Les Coteaux de la haute Seille : une com-com ne veut pas mourir

Entre Lons-le-Saunier, Poligny et la Bresse, une petite communauté de communes autour de Voiteur, Château-Chalon et Baume-les-Messieurs risque de disparaître en raison de l'application stricte de la réforme territoriale. Ses dirigeants en appellent aux habitants... qui créent un collectif anti-dépeçage !

ccchs

Petite rivière de 100 km se jetant dans la Saône entre Chalon et Mâcon, la Seille n'est pas très connue au-delà de son bassin versant. Mais qu'on précise qu'elle prend sa source au fond de la reculée de Ladoye, l'une des deux principales branche de la très fameuse reculée de Baume-les-Messieurs, on la situe mieux. Si l'on ajoute qu'elle est surplombée par Château-Chalon, on comprend dès lors qu'elle traverse un petit territoire parmi les plus réputés du vignoble jurassien sinon mondial. Après quoi, elle traverse la Bressse où, si l'on en croit Wikipédia, on a pêché les plus gros silures de France dans les années 1980...

Le haut cours de cette petite rivière typiquement karstique a donné son nom en 1995 à une petite communauté de communes de 7226 habitants : les Coteaux de la haute Seille (CCCHS). C'est trop peu pour la loi NOTRe qui prévoit, pour le Jura, un seuil minimum de 7558 habitants pour maintenir une communauté de communes. Surtout depuis qu'en janvier, la commune nouvelle constituée depuis peu par Arlay et Saint-Germain-les-Arlay a choisi à une majorité de deux voix de rejoindre la com-com Bresse-Revermont, largement au-dessus du seuil de survie, à laquelle adhérait Arlay, au détriment de la CCCHS où était Saint-Germain.

 Élus amers

Un vote contraire aurait permis à la CCCHS de rester en vie. Que son destin tienne à si peu a de quoi rendre amers les élus de la CCCHS qui ont longtemps croisé les doigts avant de se résoudre à tenter d'éviter le pire que constituerait selon eux non seulement la dissolution de leur collectivité au 31 décembre prochain, mais surtout son éclatement. Car c'est bien ce que prévoit le schéma départemental de coopération intercommunale.

Largement préparé par la préfecture, ce schéma argue notamment « de l’absence de consensus entre les élus concernés pour rattacher l’intégralité de cette communauté de communes à un autre EPCI ». Ce que contestent le président de la CCCHS, le maire de Chateau-Chalon Christian Vuillaume, et une large majorité du conseil communautaire, mais aussi la plupart des 22 communes qui souhaitent rester ensemble. Le hic, c'est qu'elles ne sont pas toutes d'accord sur le choix du partenaire. Voiteur et Baume-les-Messieurs penchent pour l'agglo de Lons (ECLA). Sur le plateau, La Marre préférerait Poligny tout en ne refusant pas Bresse-Revermont.

Les autres penchent pour Bresse-Revermont, surtout après une étude comparative fine des différents scénarios. Car on ne marie pas des com-com comme ça. Les compétences choisies au cours des années passées, issues de pratiques de coopérations souvent très anciennes sur des sujets très concrets comme l'eau, l'assainissement, les médiathèques, le tourisme ou les écoles, ont entraîné des engagements financiers de moyen ou long termes, des choix stratégiques ayant des conséquences fiscales. La CCCHS est ainsi assez fière d'avoir créé une équipe verte dont les cent premières heures d'intervention sont gratuites pour les communes.

Sauve qui peut

Bref, ce qui est en question c'est l'aménagement d'un bassin de vie qui ne correspond pas forcément à un bassin d'emploi... Le tout se complique des accointances politiques des uns et des autres, des ambitions et des jeux d'acteurs... Mais aujourd'hui, c'est le sauve qui peut. On entrevoit déjà l'impossibilité que le vœu de rester ensemble recueille une majorité qualifiée de 29 voix sur les 42 membres de la commission départementale de coopération intercommunale qui doit rendre sa copie d'ici le 31 mars. Dans ce cas, le préfet aurait toute latitude, légale, de manier les ciseaux à sa guise.

C'est pourquoi, le bureau de la CCCHS a tenu vendredi 19 février une réunion publique à Brery, devant plus de 200 habitants, pour appeler la population au secours. Christian Vuillaume a présenté quatre scénarios théoriquement possibles en comparant les avantages et inconvénients, au regard des compétences respectives exercées, d'une fusion avec les quatre intercommunalités voisines : « il faut que le rapprochement qui nous est imposé nous cause le moins de dégâts possible ».

Plus de 200 personnes à Bréry le 19 février. Parmi elles, la cheffe de l'opposition socialiste du Conseil départemental, Danièle Brûlebois.

Il est vite apparu que Champagnole était quasi exclue du jeu en raisons de pratiques institutionnelles trop différentes et de la taille envisagée : « vous imaginez Ménétru et Chateau-Chalon avec Billecul et Longcochonprès de Nozeroy ? », ironise Christian Vuillaume. Poligny-Grimont n'est plus demandeuse. Quant aux deux autres solutions, Bresse-Revermont semble tenir la corde sur ECLA (agglo de Lons) en raison de ses caractéristiques rurales, de davantage de compétences communes et d'une possibilité de discuter du contrat.

« ECLA accepte les communes, mais à ses conditions... »

Dans la salle, Marie-Ange, bénévole de la médiathèque, réagit en disant son « attachement à ce qui a été développé » et demande « quel est le regard d'ECLA sur la ruralité ? » Michel Brutillot, le maire de Montain qui a conduit l'étude sur l'éventualité du rapprochement avec le chef-lieu, ne cache pas les risques : « le président d'ECLA [Jacques Pélissard] a réuni les onze communes pressenties, les vice-présidents ont répondu à nos questions, mais ne nous ont jamais demandé quels étaient nos besoins. Ils ont proposé de mettre les médiathèques en réseau avec nos bénévoles. Ils acceptent les communes, mais à leurs conditions... »

Alain Plésiat : « si on reste dans un jeu politique, on va dans le mur ».

Candidate Majorité citoyenne aux cantonales de 2015, Claudine Coluche suggère une pétition pour influer sur la décision préfectorale en cas d'échec du vote de la CDCI. Alain Plésiat dénonce une réforme territoriale « incohérente », trouve les élus de la communauté de communes « trop sages » bien qu'ayant « fait leur boulot » et propose un référendum d'initiative locale pour « dire au préfet que son projet est foireux et qu'on n'en veut pas ». Quelqu'un renchérit : « le préfet doit savoir qu'on n'est pas d'accord avec sa façon de faire ».

Christian Vuillaume : « restons groupés »

 Christian Vuillaume hésite. Il redoute l'impossibilité juridique d'une consultation. « Nous avons fait le choix stratégique de rester groupés », dit-il. Alain Plésiat se fait applaudir avec un discours de fermeté : « si vous restez dans un jeu politique, on va dans le mur car le préfet a les commandes. La seule chose qui puisse le faire changer, c'est la légitimité d'une opposition citoyenne, du retour à la base quand il y a déficit de démocratie ».

Les jours qui suivent la réunion, ils sont quelques uns à se réunir autour d'Alain Plésiat, Claudine Coluche et l'ancienne conseillère générale verte Marie-Odile Mainguet. Ils créent le collectif NON au dépeçage arbitraire de la Communauté de Communes des Coteaux de la Haute Seille. Son premier acte est l'écriture d'une lettre qu'ils souhaitent voir signer par un maximum d'habitants. 

Son second est l'organisation d'une réunion publique, samedi 5 mars à 14 h à la médiathèque de Voiteur.

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