir au côté de Fousseret quand celui-ci l'invite à ses côtés, mais le parlementaire est là pour la photo du dévoilement de la plaque en hommage à l'ancien syndicaliste horloger Octave David.

Une salle polyvalente à la place de l'ancien cinéma Styx...

Il rappelle d'ailleurs que l'opération a coûté 1,46 million d'euros (TTC), « plus du double des 680.000 euros prévus initialement... » Ce faisant, la coopérative Maison du Peuple a aussi dû se défaire du troisième bâtiment, celui-là même qui abritait l'UD CGT et l'ancienne et emblématique salle David, cédé à la SMCI qui en a fait des logements. La recette doit permettre, avec un emprunt cautionné par la Ville, de réhabiliter le bâtiment sur la rue Battant en vue de réaliser trois logements très sociaux. Quant au fonds de commerce, « ce ne sera sans doute pas un bar », lâche Michel Buliard. Au total, il y en a pour plus d'un million de travaux qui devraient commencer d'ici l'été et se terminer fin 2019.

Le bâtiment central est confié, en vertu d'un bail emphytéotique de 60 ans, par la Maison du Peuple à la Ville qui l'a totalement remanié. L'ancien cinéma Styx qui occupait le premier étage est transformé en une salle polyvalente affublée d'une petite cuisine et de sanitaires. Le deuxième étage est occupé par des bureaux pour la CGT, FO et la Maison du Peuple. Les deux salles de réunions du rez-de-chaussée, Graizely et Vagneron, rafraichies, ont une vocation associative. Jean-Louis Fousseret parle pour sa part de « maison pour tous », autrement dit municipale, en lien étroit avec les Bains-Douches. Certains y verront une mise sous tutelle.

A quelques encablures de là, une autre scène du quartier Battant se joue place Marulaz où le 1er Mai libertaire attire plusieurs centaines de convives dans une joyeuse improvisation organisée. Repas à prix libre, stands de plantes et de livres, musique et discussions à tout rompre figurent un autre jeu social autorisant le pas de côté. Un calicot dit ainsi « ni capitalisme ni démocratie : vive l'anarchie ». C'est là que se sont finalement repliés les contestataires qui criaient aussi, non sans justesse, devant la Maison du Peuple : « la mairie, elle est là pour passer dans les médias ! »

 

Dans la cour de la Maison du Peuple...
Dans la rue Battant, en face la Maison du Peuple...
L'entrée de la Maison du Peuple...
Elus LREM et PS... Les écolos et les communistes ont préféré être à peine en retrait...

 

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