Louis Pergaud, la littérature, l’histoire et les lycéens

Trois cents élèves du lycée Pergaud de Besançon ont participé à un hommage solennel à l'écrivain, mort à la guerre il y a cent ans, voulu par un recteur historien. Avec lecture de documents, musique et solennité...

Louis Pergaud

Mardi 10 novembre 2015, l’amphithéâtre du Lycée Louis Pergaud était comble. Sans doute plus de 300 élèves des classes de Première littéraire, de Première en économie sociale et familiale, de Première scientifique. Sans oublier les représentants du corps enseignant.

L’initiative de cet hommage est due au recteur de l’Académie. Impossible, en effet, de passer sous silence l’anniversaire de la mort du romancier Franc-Comtois, mort pour la France le 8 avril 1915. Et la guerre de 14/18 est au programme d’Histoire des classes de Première. Les enseignants en Histoire et en littérature ont donc apporté leur contribution. Les élèves aussi. Une exposition au CDI, et, au cours de l’hommage, des lectures de lettres de Louis Pergaud à Delphine, son épouse, d’autres à certains de ses amis, des extraits de son carnet de guerre.

Madame Odile Roynette, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Franche-Comté, et spécialiste de Pergaud, trace le cheminement de l’écrivain, de sa naissance à Belmont, dans le Doubs, jusqu’à sa mort, dans le secteur des Éparges, près de Verdun. Son corps n’a jamais été retrouvé. Les circonstances de sa mort restent mystérieuses. Il est possible qu’il ait été victime de tirs français après avoir été fait prisonnier par les Allemands. Les boches. Le mot apparait lors de cette guerre, cette épouvantable boucherie. Plus de 10 millions de morts pour les militaires, près de 9 millions pour les civils.

Pergaud pleure la mort de Jaurès

Louis Pergaud n’a rien d’un militaire. C’est un instituteur, un homme de la nature, un chasseur, un écrivain. Contre son gré, mais par devoir, il deviendra officier et sera témoin de la guerre. Son Carnet de guerre sera remis tardivement à Delphine qui, longtemps, a cru que son mari était prisonnier, et qu’il reviendrait.

Louis Pergaud était plutôt antimilitariste et disait du métier de militaire que c’était un métier idiot. Il pleure la mort de Jaurès, mais il part à la guerre avec résolution, pour faire son devoir, en réponse à l’agression de l’autre. « À Berlin, on veut la guerre.»

Il n’est pas préparé à ce qui l’attend. Les autres non plus. Un carnage. Des flots de sangs, dans la boue, la pisse et la merde des tranchées.

Dans ses lettres à Delphine, il ne raconte pas ces horreurs. Il minimise, il ne veut pas l’inquiéter.

Les lettres envoyées, les lettres reçues. Pergaud et ses poilus ne cessent d’écrire. C’est un lien vital pour eux. La correspondance avec les proches est le prolongement d’une histoire interrompue par la guerre. Elle est la preuve de la survie de l’autre. Elle est aussi un moyen, pour ces hommes, de continuer à « contrôler » le ménage. Ils savent que les lettres seront lues par l’entourage. Sans doute certains s’auto-censurent-ils.

Un guerre différente selon les lettres ou le carnet de guerre...

En ce qui concerne l’écrivain et maintenant soldat Pergaud, la guerre qu’il raconte dans son carnet n’est pas la même que celle qu’il raconte dans ses lettres.

Il voit les blessés arriver, les terribles gueules cassées que la chirurgie de l’époque ne sait pas réparer. Ses descriptions se font de plus en plus réalistes. Il porte aussi une grande attention aux animaux. Il raconte un chien qui va chercher les blessés. Hommes et animaux alliés et victimes dans la même barbarie.

L’absurdité des pantalons rouges qui signalent les soldats à l’adversaire. L’absence de casques…

Il arrive un moment où l’écrivain atteint les limites du dicible.

Les permissions, les perms, ne seront instaurées qu’en 1915, après la mort de Pergaud.

Jusqu’à la fin, il n’aura cessé d’imaginer qu’il verrait la fin de la guerre, et d’imaginer la vie qu’il reprendrait avec Delphine.

Enseignement sans flamme ?

L’hommage rendu à Pergaud dans cet amphithéâtre du Lycée Pergaud, a eu la même gravité et la même solennité qu’une cérémonie devant un monument aux morts. Pas de Marseillaise, mais des morceaux de musique graves et mélancoliques, joués au violoncelle et au hautbois. Pas de discours de notables, mais des textes de Pergaud lus par des élèves, en alternance avec l’exposé très bien documenté fait par Madame Roynette.

L’on pourrait juste regretter que cet hommage ait manqué de souffle. Tout a été dit. Mais cette histoire paraissait si lointaine, si désincarnée, presque aseptisée ! Qu’auront retenu les élèves de la réalité des horreurs de la guerre, qui est à nos portes, a rappelé le Président de la République, lors de la commémoration de l’Armistice ?

Faut-il vraiment que l’enseignement – il s’agissait d’Histoire – que l’accès à la culture – il s’agissait d’un écrivain – soient à ce point débarrassés de flamme, à défaut de passion ?

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