L’histoire secrète d’une invisible…

D'une pierre deux coups est un film bouleversant, grave et précieux. Quand les enfants d'une vieille immigrée algérienne qui leur a tout donné découvrent que leur mère a été une femme heureuse...

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D'une pierre deux coups est un film important réalisé par Fejria Deliba. Sorti en salle il y a deux mois, il a obtenu pour son scénario le prix du public du festival Premiers Plans d'Angers 2014.

Zayane, une vieille Algérienne reçoit un faire-part de décès et sort de la cité qu'elle n'a pas quitté depuis son arrivée en France pour aller chercher un carton rempli de souvenirs... Ses onze enfants se retrouvent chez elle et découvrent qu'elle n'est pas seulement leur mère, mais qu'elle a eu une vie de femme... C'est bouleversant, joyeux, grave et précieux.

Les non dits de l'histoire coloniale

Pour son premier long métrage, l'actrice d'Inch'Allach dimanche traite avec subtilité plusieurs non dits de la la société française trop longtemps plombée par l'histoire coloniale comme par la décolonisation. Finement interprétée par Milouda Chaqiq, Zayane a construit son propre univers de signes pour se repérer. Elle sait lire son agenda téléphonique grâce à des dessins, mais est perdue quand arrive une lettre, quand il lui faut prendre un train... En cela aussi, elle est le produit de la France qui ne lui a pas appris à lire...

 Admirable et courageuse, elle a bien élevé ses enfants, tous insérés. Ils lui rendent visite comme ils peuvent, comptent sur elle pour garder un môme, préparer des cornes de gazelle ou du couscous. La révélation de ce qui apparaît comme un secret de famille est l'occasion d'aborder quelques tabous supposés autour de la morale. La réalisatrice montre une fratrie dans laquelle les rigidités, religieuses mais pas seulement, loin de là, ne sont pas où l'on croit. Elle suit aussi la fugue de Zayane avec la complicité d'une amie dont l'outing désarçonne l'héroïne, un instant mais pas deux.

Un film dense en émotions

Fejria Deliba se joue des représentations avec bonheur et délectation. On sourit quand la seule femme en hijab est l'épouse roumi d'un fils de Zayane. On rit quand le jeune fils livreur de pizza découvre que les boulettes réclamées ne sont pas prêtes, quand sa seule fille portant l'al-amira - un hidjab coloré sur une tenue moderne - se révèle la plus ouverte. Clin d'œil du casting, elle est jouée par la lumineuse Myriam Bella qui interprète aussi Zayane jeune...

Ce film dense en émotions, répond incidemment aux obsessions des nostalgiques du temps des colonies. Il montre aussi que le cinéma est un art qui peut changer les regards quand il s'enracine dans la vie et le quotidien, quand il parle des gens ordinaires et des invisibilisés. 

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