L’insoumission face aux traditions oppressantes

Mustang, premier film de Deniz Gamze Ergüven rêve à voix haute de liberté pour les femmes turques en prise avec une société patriarcale archaïque…

mustang

Lela et ses sœurs sont orphelines. Elles grandissent dans un petit village au nord de la Turquie. C’est le dernier jour de classe et la bande de filles fait un petit détour en bordure de mer pour une baignade improvisée. Quelques garçons les rejoignent. Assises sur les épaules des garçons, elles chahutent dans une magnifique scène de bain ponctuée par des cris et des rires.

La mine enjouée, cheveux encore mouillés, elles rentrent à la maison où les attendent leur grand-mère et leur oncle bien décidés à les éduquer selon les règles de la société patriarcale turque. Enfermées dans la grande maison familiale, elles ne pourront plus sortir sans permission, porteront des robes sombres et devront vivre à l’écart du monde en apprenant la couture et la cuisine. Destinées à un mariage arrangé, elles n’auront pas d’autre échappatoire que d’accepter l’homme qui leur sera destiné et devront s’il le faut, subir la vérification médicale de leur virginité.

Les grilles aux fenêtres

Ainsi commence « Mustang » premier long métrage de la réalisatrice franco-turque Deniz Gamze Ergüven. A la sensualité et la vitalité débordante des jeunes filles, s’oppose très vite la vie des femmes turques mariées contre leur gré, éduquées en dehors du monde et prédestinées à une vie au service de leur mari. A la liberté débordante de l’ouverture du film s’oppose la fermeture, la mise en place d’interdits et de grilles aux fenêtres. La première échappée sera celle d’un match, séquence hilarante du film, mise en scène avec brio.

Afin de servir son propos la réalisatrice utilise habilement le regard de la cadette. C’est elle qui regarde de l’extérieur cette société archaïque qui anéantit la vie de ses sœurs ; le défilé de prétendants de bonne famille, la tristesse des rituels ancestraux, la panique à l’idée du mariage arrangé, la fuite. Son regard interrogateur - qui est aussi celui du spectateur - se transforme en mouvement vers une échappée possible, où les femmes décideraient de leur sexualité et de leur propre vie On voit toute l’énergie de cette adolescente à vouloir fuir sa condition ; en douce, elle apprend à conduire et fait ce qu’il faut pour échapper à la vie qui lui est imposée et tenter de reconquérir sa liberté.

Des actrices non professionnelles

« Mustang » référence implicite aux chevaux sauvages du nord-ouest des Etats-Unis est un film sur le mouvement, la fougue, l’énergie, la vitalité, la rébellion contre le conservatisme religieux ; de la première image à la fin, les filles n’ont qu’une envie, bouger et en bougeant faire avancer les choses.

C’est une fable féministe, une ode à la beauté féminine, un film solaire sur la fougue et la vitalité. Contre la soumission, l’ennui et une vie corsetée par l’obscurantisme religieux, le film propose l’insoumission avec une mise en scène subtile à l’intérieur de laquelle les actrices non professionnelles s’emparent de leur histoire, de la place assignée par l’éducation et les traditions à la femme turque, et la transforment en liberté assumée.

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