Les 1000 vaches picardes s’invitent au congrès de la FNPL à Pontarlier

« C'est pas pour nous ! On doit faire dans la différenciation, sinon on est mort », répond Philippe Monnet, le président de la FDSEA du Doubs, quand on lui demande son avis sur la fameuse ferme des 1000 vaches de Picardie. Claude Vermot-Desroches, le président du CIGC (filière comté) est tout aussi catégorique : « ce n'est pas adapté chez nous », tout en rappelant que les richèmistes avaient, en leur temps, « le projet d'une étable par village »...

Thierry Roquefeuil, Xavier Beulin, Martial Marguet

« C'est pas pour nous ! On doit faire dans la différenciation, sinon on est mort », répond Philippe Monnet, le président de la FDSEA du Doubs, quand on lui demande son avis sur la fameuse ferme des 1000 vaches de Picardie. Claude Vermot-Desroches, le président du CIGC (filière comté) est tout aussi catégorique : « ce n'est pas adapté chez nous », tout en rappelant que les richèmistes avaient, en leur temps, « le projet d'une étable par village »... Il ajoute aussi que « souvent, l'agrandissement des exploitations ne permet plus aux gens d'aller aux champs... » Michel Foltête, président de l'Union agricole comtoise (groupe coopératif L'Ermitage) estime pour sa part que « ce n'est pas impossible à condition de gérer correctement les effluents ». Il ne voit cependant pas comment une telle taille pourrait être compatible avec la filière comté. La ferme aux 1000 vaches ? « C'est une connerie, tout sauf un modèle », assure Daniel Gremillet, le président de L'Ermitage, pour qui le sujet est un « faux débat ».

Mansholt en 1962 : « l'agriculture doit disparaître dans le Doubs »

Philippe Monnet rappelle qu'en visitant le Doubs en 1962, Sicco Mansholt, le fondateur de la PAC, la politique agricole commune, s'était exclamé en arrivant sur le premier plateau : « l'agriculture doit disparaître ici... » L'épisode fait rebondir la président de la FDSEA du Doubs : « j'appelle les jeunes à ne pas toujours écouter Bruxelles... On n'a pas de sol, on n'a pas de climat, mais on a des idées... Nous nous battrons contre la javélisatioin [des poulets] à l'américaine et on maintiendra le lait cru ! »

Les 1000 vaches et les 20 de Perrette...

Faux débat, l'expression revient aussi à la tribune du congrès de la FNPL, la branche lait de la FNSEA, qui tenait son congrès mercredi et jeudi à Pontarlier. Mais son président, Thierry Roquefeuil, s'en tire par une pirouette ingénue : « de la ferme des 1000 vaches face à Perrette et ses 20 vaches, qui doit gagner ? Mais les deux ! Et n'oublions pas la vrai chiffre, celui de la moyenne française : 50 vaches par ferme... » Xavier Beulin, le président de la FNSEA, issu du monde des grandes cultures, n'aborde pas la question frontalement : « ce n'est pas parce qu'un projet sort des normes qu'il faut remettre à plat l'ensemble des systèmes d'élevage. Mais si demain, les normes montent à 700 ou 800.000 litres, il faudra les porter... » Pour lui, la « vraie question de la sortie des quotas laitiers, c'est comment on s'organise pour aller sur les marchés à forte valeur ajoutée » qui sont essentiellement hors de l'Union européenne où d'autres pays européen taillent des croupières commerciales aux Français quand « la demande alimentaire mondiale croît de 2 à 3% par an alors que la demande française baisse de 0,5 à 1%... ». Alors, il en appelle à l'union sacrée et au dépassement des « oppositions bio-conventionnel, éleveurs-céréaliers, importateurs-exportateurs... »

Redoutée en France, particulièrement par les éleveurs, la fin des quotas est considérée comme une libération par ceux qui veulent produire plus pour alimenter le marché mondial. C'est ce qu'ont notamment indiqué les invités danois (la grande coopérative Arla) et neerlandais (le diplomate Nico Van Opstal), mais aussi le banquier français M. Chapuis. Sous l'angle de cette croissance à venir, les enjeux pour la FNPL sont de pouvoir en récupérer une partie pour les éleveurs français, et d'amortir la volatilité des prix par un système assurantiel toujours à discuter. Pour l'heure, le prix du lait reste correct, mais on ne sait jamais : attention au retour du ballancier, entend-on en filigrane... 

Harro sur les « kmers verts »
Quand l'universitaire Philippe Henry présenta en novembre à Poligny, lors d'un débat organisé par Franche Comté Nature environnement, ses recherches sur la pollution de la Loue, il fut écouté avec attention. Quand il demanda avec véhémence quand les agriculteurs changeraient enfin, Claude Vermot-Desroches lui reprocha son « impertinence ». Mais le mal était fait. La guerre des mots était rallumée. 
Rien de mieux, en outre, qu'un cénacle syndical pour ressouder la profession agricole là où ça la chatouille, quitte à en rajouter un peu. « Quelques kmers verts veulent couper la tête au comté ! Ils trouvent qu'il est productiviste alors qu'on est à 0,8 ou 0,9 UGB [unité de gros bétail] à l'hectare et non 4 comme ailleurs », a tonné Philippe Monnet.
Daniel Prieur, qui a beaucoup fait pour que le monde paysan, du moins ses instances, commence à prendre en compte le trop plein de nitrates dans les rivières, lui a emboîté le pas : « les affreux kmers verts devraient reprendre leurs manuels d'histoire : Jules César a mangé un excellent fromage à Vesontio... »
Bien sûr, c'était avant 1273 et la première fruitière [à comté] dont on ait la trace à Déservillers... Mais quand même, le comté est une vache sacrée dont la défense fait soulever les foules...

« Méfions nous de l'euphorie »
Tous les orateurs ayant abordé le sujet se sont réjouits des annonces de François Hollande sur la fin de la « sur-transposition » en droit français des directives européennes de protection de l'environnement. Autrement dit, l'abaissement des seuils de déclaration ou d'autorisation des ICPE (installations classées pour la protection de l'environnement). Il n'est dans ce contexte pas très étonnant que les propos du président du Conseil général du Doubs, Claude Jeannerot (PS), aient été reçus fraichement : « Méfions nous du risque de l'euphorie : nous sommes sur un sol qui fait notre richesse et un sous-sol qui fait notre fragilité, et avons le devoir de limiter nos intrants... Il y a eu un gros travail avec la FDSEA et la Chambre d'agriculture qui ont le courage de travailler ensemble pour assurer la pérennité des produits... Comment dans un système en expansion, assurer la régulation ? »   

Rééquilibrer le rapport producteurs-transformateurs

François Thabuis, le président savoyard des Jeunes Agriculteurs, producteur de reblochon, aborde lui aussi le sujet de biais en « défendant des modèles choisissant des actifs exploitants » quand il constate que « l'élevage est maintenant déserté par les agriculteurs » pour cause de « non visibilité pour s'installer sereinement ». Notamment parce que « les organisations de producteurs ne sont pas prêtes pour la fin des quotas, que la contractualisation est en demi-teinte ». Autrement dit, les deux mesures phares de la loi de modernisation agricole qu'avait fait voter Bruno Le Maire ne sont quasiment pas opérationnelles, pire, elles laissent les paysans face aux entreprises ayant « seules la liberté de décider où il y aura de la production ». Il défend notamment des organisations de production de bassin qui « créeraient les conditions d'un rééquilibrage du rapport de force » qui doit permettre de « maintenir du lait sur l'ensemble du territoire ». Pour cela, « les contrats laitiers [entre producteurs et transformateurs] ne doivent pas être marchands », et même durer 7 ans et prévoir des conditions du « rupture asymétrique » au profit des producteurs. 

Clôturant le congrès, Thierry Roquefeuil annonce une mobilisation à l'automne pour « proposer un pacte de responsabilité aux pouvoirs publics » car « l'Europe est sans politique laitière et risque une partition des régions, que les entreprises aient la maion sur la définition d'une politique du lait ». Comme Thabuis, il estime que « le législateur de 2010 ne nous a pas facilité la tâche en nous faisant négocier avant de nous organiser ». Il espère ainsi que la loi portée par Stéphane Le Foll conservera le principe de la « classe action » des organisations de producteurs, et prend acte de l'ouverture de l'interprofession laitière à la Confédération paysanne : « nous verrons... »

 

Voir aussi sur le sujet de la ferme aux 1000 vaches
- La justice cogne, le gouvernement soutien l'agro-industrie, dans Reporterre.net qui a publié un dossier
- Polémique autour d'un projet, dans Le Figaro

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