L’université de Franche-Comté à l’heure du choix

Qui sera élu.e mardi 17 novembre à la présidence du conseil d'administration pour succéder au mathématicien Jacques Bahi ? L'écologue Daniel Gilbert, du laboratoire  Chrono-Environnement, veut changer de méthode et défend une université impliquée dans la transition environnementale et démocratique. Vice-présidente sortante, Macha Woronoff enseigne la pharmacie et s'inscrit dans une « gouvernance de proximité adaptée aux enjeux ». La désignation des personnalités extérieures a tourné en faveur des candidats qu'elle a présentés.

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Les candidats à la présidence de l'université de Franche-Comté avaient jusqu'à vendredi 13 novembre à 17 heures pour se déclarer formellement pour le vote du conseil d'administration qui se tiendra mardi 17 novembre à 14 heures. Il aura fallu bien des péripéties pour que celui-ci soit au complet. Les élections ont d'abord eu lieu le 10 mars dernier dans une relative indifférence. Curieusement, le site de l'université n'y faisait même pas référence sur sa page d'accueil, renvoyant vers d'énigmatiques mentions techniques qui cherchait par exemple à consulter les listes de candidats. En outre, le premier confinement est survenu avant même que la suite du processus puisse se dérouler et le mandat de l'équipe sortante a été prolongé jusqu'à maintenant par le ministère. Ensuite, à la suite de recours en annulation formés par Daniel Gilbert, le collège des professeurs a dû revoter. D'une part, l'urne avait un bulletin de plus que le nombre d'émargements, d'autre part, le siège supplémentaire attribué au plus fort reste l'était avec une marge inférieure à une voix (0,7) : trop faible pour être satisfaisant. Un nouveau scrutin a donc eu lieu le 16 octobre, confirmant le rapport de forces issu du premier vote : 6 sièges pour la liste de Macha Woronoff, 2 pour celle de Daniel Gilbert, mais avec une marge indiscutable. C'est cependant un résultat inverse qui est sorti du collège des maîtres de conférence et autres enseignants-chercheurs, quatre fois plus nombreux que les professeurs mais désignant autant d'élus : 6 sièges pour la liste Gilbert, 2 pour la liste Woronoff. Dans le collège BIATS (bibliothécaires, ingénieurs, techniciens…), représentant un peu plus d'électeurs que le second collège mais ne désignant que six élus, c'est la liste soutenue par Daniel Gilbert qui arrive devant et emporte 2 sièges contre un seul à chacune des quatre autres listes : celle soutenue par Macha Woronoff devançant légèrement trois listes syndicales (CGT, SNPTES, UNSA). Quant au collège étudiants, pardon des « usagers », il a enregistré une participation inférieure à 10%, la BAF obtenant trois des six sièges en jeu, devant l'union CGT-Solidaires, l'UNI et l'Union estudiantine qui en obtiennent chacune un.  

« Le corps des professeurs est sur-représenté »

Restait à désigner pour le 5 novembre cinq personnalités extérieures, notamment parmi les collectivités territoriales ou le CNRS, pour compléter le CA qui élira le 17 novembre une équipe de gouvernance pour quatre ans. Qui va l'emporter du directeur du laboratoire Chrono-Environnement Daniel Gilbert ou de la professeure de pharmacie Macha Woronoff ? En voix, le premier l'emporte parmi les personnels avec 38% des suffrages exprimés, devant les listes syndicales (35%) et les listes de sa concurrente (27%). « J'ai largement gagné le collège des maîtres de conférence, [Mme Woronoff] a gagné chez les professeurs », souligne Daniel Gilbert en mettant avant ce fait incontestable : « on est en tête en voix, mais le corps des professeurs est sur-représenté. Et ce serait compliqué de gouverner sans les personnels… » Le problème, c'est qu'on doit compter en sièges, et là, le rapport de force donne 10 sièges aux listes Gilbert, 9 aux listes Woronoff et 3 aux syndicats. Il est possible que ces derniers n'apportent pas leurs suffrages à Macha Woronoff. En effet, vice-présidente sortante en charge des finances, elle apparaît quoi qu'elle en dise, comme incarnant la continuité de la gouvernance du président Jacques Bahi dont la relation erratique avec l'université de Bourgogne n'a jamais été lisible, et qui restera comme le premier patron de l'université franc-comtoise à avoir appelé la police pour déloger du CA une poignée d'étudiants venus contester sa politique. Plusieurs d'entre eux furent d'ailleurs poursuivis et condamnés par la justice.

Les étudiants et les personnalités extérieures arbitres de l'élection 

Les arbitres de l'élection devraient donc être les étudiants et les personnalités extérieures. Lors des mandats précédents, la BAF avait fait alliance avec Jacques Bahi. Qu'en sera-t-il cette fois ? Elle semble pencher vers Macha Woronoff, d'autant plus que nombre de ses animateurs suivent des cursus de santé, composante que Mme Woronoff estime négligée par Daniel Gilbert. Quant aux personnalités extérieures, on ne peut que relever que la maire de Besançon et présidente de la communauté urbaine, Anne Vignot, a travaillé comme Daniel Gilbert dans le laboratoire Chrono-Environnement.  La lecture des deux projets permet de déceler quelques différences d'orientation, et surtout de méthode. Ainsi, les deux listes entendent à nouveau candidater à l'I-Site, arrivé à échéance cette année, qui a apporté des financements sur projets plutôt que par la voie budgétaire en inscrivant la politique universitaire dans la concurrence mondiale, en cohérence avec les lois européennes et nationales. A son propos, Macha Woronoff entend « reconduire l'I-Site » qui est son « premier objectif » quand Daniel Gilbert veut « permettre à tous les acteurs de se l'approprier ». En fait, l'I-Site semble avoir fonctionné comme un instrument favorisant les composantes technologiques de l'université au détriment des humanités - les sciences humaines et sociales - qui ont paru délaissées sous la présidence Bahi. 

« L'université de Franche-Comté est en échec démocratique », dit Gilbert. Elle doit être « compétitive » et portée à « l'ambition », écrit Woronoff.

On est bien dans la différence de méthode quand Daniel Gilbert dit vouloir « changer de gouvernance » pour notamment « reconnecter la présidence aux composantes et laboratoires ». Il entend ainsi instaurer des droits pour l'opposition et convoquer une conférence annuelle publique pour faire le bilan des actions. De son côté, Macha Woronoff propose une « gouvernance de proximité adaptée aux enjeux, avec l’appui d’une équipe compétente, en prise avec le terrain, ouverte au dialogue et à la concertation ». Son programme ajoute à cette formule qui paraît sortir d'un manuel de management les notions de « démarche de consensus », « culture de projet » et « culture de l'évaluation »… Daniel Gilbert veut pour sa part inscrire l'université dans les problématiques environnementales et se désole de la désaffection des étudiants pour les élections universitaires : « Il faut que l'université devienne l'école de la démocratie, qu'un étudiant ait au moins entendu parler de transition environnementale et démocratique. 90% de mes étudiants ne prennent jamais part à la vie étudiante collective, la plupart met les travaux universitaires à distance, sans participer aux grands débats. L'université de Franche-Comté est en échec démocratique car la majorité des étudiants la traversent de façon transparente. Il était impossible de trouver des informations sur les élections, beaucoup ne savaient même pas qu'il y avait un vote », nous a-t-il expliqué.  Comme nous n'avons pas pu joindre Macha Woronoff, nous nous sommes contenté de son site de campagne. L'analyse comparée des discours montre qu'elle est plutôt dans une perspective gestionnaire et technocratique, portée à « l'ambition » comme souligné dans l'intitulé de sa liste : « Pour une Université de Franche-Comté d’ambitions et de valeurs ». Elle met en avant des notions traditionnellement libérales comme la « compétitivité » ou la « lisibilité », autrement dit l'attractivité.   Bref, il y a comme un petit air de combat droite-gauche…   

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