L’école Rivotte de Besançon veut garder ses six classes

Les mesures de carte scolaire dans le premier degré ne passent pas toujours bien. Dans plusieurs écoles de villes ou de villages des mobilisations se préparent dans l'urgence car les élections ont différé l'annonce des fermetures... A Rivotte, l'inspecteur d'académie prévoit 134 enfants (on ferme une classe à moins de 135), mais le directeur de l'école 138 et la mairie 139...

ecolerivotte

La carte scolaire fait souvent des vagues. Les élections, cantonales en 2011, municipales l'an dernier, départementales cette année, ont servi de prétexte pour retarder la présentation aux instances paritaires des ouvertures ou fermetures, définitives ou conditionnelles, envisagées. Du coup, les mobilisations de parents mécontents, voire d'élus, se font dans l'urgence... ou ne se font pas. Les parents de Chalezeule ont ainsi manifesté devant le collège Clairs-Soleils, les élus du Jura avec leur écharpe tricolore à Lons-le-Saunier... Ça bouge aussi au regroupement pédagogique intercommunal de Brery-Saint-Germain les Arlay, et en bien d'autres lieux.

Ceci étant, les mêmes écoles sont souvent sur la sellette d'une année sur l'autre. Il est encore question de fermer une classe à Chapelle-des-Bois et Bellefontaine, deux villages de montagne, voisins mais situés dans deux départements différents. On se demande si les inspecteurs d'académie savent ce que signifie vivre en montagne, à plus de 1000 mètres d'altitude et avec des conditions de transport largement tributaires de l'enneigement. Certes, on envisagerait de ne plus envoyer les enfants de Chapelle à Chaux-Neuve, mais à Bellefontaine... Il reste cependant les trois à quatre mois de neige...

Des comptes parfois bizarres

Le projet de carte scolaire des quatre départements
Les propositions formulées à ce jour dans les quatre départements de la région sont accessibles sur les sites du Snuipp-FSU : Doubs, Jura, Haute-Saône, Territoire-de-Belfort.

Il y a aussi des comptes bizarres. L'administration prévoit 134 élèves à l'école Rivotte de Besançon, de quoi la mettre, une nouvelle fois, dans la catégorie « fermeture conditionnelle » d'une des six classes. Or, le directeur de l'école a fait ses prévisions : 138 élèves. Mieux, le service éducation de la ville a fait les siennes : 139 élèves ! Le seuil de fermeture est à 135 enfants...

« C'est notre troisième fermeture conditionnelle en cinq ans », résume le directeur Franz Ehrhard, neuf ans de représentation des personnels au compteur. Mardi soir, il explique à une vingtaine de parents ce que cela signifie : « la répartition des élèves se ferait dans cinq classes au lieu de six. A 138 élèves, la moyenne est de 27,6 par classe. A six classes, c'est compliqué, à cinq, ce serait très difficile... »

Voir le dialogue entre l'Inspecteur et les représentants syndicaux, rapporté sur le site de l'école, ici.

Il rembobine jusqu'au 3 novembre pour expliquer comment on est arrivé là : « on m'a demandé une prévision, j'avais 136. Je prends les informations des écoles maternelles Bersot et Ronchaux pour connaître le nombre d'élèves de grande section, que j'additionne aux élèves actuels de Rivotte qui passent en classe supérieure. L'an dernier, on avait déjà annoncé 136 et il n'y avait pas eu de fermeture... Depuis, j'ai appris qu'une famille inscrirait deux enfants qui ont une gardienne dans le quartier, donc avec une dérogation... »

Les élections passent puis tout va très vite

Yves-Michel Dahoui : « On alerte des risques de sureffectifs »
« On a eu des discussions sur les prévisions d'effectifs avec l'Inspecteur d'académie », dit l'adjoint aux affaires scolaires de Besançon, Yves-Michel Dahoui, que nous avons interrogé. Il confirme les chiffres évoqués par Franz Ehrhard : « on a dit à l'Inspecteur qu'il n'y avait pas lieu de fermer, mais il fait ce qu'il veut... On connaît bien la sociologie de la ville. On a par exemple parlé de l'école des Sapins qui n'est pas en éducation prioritaire, mais a des problèmes. On alerte des risques de sureffectifs, on a défendu Paul-Bert et Rivotte... »

Le temps passe, les élections passent, puis tout va très vite. Le 2 avril, un groupe école se réunit : l'inspection académique propose la fermeture conditionnelle. « C'est la plus sévère, la plus incroyable décision qu'on ait eu : il n'y a jamais eu autant d'élèves annoncés en CP, 28. sans compter qu'on en a toujours entre un quart et un tiers en provenance d'autres écoles maternelles », explique Franz Ehrhard. Il précise que la situation sera réexaminée en juin « si on arrive à faire comprendre ce qu'on avance ».

Autrement, si la décision est maintenue, cela signifie qu'une classe est fermée, qu'un inspecteur de l'Education nationale vient compter les enfants le jour de la rentrée pour savoir si l'on est sous le seuil de 135 enfants ou au-dessus : « c'est une situation que l'on a connue en 2012, on ne veut pas la revivre, tant du point de vue professionnel que personnel. En plus, on prépare deux fonctionnements... ».

Redispatcher les élèves après la rentrée peut poser des problèmes aux CP

Si l'on est au-dessus de 135, la sixième classe serait redonnée à l'école, mais il faudrait attendre une bonne semaine pour que l'enseignant correspondant soit nommé. Et il faudrait redispatcher les élèves dans six classes. « Ça pose surtout des problèmes pour les petits de CP », dit une institutrice, « on ne pourrait rien anticiper ». Des parents hochent la tête ou font la moue.

Franz Ehrhard insiste sur un autre aspect des choses, la dimension comptable de la gestion administrative : « Ils ont dit 134 pour être à moins de 135. On a affaire à des brutes qui ne font pas de pédagogie. Ils auraient pu dire qu'ils n'ont pas les moyens de faire ce qu'on leur demande - éducation prioritaire et remplacements - mais ils ne l'ont pas dit. Pour nous, c'est un coup de massue ».

Disparités Jura-Nièvre...
Lors d'une entrevue avec le recteur et avec directeur académique des services de l'éducation nationale du Jura, Sylvie Vermeillet, présidente de l'association des maires du Jura, a mis le doigt sur la différence des ratios P/E (élèves/professeurs) entre la Nièvre (5,87) et son département (5,51). Elle rapport que le recteur a en effet convenu que « la disparité est inexplicable » et qu'il allait en parler avec son collègue bourguignon.
Mme Vermeillet annonce aussi ne pas se satisfaire des quinze postes que le Jura doit perdre à la prochaine rentrée, et devait participer à un rassemblement d'élus locaux ce mercredi à Lons-le-Saunier.

Il s'agit de partir à la pêche aux informations permettant de « consolider les prévisions » car arriver à un comptage « comporte des risques ». Projets de déménagements, d'arrivée dans le quartier, tout noter est important. Une maman indique qu'une demande de dérogation « n'a pas été prise à la mairie car on y savait que la fermeture était proposée ». Le directeur réagit : « ils font ce que l'inspecteur d'académie rêve de faire. C'est certain, ici, tous les élèves ne sont pas du secteur, mais ils ne sont pas plus nombreux qu'à l'Helvétie, Arênes ou Granvelle... Mieux vaut valider les prévisions avec des familles qui s'installent plutôt qu'avec des dérogations... Si on perd une classe, l'école peut entrer dans une logique de baisse. Il y a un contexte de concurrence entre les écoles du centre-ville, mais on est à la périphérie et les gens préfèrent le centre... »

Une pétition, des pancartes, du tissu noir...

La situation posée, l'assemblée examine alors la question qui engage : « que fait-on ? » Sachant que s'il doit y avoir mobilisation, elle doit « durer jusqu'en juin ». Les parents se regardent. « Si on bouge, on peut lever la fermeture », dit une maman. Quelqu'un propose l'occupation de l'école. Les enseignants tempèrent : « cela suppose une mobilisation très élevée ». « On manque de monde ce soir », dit un père. La discussion s'anime. Il est question d'une pétition au recteur à faire signer au plus vite et au-delà des seuls parents d'élèves. Quelqu'un propose « un article dans le journal ». « il y en a déjà eu trois et ça n'a pas fait bouger l'Inspecteur », répond un enseignant.

Une femme propose de mettre du « tissu noir » sur les grilles et d'écrire « école en deuil ». Une maman s'inquiète de la façon dont les enfants pourraient percevoir le message. Va pour le tissu noir, mais pas pour le mot deuil. Des pancartes sont suggérées : « on n'est pas des poules, ni des sardines ». Un site internet a été créé. On se quitte avec des résolutions. L'avenir dira si elles pèseront...

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