Les avocats rejoignent le cortège contre la réforme des retraites

Ils étaient près de 3.000 à Besançon ce 24 janvier pour cette septième journée de mobilisation nationale contre la réforme des retraites, un chiffre en hausse par rapport à celle de la semaine dernière. Et pour la première fois, les avocats en grève depuis trois semaines ont défilé aux côtés des autres salariés. Avec un col rouge en guise de résistance.

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Vers 11h, José Aviles, cheminot et responsable CGT du Doubs, harangue les manifestants qui se sont réunis devant la gare Viotte de Besançon juste avant le départ en cortège. Le leader syndical se félicite des résultats du dernier sondage qui indique que 70% des Français estiment que le mouvement de protestation contre les retraites doit se poursuivre. « Nous n’allons pas sacrifier plusieurs générations pour que le capital se goinfre à nouveau. Ils vont nous dire qu’il faut officialiser le fait de travailler plus longtemps, mais qui peut penser un avenir où nos jeunes ne travaillent pas et nos vieux travaillent plus longtemps ? Le système de retraite est à améliorer, mais il est viable. Nous devons et nous allons gagner ! », s’exclame-t-il en cette 51e journée de lutte et 7e journée d’action et de manifestation nationale depuis le 5 décembre.

Et pour la première fois à Besançon, les avocats étaient présents dans une manifestation intersyndicale. Avec leur col rouge. « On entame notre 3e semaine de grève, nous l’avons votée à l’unanimité, ce qui est très rare », rapporte Claude Vicaire, avocat au barreau de Besançon. L’assemblée, qui a voté pour la troisième fois la grève, réunissait environ 90 avocats sur les 180 du barreau bisontin. « Au niveau de la durée et de l’unité, c’est assez inédit. Il y a d’habitude une discordance entre les avocats de la province et ceux de Paris, qui ont des revenus beaucoup plus importants. Mais la réforme est tellement violente qu’elle fait l'unanimité contre ».

Les avocats, qui n’ont pas pu obtenir de garantie par la négociation avec le gouvernement, sont donc pleinement entrés dans la mobilisation pour défendre leur régime autonome de retraite. D’abord avec la grève lors des audiences, et ensuite dans les cortèges. « Les avocats ne sont pas des nantis comme certains le pensent. Le revenu moyen national est de 40.000 euros, nous ne sommes pas hyper riches », affirme Claude Vicaire, comme s’il voulait légitimer sa place dans la manifestation. Dans le tract qu’ils distribuent, on peut lire qu’ils ne disposent pas d’un régime spécial parce qu’il est équilibré et ne coûte pas un euro au contribuable, qu’il est solidaire parce qu’il reverse près de 100 millions d’euros chaque année au régime général et pérenne parce qu’il garantit l’équilibre jusqu’en 2079.

« C’est comme si on mettait de l'argent à la banque et qu'on vous disait que ce n'est plus à vous »

« C’est comme si on mettait de l'argent à la banque et qu'on vous disait que ce n'est plus à vous. On ne peut pas spolier les gens comme ça », enrage Anne-Sylvie Grimbert, elle aussi avocate au barreau de Besançon. Comme ses collègues elle refuse que leur retraite de base passe de 1416 € à 1000 € et que les cotisations retraite passent de 14% à 28%. « Comment assumer notre rôle d'avocats si on n’arrive pas à payer les charges du cabinet ? La hausse des cotisations est une vraie crainte pour les jeunes, qui défendent souvent les justiciables les plus précaires », ajoute-t-elle. Ils craignent donc une disparition des petits cabinets et des conséquences néfastes pour l’accès des moins riches à la justice et au droit, « le ciment de notre société et le gardien de la démocratie ».

Pour un syndicaliste Solidaire, ce qu’on voit ici, 3.000 personnes dans les rues de Besançon, n’est que la face émergée de l’iceberg et reste confiant sur l’avenir de la mobilisation. « C’est déjà un record pour la Vème République. Il restera un noyau dur en grève et d’autres formes de luttes plus radicales vont émerger, comme aller déranger ceux qui bloquent vraiment le pays. Là c’est la retraite loto, on tire des tickets toute sa vie sans savoir quel sera le moment et le montant de sa retraite. Quand on voit la judiciarisation de la lutte, c’est effrayant, quand on voit des avocats se faire molester, c’est effrayant. Les gens en ont marre de l’enfumage permanent et d’un gouvernement aveugle et sourd ».

Les enseignants étaient toujours bien représentés dans le cortège, et cette fois ils ont jeté quelques vieux manuels derrière une grille du rectorat, comme cela s’était vu ailleurs. Réunis en assemblée générale après la manifestation, ils ont décidé des suites. Mobilisés contre la réforme du Bac, remplacé par les épreuves continues du E3C, ils se sont interrogés sur l’opportunité de les bloquer, tout en mesurant leur force, et avec la crainte de certains de pénaliser les élèves et de brouiller le message initial et qui semble aujourd’hui prioritaire : lutter contre la réforme des retraites qui les pénalise particulièrement.

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