Les écoles Paul-Bert de Besançon bloquées par des parents

La maternelle est juste en dessous du seuil d'ouverture d'une cinquième classe, l'élémentaire a perdu de justesse sa septième classe... « On se bat depuis plusieurs années », expliquent les parents qui attendent de nouveaux élèves allophones. L'administration reste droite dans ses bottes. Une nouvelle action est annoncée vendredi 18.

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8 h 15, ce mercredi 16 septembre. Émilie et Nathalie installent des banderoles sur le grillage bordant l'impasse piétonne qui conduit à l'école maternelle Paul-Bert. Au même instant, à 300 mètres de là, des parents font de même sur les grilles de l'école élémentaire. Beaucoup ont des enfants dans les deux établissements, ou passés de l'un à l'autre.

8 h 25. L'impasse de la maternelle se remplit de parents et de bambins. « Tu ne vas pas dans la classe, tu restes dehors », ordonne une maman à sa gamine. Une autre mère se poste devant la grille, à l'intérieur de la cour, pour éviter que les petits ne se sauvent. La plupart des parents savent ce qui se trame : « on est déjà allé en délégation à l'Inspection académique mercredi dernier. On nous a répété qu'on était sous le seuil », dit Émilie, élue au conseil d'école l'année dernière. Elle a une fille dans chaque école : « Depuis 2012 et l'arrivée de la première en petite section, on se bat. On est toujours à la limite des seuils. Nos enfants n'ont pas la même égalité des chances qu'en zone urbaine sensible. Quand ils sont trente par classe, les enfants sont fatigués, irritables... » Sur quatre classes, deux ont en effet trente élèves. Soumis au devoir de réserve, les enseignants confirment « c'est dur à trente, ce serait mieux à moins, ce serait bien que l'inspecteur vienne... »

« la France est le mauvais élève de l'OCDE »

Jean-Marie Renault, inspecteur d'académie (DASEN) : « les seuils n'ont pas force de loi »
Comment réagissez-vous aux blocages des écoles Paul-Bert par des parents d'élèves ?
Je les ai reçus la semaine dernière, on a échangé sur les effectifs. J'ai fait faire des pointages et on est conforme aux règles départementales. On est d'ailleurs sous les seuils. J'ai tenu compte du profil de l'école, elle n'est pas en éducation prioritaire, pas dans le rural isolé... »
Des enfants allophones vont arriver...
La question est à l'ordre du jour. Je vais voir avec le président du Grand Besançon et le préfet si l'actualité peut avoir une incidence sur la situation. Mais je me garderais, à ce stade, de flécher une école ou une autre. Si l'école évolue, j'en tirerais les conséquences.
Vous avez mis un poste à Pierrefontaine-les-Varans, dont la situation et les effectifs sont comparables à Paul-Bert, bien que n'étant pas dans le rural isolé...
Je n'ai pas remis un poste, mais enseignant de plus le matin car il y avait plus de 30 élèves en petite section. Pierrefontaine n'est pas privilégiée, mais 32 ou 33 en petite section, ce n'est pas raisonnable...
Paul-Bert a des classes à deux niveaux bien chargées...
J'entends bien. On retravaillera sur les seuils à la rentrée prochaine. Le double-niveau est une complication, mais ça apporte aussi une émulation. La situation n'est pas rare dans l'académie. Mais on n'est pas à la Grette, Planoise [Besançon] ou la Petite Hollande [Montbéliard] ou un tiers à la moitié des enfants ne parlent pas français à la maison.
Ne vous restait-il pas quelques enseignants en surnombre comme le suggère le SNUipp ?
Les surnombres ont largement fondu, beaucoup étant sur des remplacements. Ils ne sont pas disponibles et auront disparu à la Toussaint.
A l'école Rivotte de Besançon, vous n'avez pas maintenu un poste alors que le seuil a finalement été atteint et légèrement dépassé...
Les seuils sont indicatifs, ils n'ont pas force de loi. E, l'espèce, le seuil de 27 élèves par classe, en moyenne, est légèrement dépassé. Mais je n'ai pas considéré qu'il fallait rouvrir le poste. L'organisation pédagogique fait qu'on peut être à plus de 27...
N'est-ce pas une mesure de rétorsion à l'encontre du directeur qui a été responsable syndical ?
Non. Mes décisions sont éloignées de toute considération personnelle...
Quand même, les échanges que vous avez eus en juin avec les parents et les enseignants ont fait état de chiffres très changeant...
Les chiffres n'ont pas changé. J'avais même prévu un effectif dès avril, et l'écart était de deux à la rentrée... 

« A deux élèves près, on n'a pas eu de cinquième classe, ce qui nous fait aussi moins d'Atsem », dit Nathalie. Comme les seuils utilisés par l'administration sont jugés trop élevés, un blocage a été organisé par une dizaine de parents. En fait, un retard de l'entrée en classe avec occupation de la cour. « On veut d'abord voir l'impact sur l'ensemble des parents, ne mettre en difficulté ceux qui ne peuvent pas rester et on n'empêche pas les cours », dit Émilie. Il n'est question que d'une « éventuelle occupation à l'issue du collectif de ce matin ». Nathalie argumente : « la France est le mauvais élève de l'OCDE. On a le taux d'encadrant de petite section le plus élevé d'Europe : 19 enfants par adulte contre 12...  

Les fameux seuils ne s'appréhendent pas par classe, mais par moyenne sur l'école. La maternelle est à 115 élèves, selon les parents. Il faudrait 120 élèves pour ouvrir une classe. L'école élémentaire aurait conservé ses sept classes s'il y avait eu 162 élèves, or ils n'étaient que 157 inscrits dont deux n'étaient pas là le jour de la rentrée lorsque l'inspecteur de circonscription est venu faire le décompte, synonyme d'une fermeture. A entendre l'équipe enseignante, ce n'est pas tant l'effectif qui pose le plus de problème, mais surtout les classes à deux niveaux : « c'est dur de gérer deux cours dans une classe à 27 ou 28 ».

« Des parents pensent mettre leurs enfants dans le privé si ça ne change pas »

Yannick fait part d'une exigence entendue dans les propos de plusieurs parents : « quand on met 29 enfants en CP et autant en CM2, on s'interroge sur les conditions d'enseignement... » Élue l'an dernier au conseil d'école, Martine Koussouri est furieuse : « on n'a que deux élèves de moins que l'an dernier... J'ai entendu des parents expliquer qu'ils pensaient mettre leurs enfants dans le privé si ça ne change pas ». Samy s'interroge sur l'implication des parents : « Il faut les sensibiliser, mais certains s'en fichent... »

Dans ces conditions, ils sont plusieurs à douter de leur capacité à transformer le blocage matinal en occupation durable pour constituer un rapport de force. Reste qu'avec une centaine de parents mobilisés, le mouvement commence sur des bases solides, et une nouvelle action est annoncée ce vendredi.

Venue sur place, Blandine Turki, déléguée du SNUipp-FSU, le principal syndicat des enseignants du primaire, veut voir un espoir dans l'ajout d'un demi-poste à l'école de Pierrefontaine-les-Varans qui présentait des effectifs identiques à ceux de Paul-Bert et où les parents ont « fait une action ». Le directeur départemental de l'éducation nationale, Jean-Marie Renault, justifie la mesure : « j'ai mis un enseignant de plus le matin car il y avait 32 ou 33 élèves en petite section, ce qui n'est pas raisonnable ».

« Le DASEN a inventé des règles jamais vues »

Blandine Turki assure que la situation de Paul-Bert est limite et risque d'évoluer : « les parents ont raison, il y a des classes à deux niveaux, des enfants handicapés en intégration, cinq enfants allophonesdont la langue maternelle est une autre langue que le français dont certains viennent de pays en guerre (Syrie et Irak) et l'administration a dit qu'il y en aurait d'autres... » Elle considère qu'il reste quelques enseignants en surnombre sur les 23 comptabilisés à la rentrée. Et assure qu'il reste encore le problème de l'école Rivotte qui a perdu une classe après que « le DASEN a voulu recadrer quelqu'un, et inventé des règles jamais vues. Il y a 137 élèves et le seuil d'ouverture est à 136... » 

Le recadrage en question aurait consisté à taper sur les doigts du directeur, ancien responsable syndical très combatif, Franz Ehrhard... Jean-Marie Renault s'en défend : « mes décisions sont éloignées de toute considération personnelle... »

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