Les enseignants en colère contre la loi Blanquer

Les instituteurs et les professeurs étaient présents en nombre lors de la manifestation interprofessionnelle du 19 mars à Besançon. Ils protestent contre le projet de loi Blanquer qui prévoit notamment de regrouper administrativement les enseignements de la maternelle au collège et la création d’écoles publiques d’élite. Ils craignent des disparitions de classes et l’instauration d’une école à deux vitesses.

manif19mars

Les profs et les instits sont en colère. Lors de la journée de grève interprofessionnelle du 19 mars, ils représentaient une part significative du cortège d’un millier de personnes qui a défilé dans les rues de Besançon pour réclamer, entre autres, plus de pouvoir d’achat. Avant la manifestation, les enseignants s’étaient donné rendez-vous devant la permanence de la députée LREM Fannette Charvier. Car s’ils contestent la réforme de la fonction publique en général, ils sont très inquiets des orientations prévues par le projet de loi Blanquer, dit Pour une école de la confiance, dont Fannette Charvier est co-rapporteure devant le parlement. Une délégation avait pu la rencontrer la veille, mais la députée est très loin d’avoir pu les convaincre.

« Ce n’est pas une loi pour la confiance, ils veulent contrôler davantage les enseignants et avoir la main mise sur l’école », s’agace Isabelle Faynot, qui travaille à l’école de Métabief et qui est élue au syndicat majoritaire dans l’enseignement du 1er degré, le SNUipp-FSU. L’une des mesures les plus décriées de la loi consiste à créer des établissements publics locaux d’enseignement des savoirs fondamentaux qui regrouperont, sous l’égide du principal du collège, les élèves de deux ans à quinze ans. « Nous ne sommes pas d’accord pour créer un établissement qui regroupe les élèves de la petite section de maternelle jusqu’à la 3ème au collège avec un principal qui gère toutes les écoles, en sachant que les élèves n’ont pas les mêmes spécificités ». A Métabief, tous les enseignants sont en grève, « ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps », précise Isabelle Faynot. « Étant en milieu rural, nous sommes éloignés d’un collège, et on a peur d’être abandonnés ». Elle cite l’exemple de Jussey en Haute-Saône, où les élèves de CM1 et de CM2 vont déjà tous les après-midi suivre des cours au collège. A la rentrée 2021, il est même prévu de regrouper la maternelle et l’école primaire sur le site du collège. « S’ils le font en Haute-Saône, ils le feront bientôt dans le Haut-Doubs », pronostique-t-elle.

Regroupement administratif et suppression de classes


Pour l’heure, seul un regroupement administratif est envisagé avec la création de ces établissements, et non pas physique. Et cela ne resterait qu’une « possibilité supplémentaire offerte aux écoles dans un cadre de recherche de souplesse », selon les mots de la députée rapportés par une personne qui participait à la délégation. Si Fannette Charvier n’a pas pu préciser quel sera le lien hiérarchique entre les instituteurs et le principal du collège, elle a assuré qu’il y aura des responsables de sites dans les écoles. Les directeurs d’écoles resteraient en place avec la même indemnité et la même quotité de décharge. Pour les syndicalistes, il ne s’agit rien de moins que d’y aller en douceur pour mieux les supprimer ensuite.


L’autre crainte avec la création de ces établissements, c’est la suppression de classes, et donc de postes d’enseignants. Aujourd’hui, le seuil maximal d’élèves par classe est de 27 en élémentaire et de 30 en maternelle. « Jusqu’à présent, s’il y a 32 élèves dans une petite école, on crée deux classes de 16, ce qui crée une qualité d’enseignement intéressante. Avec cette loi, on va globaliser le nombre d’élèves avec les autres classes du secteur pour être tout près du seuil limite. On est dans la rentabilité au détriment de la qualité et de la proximité », s’indigne Karine Laurent, co-secrétaire départementale SNUipp-FSU. Elle revient sur le vote de l’Assemblée nationale qui rend l’instruction obligatoire à partir de 3 ans, contre 6 ans auparavant. « On se dit comme ça que c’est une bonne chose. Mais quand on regarde, on s’aperçoit qu’il y a déjà 97 % des élèves de 3 ans qui sont scolarisés. Mais maintenant, l’État aura l’obligation de financer les écoles maternelles privées, il finance sa propre concurrence au détriment des écoles publiques, puisqu’il faudra se répartir le budget. »

Création d’écoles d’élite publiques

Autre grief, la création d’établissements locaux d’enseignements internationaux. « Ce seront des établissements bilingues à destination des enfants dont les parents ont une carrière tournée vers l’international. Quand ils disent qu’ils défendent la mixité sociale, on peut émettre un sérieux doute », indique Karine Laurent. « Le financement des maternelles privées et le développement des établissements internationaux nous font entrevoir une école à deux vitesses. Cela va finir avec une école publique sans moyens », redoute-t-elle. Et il y a encore de nombreux sujets d’inquiétudes, comme la fin du paritarisme des représentants des enseignants dans les instances qui gère les mutations et les promotions, le renforcement du devoir de réserve et l’interdiction d’expression publique « dénigrant l’institution scolaire », la création d’un conseil d’évaluation de l’école, dont 10 des 14 membres seront nommés par le ministre en remplacement d’une institution indépendante, etc.


Après le succès de cette mobilisation, les syndicats espèrent mobiliser davantage le 30 mars, et autant leurs collègues que les parents d’élèves. Cette journée nationale pour l’éducation se déroulera un samedi, le jour des gilets jaunes. Si des appels du pied ont été lancés à plusieurs reprises par les syndicalistes au micro en indiquant qu’eux et les gilets jaunes partagent un certains nombre de revendications communes, comme la défense d’un service public de proximité, la jonction des luttes ne sera pas aisée. En discussion dans le kiosque Granvelle à l’issue de la manifestation, il n’y avait pas de position commune sur le sujet. Les uns veulent se détacher des gilets jaunes pour appuyer leurs propres revendications tout en ayant peur que les familles ne soient pas au rendez-vous s’il est en même temps que la manifestation des gilets jaunes, tandis que d'autres souhaitent une manifestation unitaire, à l’image des blouses blanches.

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