Le soutien de l’Etat au logement social fait défaut

Précarités, baisse du pouvoir d'achat, hausse des prix de l'énergie et... désengagement de l'Etat. Les actions du conseil général du Territoire de Belfort en matière de logement social sont fragilisées. Bilan intermédiaire face aux inquiétudes.

Yves Ackermann 28 janv CG 90

« Près d'un quart de la population du Territoire de Belfort vit dans le logement social. Et 70% d'entre ces locataires vivent sous le seuil de pauvreté. Mais la perception de ce logement par les personnes qui l'occupent n'est pas toujours aussi négative que ce qu'on dit ailleurs » a relevé Yves Ackermann lors des exposés et des débats sur ce thème. Ils ont occupé la matinée de la réunion du conseil général. « Droit fondamental, devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation », le logement et ses conditions décentes font encore souvent défaut. Au plan national, le budget qui y est consacré par les ménages est passé en vingt ans de 11% du budget mensuel à 25%. 

Caractéristiques du Territoire de Belfort
Le département compte 143.000 habitants, ce qui en fait le 93ème dans le pays. Sa densité de population est cependant deux fois supérieure à la moyenne nationale, 234 habitants au km2. Et il a l'une des plus fortes densités de logements sociaux (la septième en métropole). 19,3% des foyers ont leur résidence principale dans le logement locatif social (14,7 % de moyenne nationale). La ville de Belfort en reçoit les deux tiers. 

FSL et plan départemental

Le conseil général est responsable du Fonds de Solidarité Logement qui attribue à parts égales prêts et subventions. En 2011, 2.715 personnes ont reçu une aide de ce fonds, ce qui a engagé une dépense de 1.222.700 euros,1.031.700 en faveur des ménages. C'est une augmentation de 5% par rapport à 2010. Les bénéficiaires du RSA représentent 32% de ces personnes, la même proportion que ceux qui perçoivent des prestations familiales combinées à de l'aide au logement, une pension, l'Allocation adulte handicapé ou des indemnités journalières. Les salariés sont 18%, autant que les allocataires du chômage.

Le département gère aussi le Plan Départemental d'Action pour le Logement des Populations Défavorisées. C'est de ce dernier dont on rendait compte en séance lundi 28 janvier. C'est la loi Besson du 31 mai 1990 de mise en oeuvre du droit au logement qui en prévoit l'organisation  pour permettre aux personnes défavorisées d'accéder à un logement décent ou de s'y maintenir. Elaboré et mis en actes par l'Etat et le Département, le plan mobilise également les collectivités locales, CCAS, les associations, la CAF, les bailleurs publics et privés et le collecteur du 1%. Il a été actualisé en 2010 puis revu en 2012.
La vice-présidente Samia Jaber a rappelé l'effort particulier  depuis 2006 pour renforcer le partenariat et la gouvernance.

Restriction des aides de l'Etat

Le contexte difficile est incontournable. De nouvelles lois sont en préparation cette année. La mesure qui concerne le renforcement des obligations de la loi SRU et ferait passer de 20 à 25% la part de logements sociaux dans les communes de plus de 3.500 habitants ne concernera pas le département. Mais Yves Ackermann a fait savoir qu'il n'y aurait à coup sûr pas d'ANRU 2, quand le dispositif ANRU avait permis l'essentiel des réhabilitations les années passées.

Pour Samia Jaber, si le plan est appelé à évoluer au vu de la conjoncture, « une importance particulière sera accordée à la prévention des expulsions grâce à une meilleure coordination avec les travailleurs sociaux. Un nouveau programme est mis en place « Habiter mieux » pour lutter contre la précarité énergétique. » Toutefois, le panel de logements disponibles pour les personnes en difficulté est considéré comme insuffisant. Des logements « accompagnés » (préparant l'accès aux logements de droit commun), de petits logements à loyer très modérés sont encore nécessaires.  

Le plan de Territoire Habitat revu à la baisse

L'acteur principal de la politique du logement social dans le département s'est également exprimé. Jacques Mougin a présenté l'activité de Territoire Habitat, l'ex Office HLM devenu un Office Publique de l'Habitat, dont il est le directeur. Présent dans 45 communes, l'Office assure le logement de 25.000 personnes, construit, réhabilite, entretient et se félicite « d'être une locomotive économique dans le domaine du bâtiment. Environ 30 millions d'euros ont été investis en 2010 dans les entreprises locales pour réaliser les projets de l'Office. » Jacques Mougin a été félicité par l'ensemble des élus, majorité et opposition. Après avoir déploré « un apport pratiquement nul de l'Etat, et un besoin en fonds propre de 45.000 euros par logement contre 15.000 auparavant et donc une hausse de l'emprunt à partir de 2014 » il a désigné la réhabilitation comme « priorité absolue » du Plan Stratégique Patrimonial 2007-2016. Dans ce domaine, 1.460 logements restent à livrer pour 2016 sur 2.762 pour l'ensemble du plan et une enveloppe globale de près de 61 millions d'euros. Les opérations prioritaires concernent le quartier des Glacis à Belfort, l'ex-parc Alstom, le quartier des Vosges à Giromagny et le quartier Béchaud. L'Office prévoit qu'en 2016 il y aura encore 20% du parc à réhabiliter. 

Pour ce qui concerne la maintenance, le budget 2012-2016 est de 47.352.000 euros. Les objectifs sont toujours de remettre en état les logements vacants, d'aider les locataires en place, d'adapter les logements aux personnes âgées et handicapées. Une régie de l'Office emploie 35 personnes et un partenariat avec les régies de quartier des Glacis et des Résidences est entretenu.
745 démolitions ont été effectuées de 2000 à 2007, 490 de 2007 à juin 2012. 553 sont encore programmées. 
Cependant l'ambition initiale du plan est revue à la baisse pour ce qui concerne les logements nouveaux, neufs ou acquis et améliorés. Au lieu des 995 prévus pour toute la période du plan, on en restera aux 543 déjà livrés et aux 382 commencés ou identifiés. 
Le patrimoine de Territoire Habitat connaît ainsi « une perte sensible » et se porte à 11.169 logements alors que sa taille critique est évaluée à 11.500. 

L'opposition veut des logements de qualité

Les élus de l'opposition sont intervenus pour déplorer le nombre de logements vacants (903), les ventes insuffisantes (20 par an), la « préemption par Territoire Habitat de presque tout » et la future réforme de la taxe d'habitation « véritable coup de massue pour les classes moyennes et moyennes-inférieures qui quitteront les centre-villes ». Selon Damien Meslot : « il faut aussi des logements de qualité. Trop pour le social ça ne va pas. L'auto-satisfaction de cette gauche qui règne ici depuis plus de quarante ans est choquante. » A quoi Yves Ackermann a répondu qu'il «n'y avait pas de bataille public/privé. Le problème est quantitatif, 3.000 logements sont vacants dans le Territoire dont 2.500 dans le privé. Les aides fiscales ont dopé le logement privé et les aides pour le logement social ont été réduites à zéro. L'offre de Territoire Habitat est de qualité. D'autre part, la vision des quartiers de logement social n'est pas la même quand on n'y habite pas. Nos enquêtes montrent que près de 80% des habitants de ces quartiers en ont une bonne image. » Il va sans dire que la dignité qu'ils préservent et le regard respectueux qu'ils sont en droit d'attendre ne peuvent se passer des mesures concrètes que la collectivité déploie. Mais il faut le redire.

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