Lons-le-Saunier : « c’est bien, mais il va en falloir plusieurs comme ça, ils sont solides en face… »

Plus de 2000 manifestants (3500 selon la CGT) ont défilé dans la préfecture du Jura contre la réforme des retraites. En marge de cette démonstration de force, CGT et gilets jaunes ont rivalisé pour figurer en tête du cortège. Une assemblée générale est programmée samedi matin pour débattre de la suite. 500 manifestants ont défilé le matin à Saint-Claude.

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« La retraite à points, c'est la retraite à poil ! », se marre Rachid Hiébous, délégué CGT à l'hôpital de Lons-le-Saunier, alors que la place de la Liberté est multicolore de monde et de banderoles. Il n'y a pas celle de la CFDT, mais Serge Fotia, un de ses infatigables militants, est là, sans sigle mais avec ses convictions personnelles. A entendre des témoins, il n'est pas le seul de sa centrale à avoir contourné le non appel de la direction nationale. Mobilisation des hospitaliers oblige, il y a aussi Eric Loupiac, délégué de l'association des médecins urgentistes de France qui rend hommage à l'opiniâtreté : « on en est à un an de mobilisation et le SMUR 2 est toujours là. Nous les avons fait reculer… »

Comme ailleurs, les enseignants sont nombreux à s'être mobilisés, certains venus de Morez avec une énorme banderole mentionnant le « soutien » des syndicats. Comme si ces derniers ne devaient plus marcher systématiquement devant, sinon donner des consignes. Il y a là des enseignants du lycée professionnel Montciel, des militants d'ATTAC, des salariés de SKF, des gilets jaunes… Un petit groupe de ces derniers prend d'ailleurs la tête du cortège et entame un petit jeu avec la CGT qui la revendique tout en restant inflexible sur ses façons de faire et ses fondamentaux, par exemple avec l'inusable slogan « de l'argent il y en a dans les caisses du patronat ».

« Les gilets jaunes, c'est un mouvement de travailleurs, pas de feignasses ! »

Lors d'une halte de quelques minutes devant l'entrée close de l'usine Bel, je suis témoin d'un échange un peu vif entre Richard Dhivers, secrétaire de l'UD CGT, et Laurent, un gilet jaune de la première heure. « Pourquoi vous cherchez à récupérer le mouvement alors que vous n'avez pas participé à l'organisation ? » reproche en substance le responsable syndical. « On ne récupère rien du tout, on vient d'en prendre plein la tête pendant un an », réplique Laurent. « Ça fait un siècle que les travailleurs en prennent plein la tête », répond Dhivers. « Et devant, tu crois que ce ne sont pas des travailleurs ? Les gilets jaunes, c'est un mouvement de travailleurs, pas de feignasses », rétorque le gilet jaune.

La conversation se calmera, mais elle illustre quelque chose de particulier à la période. Affaibli, tant par les mutations du salariat que par les attaques contre les militants, les législations restrictives ou encore les errements de certains délégués, le syndicalisme était bel et bien sur la défensive depuis de nombreuses années. C'est alors que le mouvement des gilets jaunes a fait irruption dans l'arène publique, démontrant notamment une persévérance et un égalitarisme rompant avec un paritarisme vu comme un piège à embrouilles. 

Le fait que gilets jaunes et syndicalistes aient enfin défilé ensemble massivement, sur une journée décrétée d'abord par la CGT, montre aussi que de la conflictualité née des multiples façons d'agir et de penser, peut naître un mouvement puissant, sans doute de nature à impressionner le pouvoir, et pourquoi pas à le faire plier. Edouard Philippe, en louant vendredi soir le sens des responsabilités des syndicats, l'a bien compris : il tente ainsi, en creux, de séparer dans son propos les syndicats qui seraient fréquentables des autres qu'il ne cite pas ou relègue à la catégorie infâme des casseurs. On verra si cela divise, ou pas, le mouvement contre la réforme des retraites.

« Dans ma boîte, certains me disaient qu'on allait faire grève pour les cheminots ! »

La division des salariés affectés par le projet a d'ailleurs commencé de longue date. « Dans ma boîte, certains salariés me disaient qu'on allait faire grève pour les cheminots », m'explique Pascal Loureiro, délégué CGT chez SKF, plus grosse entreprise métallurgique de la région lédonienne, fabriquant notamment des roulements de précision pour l'aéronautique. Plusieurs dizaines de salariés de SKF ont cependant défilé tandis qu'un mot d'ordre de grève était observé sur le thème : « le problème de la retraite par points, c'est que s'il y a davantage de retraités, la valeur du point baisse… »

C'est pour cette raison que tous les syndicats ne critiquent pas le système par points par principe. « On n'est pas demandeur de ce système, mais s'il est instauré, il faut le sécuriser », explique Baptiste Guillard, secrétaire départemental du SE-UNSA. Qu'est-ce à dire ? « Quand un système par points est géré par les partenaires sociaux, ça fonctionne, d'où l'importance de la gouvernance… Mais ça fait un mois qu'on attend que le gouvernement mette ses conditions sur la table… »

Combien étaient-ils à Lons ? Assurément plus de 2000, en tout cas le nombre de manifestants était proche de celui constaté à Dole quelques heures plus tôt. La CGT a estimé l'affluence à 3500 personnes… « C'est bien, c'est bien… Mais il va en falloir plusieurs comme ça. Ils sont solides en face », commentait un vieux militant alors que s'opérait la dispersion tandis que quelques dizaines de manifestants occupaient un moment encore le carrefour de la place de la Liberté et de la rue du Commerce devant une dizaine de policiers stoïques…

Une assemblée générale est annoncée pour samedi matin à 10h30 place de la Liberté pour débattre des suites du mouvement.

 

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