Lionceau deviendra Lion…

Avec Comme un Lion, Samuel Collardey signe après L'Apprenti, un second long métrage tout en sensibilité et en efficacité, en émotion et en justesse de ton. Il raconte un rêve d'adolescent qui se brise souvent face à la réalité, et se réalise dans le film.

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Avec Comme un Lion, Samuel Collardey signe après L'Apprenti, un second long métrage tout en sensibilité et en efficacité, en émotion et en justesse de ton. Peu importe qu'il ait fait un documentaire, une fiction, ou plutôt un docu-fiction, il raconte un rêve d'adolescent qui se brise souvent face à la réalité, et se réalise dans le film. Ce rêve est celui de milliers de jeunes Africains de devenir footballeur professionnel en Europe afin d'y tâter la gloire, mais aussi renvoyer de la fierté et de l'argent au pays. Entretenu par la télé-monde, le portable et l'internet mobile, ce rêve a pour têtes de gondoles Barça ou Manchester. Il peut se manifester par la venue, au bord d'un pauvre terrain de foot, d'un recruteur, en l'occurrence un ancien international camérounais. La sélection est sévère, sans doute moins risquée qu'un embarquement aléatoire sur l'océan dans une pirogue de fortune...
Quoique. Car le risque du voyage et des promesses de contrat, d'abord financier, insupportable pour la famille, est dans Comme un Lion, pris par la grand-mère de Mytri, le héros de 16 ans. Elle s'endette à mort auprès de la communauté villageoise et les images montrent, sobrement mais crûment, la dureté d'un monde ici aussi dominé par l'argent. De son verger nourricier qu'elle brade au complément qu'elle obtient de l'assemblée des femmes, on reste un moment au village où l'on mesure la place du rêve, la place du foot. Samuel Collardey montre les étapes de ce qui transforme peu à peu le rêve en cauchemar. Du contrôle de la police aux frontières aux combines peu reluisantes des passeurs et intermédiaires des deux continents, Mytri se retrouve abandonné au triste sort qui est souvent celui des mômes ayant rêvé de gloire en crampons.
Il paraît au fond de l'abîme, mais il est sauvé une première fois grâce à la solidarité - brève mais vitale - de la communauté africaine de Paris. Sans papier, non expulsable car mineur, lui dit un juge, une assistante sociale lui trouve une place dans un foyer de Montbéliard où on l'oriente vers l'apprentissage hôtelier. Mais il est venu pour le foot et entre un jour en braconnant sur un terrain où s'entraînent les juniors du petit club de Sainte Suzanne.
Il force aussi le coeur et l'admiration de l'entraîneur, un ancien pro du FC Sochaux, un ours revenu à l'usine... Chacun a son secret, sa fragilité, sa blessure, tente de les cacher, mais est obligé de se dévoiler par la force des choses, faisant par là-même avancer l'histoire. Et s'accomplir le miracle qu'on lit dans le sourire d'Eric Hély, alors coach des jeunes, devenu depuis celui l'équipe première. Ce miracle est nécessaire au film pour lui éviter une cruauté aussi inacceptable que la réalité. Pour continuer à avoir confiance dans les rêves d'enfance, continuer à aimer les fêtes populaires du Haut-Doubs, pouvoir encore vibrer quand les joueurs entrent sur le terrain. Mytri rêvait du Barça, il foule la pelouse du stade Bonal et le bonheur est immense. C'est aussi une force du film de Collardey de remettre les pendules à l'heure : les vibrations du coeur des mômes du pays de Montbéliard vallent autant que celles de supporters du PSG. De ce point de vue, le foot n'est pas [que] cette planète perdue par l'arnaque et la corruption...
Car c'est bien en devenant Lionceau, le surnom des joueurs sochaliens, que Mytri pourra un jour devenir un Lion, celui de l'équipe nationale du Sénégal... 
   

    

 
 

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