Leila Slimani raconte Fatima Demougeot dans un film de lycéens historiens

Des 1ères ES de Pergaud à Besançon ont demandé à la lauréate du Goncourt 2016 d'être la voix du portrait filmé de la figure féministe de la lutte des Lip. Elle leur a rendu visite pour une rencontre mémorable. Le très court métrage rejoindra la galerie de portraits d'un centre de recherche sur les migrations… 

slimani

« Lisez et soyez libres ! » C'est ce qu'a écrit Leila Slimani à l'intention des premières ES3 du lycée Pergaud sur un exemplaire de Paroles d'honneur, la BD reportage qu'elle a réalisée avec Laetitia Coryn sur la sexualité des femmes au Maroc. L'écrivaine prix Goncourt 2016 avec Chanson douce, a passé près de deux heures avec la classe qui l'avait invitée à Besançon sans trop y croire,  après lui avoir demandé d'être la voix d'un court film de présentation de Fatima Demougeot, militante des droits des femmes et figure de la lutte des Lip dans les années 1970.

L'histoire commence avec le travail du groupe de recherche ACHAC. C'est un groupe international de très nombreux historiens travaillant sur les questions coloniales, postcoloniales et les migrations qu'il développe à travers huit programmes de recherche débouchant sur des publications, des expositions ou encore la production de petits films. L'un de ces programmes, « Immigrations des Suds », a donné lieu à un partenariat intitulé Histoire(s) en court avec le conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté qui en a confié la mise en oeuvre au Réseau information jeunesse (voir le projet ici). 

Une militante des droits des femmes

Sous-titré La diversité culturelle en Bourgogne Franche-Comté, le programme est destiné aux collèges et lycées et consiste à aider à la réalisation d'une vingtaine de films très courts sur des personnes liées à la région et issus de près ou de loin d'une migration. C'est ainsi que Bénédicte Ponçot, professeure d'histoire au lycée Pergaud, en a parlé à ses élèves. Et ceux-ci ont plus que joué le jeu. 

Il a d'abord fallu trouver quelqu'un sur qui faire le film. Ça aurait pu être Gladys Miragila, qui enseigne les langues dans son quartier de Saint-Claude à Besançon. Ce sera Fatima Demougeot, figure de la lutte des Lip dans les années 1970, co-fondatrice de l'association Femmes d'ici et d'ailleurs, décorée de l'Ordre national du mérite… Une femme arrivée en France à 13 ans, qui a connu la Guerre d'Algérie, militante engagée pour les droits des femmes... Pour des raisons personnelles, elle n'a pas pu répondre à l'invitation des lycéens.

L'enjeu était aussi la recherche historique : « les élèves ont cherché des informations et des documents comme des historiens », explique Bénédicte Ponçot, « aux archives départementales, sur internet, au CDI avec la professeure-documentaliste Nathalie Verguet… ». Le film intégrera quelques secondes du film de Christian Rouault Lip, l'imagination au pouvoir, des archives INA, des images d'une BD sur Lip, des extraits d'une interview donnée à Là-bas si j'y suis... Un texte off a été écrit et la question s'est posée de qui allait le dire. C'est alors que dans la classe, l'idée est venue de demander à Leila Slimani. Louise s'y est collée sans trop y croire, en écrivant à son éditeur. Surprise, c'est l'écrivaine qui a répondu en personne et annoncé sa venue.

La littérature qui « bouleverse et fait réfléchir »

La suite, c'est l'enregistrement du texte dans un studio de Montbéliard, puis la venue de Leila Slimani au CDI du lycée Pergaud. Un rendez-vous anticipé avec la professeur de français Céline Chavanne : « On a étudié ses textes », souligne Perrine. La rencontre a vite tourné à la leçon de vie. L'écrivaine a expliqué à son jeune auditoire l'intérêt et le respect qu'elle porte à Fatima Demougeot qu'elle estime « plus courageuse qu'elle », rapporte Elise. La rencontre au CDI du lycée… (photo DR)

Il a aussi été question de la littérature qui « bouleverse et fait réfléchir ». Du métier d'écrivain : « elle nous a montré l'envers du décor, expliqué que c'est après un échec qu'elle a fait ses plus belles pages », dit Perrine. Les filles, majoritaires dans la classe, ont aussi été très sensibles au combat porté par Leila Slimani pour la scolarisation des filles au Maghreb. Un détail a marqué Maïly : « il n'y a pas de toilettes dans la moitié des écoles du Maroc. Leur construction est un gros budget pour l'association d'aide à la scolarité des filles Enfance Maghreb Avenir à laquelle adhère Leila Slimani ». « Chanson douce m'a plu. Ça m'a donné envie de l'aider », dit Isolde.

En fait, ce travail historique de construction d'un film sur une militante ouvrière conduit à en rencontrer une autre qui se souvient de l'origine modeste de ses parents et dont « l'arme est un stylo ».

Quant au film, encore au montage, il participera à un concours dont les trois lauréats seront diffusés au printemps à Paris lors d'un festival se tenant à la Maison de l'immigration. On devrait aussi le voir à Besançon le 23 mai (14 h au Kursaal) avec la vingtaine d'autres courts-métrages. Il devrait rejoindre la mosaïque de petits films-portraits d'immigrés ou descendants d'immigrés, anonymes ou célèbres, engagés, simples témoins ou oeuvrant dans le sport ou la culture, qui fait la richesse du site de l'ACHAC.

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !