Lons-le-Saunier : la vidéo-surveillance, cadeau de Jacques Pélissard à son successeur

Le dernier conseil municipal du maire qui termine son cinquième et ultime mandat a adopté une convention avec l'Etat permettant le transfert permanent au commissariat de police des images de 117 caméras de vidéo-protection, dont l'autorisation de visionnage est aujourd'hui confiée à un juge. L'opposition de gauche et un élu de la majorité ont voté contre. Une « délibération scélérate », estime le citoyen Julien Da Rocha qui a saisi la CNIL pour défaut d'étude d'impact et se prépare à former un recours administratif.

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Julien Da Rocha aime bien mettre le doigt sur les contradictions. Militant du vélo, il avait il y a quelques années relevé le défi lancé par la députée du Haut-Jura Marie-Christine Dalloz qui considérait que ce mode de transport n'était pas adapté à la montagne, en démontrant qu'on pouvait faire l'aller-retour travail-domicile entre Saint-Claude et Septmoncel. Plus tard, il avait taquiné la commune de Perrigny en traçant une bande délimitant une voie cyclable sur la route principale, ce qui lui avait valu de payer le nettoyage. Récemment, il a occupé une ancienne gare routière pour tenter d'en faire une « maison du peuple » afin de soutenir le mouvement des gilets jaunes, avant d'être contraint de quitter les lieux sur décision judiciaire.

Cette fois, il conteste l'adoption par le dernier conseil municipal de l'ère Pélissard, le 24 février dernier, d'une délibération adoptant une convention de partenariat entre la Ville et l'État transformant une partie du réseau de caméras de vidéo-protection en vidéo-surveillance. Il s'agit de passer d'un système où les images sont conservées trente jours et ne peuvent être visionnées que sur décision judiciaire, à leur transfert permanent vers la salle d'information et de commandement de la Direction départementale de la Sécurité publique, autrement dit le commissariat de police.

L'article 3 de la convention spécifie que « les personnels de la police pourront prendre le contrôle des caméras pilotables, pour un temps limité, en vue de la gestion d'un événement opérationnel ou de satisfaction des besoins aux fins d'investigation. En aucun cas, la DDSP 39 ne s'engage à visionner les images en permanence. Aucun enregistrement des images obtenues ne peut s'effectuer au sein de la salle d'information et de commandement de la DDSP 39. » L'encadrement du visionnage est prévu par une phrase sibylline : « seul le personnel habilité par le chef de service peut avoir accès aux images obtenues par le renvoi ».

Une délibération édulcorée par rapport à la convention type du ministère de l'Intérieur

Quant à l'implantation du matériel et des écrans, la convention prévoit sa détermination par la police « en tenant compte des principes de confidentialité et de respect de la vie privée », le réseau de la ville transféré restant « indépendant de ceux en œuvre au sein du service de police ». Enfin un comité de pilotage composé du maire et de la DDSP « participe à l'élaboration du dispositif de vidéo-protection et à son évolution, notamment en s'assurant que le positionnement des caméras correspond à la réalité de la délinquance ». Ce comité est aussi chargé de l'évaluation du dispositif que décrit une annexe en huit points, prévoyant notamment un système de visualisation avec écran de 55 pouces (140 cm) fonctionnant 24/24h et 7/7j, une station de consultation avec écran de 27 pouces (68 cm) pour logiciel vidéo avec 8 GO de mémoire vive, un logiciel de vidéo-surveillance de marque Bosch » version professionnelle ».

Ressemblant au projet type pour la création d'un CSU figurant sur le site du ministère de l'Intérieur, la convention lédonienne est plus permissive pour les forces de l'ordre. Par exemple, quand le projet-type propose « aucun enregistrement des images obtenues ne peut s’effectuer au sein du centre d’information et de commandement de la DDSP », la version lédonienne renverse la proposition : « En aucun cas, la DDSP 39 ne s’engage à visionner les images en permanence ». Quand le projet type propose que le comité de pilotage intègre le président de l'intercommunalité, la version lédonienne ne le mentionne pas...

« Délibération scélérate »

Cette délibération vient quelques mois après l'abandon d'un projet de CSU (centre de supervision urbaine) qui aurait lui aussi permis un visionnage permanent, géré par la commune, mais jugé trop onéreux. Lors du débat, les conseillers de gauche ont voté contre. Anne Perrin (EELV, n°2 de la liste Changer de cap conduite par Jean-Yves Ravier) indiquait que si la mesure avait été effective, tous les gilets jaunes qui avaient manifesté la veille auraient été filmés, ce qui a emporté la conviction de l'élu de la majorité, Gérard Grosfilley, par ailleurs gilet jaune, qui a aussi voté contre. Jacques Pélissard a contesté cette analyse sur le mode : « On n'est pas en Chine ».

Julien Da Rocha avait appelé les citoyens à investir la salle du conseil municipal pour tenter d'empêcher le vote, mais il n'a pas été accompagné par grand monde. Il s'est contenté d'intervenir pour dire son désaccord. Il estime que la mesure a été proposée en fin de mandat « pour ne pas que le sujet soit dans le débat électoral et fasse perdre des voix aux deux candidats issus de sa majorité », John Huet et Christophe Bois.

Julien Da Rocha a cependant écrit au préfet pour lui demander, dans le cadre du contrôle de légalité de la délibération votée, de « prendre les mesures nécessaires s'il s'avère qu'une analyse d'impact sur la protection des données doit être effectuée ». Comme le préfet est co-signataire de la convention, on le voit mal se dédire. « En cas de validation, je saisirai le tribunal administratif », annonce d'ores et déjà le citoyen en expliquant que la CNIL recommande une telle étude d'impact, c'est pourquoi Da Rocha l'a également saisie : « la commune n'a pas engagé d'analyse et n'a rien présenté en conseil municipal. Il n'y a même pas d'évaluation du dispositif déjà existant », écrit-il à l'institution qui a indiqué le 25 février répondre dans un délai moyen de quarante jours.

Julien Da Rocha estime que le dernier conseil municipal de Jacques Pélissard a, en votant la convention, adopté une « délibération scélérate » en référence aux lois liberticides dites scélérates votées à la fin du 19e siècle pour réprimer les attentats commis par des anarchistes et utilisées à bien d'autres fins. Ce que l'avocat pénaliste Raphaël Kempf a rapproché de notre législation plus récente visant à réprimer ou prévenir le terrorisme et utilisée dans la répression du mouvement social dans un petit livre intitulé Ennemis d'Etat

 

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