Leçons de sons

Peut-on écouter avec les yeux et voir avec les oreilles ? « La Maison de la radio », le dernier film de Nicolas Philibert, et une séance en audio-description répondent à cette question… Nicolas Philibert scrute le monde et, comme certains documentaristes, cherche à capter l’invisible.

Nicolas Philibert

Peut-on écouter avec les yeux et voir avec les oreilles ? « La Maison de la radio » de Nicolas Philibert et une séance en audio-description répondent à cette question…
Nicolas Philibert scrute le monde et comme certains documentaristes,  cherche à capter l’invisible. Qu’est-ce que le cinéma sinon le moyen, en juxtaposant des images, de rendre visible ce qui a priori ne l’est pas ? Comment filmer les enfants muets (car avant d’être muets ils sont sourds) était la question posée dans « Le Pays des sourds » un film du cinéaste réalisé en 1993.
Comment mettre le son en image tout en permettant à celui qui voit le film de rester dans le mystère de l’écoute propre à la radio ? C’est autour de ce paradoxe que se construit le film « La Maison de la radio ».

Voir avec les oreilles

Le son était  aussi à l’honneur au cinéma Kursaal lors de la présentation en audio-description du film « Le gamin au vélo » des frères Dardenne. Il s’agit d’une technique qui permet la description de l’image grâce à l’utilisation d’une voix intervenant entre les répliques d’un film. Ce système permet à un public de malvoyants de décrypter les images « presque » comme un spectateur voyant : à la Scène Nationale de Besançon, Julie Sulat fait ce travail  pour le théâtre et le cinéma : « je vois le film et dès qu’il y a un silence, j’écris en quelques phrases courtes ce qui se passe à l’écran » explique-t-elle. Il lui a fallu « 50 heures » pour retranscrire avec des mots le film « Le gamin au vélo ». Grâce à un système haute fréquence, les malvoyants qui portent des casques peuvent ainsi déchiffrer le film et entendre une sorte de petite voix qui chuchote à leurs oreilles pour leur rendre le film accessible.

Six mois de tournage, un an de montage. Voilà le temps qu’il a fallu au cinéaste pour entrer dans les coulisses de la grande maison et nous surprendre en filmant les journalistes de la matinale, les artisans de France Culture à la recherche du meilleur son pour un feuilleton radiophonique, les musiciens de France Musique en répétition, et d’autres séquences de nature totalement différente comme celle où surgit dans le même plan la voix de Pascale Clark  (seulement la voix) et la joie de la personne interviewée. Le spectateur découvre le visage de Denis Astagnaux, virtuose du « téléphone sonne », filmé comme un commentateur sportif, Frédéric Lodéon et  la météo marine. La caméra s’attarde sur le cahier griffonné de Jean-Claude Ameisen qui mêle le savoir scientifique à la poésie avec sa voix de conteur si particulière.
Paradoxalement, les voix sont de la chair, quelque chose du corps du journaliste qui s’incarne et vient caresser nos oreilles, nous agacer parfois et  nous surprendre : découvrir le visage de ceux qui font la radio avec en creux le travail d’une journaliste aveugle qui prépare en braille ses flashs d’information, est l’approche choisie par le cinéaste révélant certains pans du travail des rédactions, en occultant d’autres afin de nous laisser dans le mystère de l’écoute radiophonique.

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