Le projet franco-suisse d’AOC « bois du Jura » freiné

Le projet franco-suisse d'une AOC « bois du Jura » a pris du retard. Déposé le 17 novembre 2004 à Paris auprès de l'INAO (institut national des appellations d'origine) et à Berne auprès de l'OFAG (Office fédéral de l'Agriculture), le dossier a rencontré quelques obstacles. Institutionnel en Suisse, politico-administratif en France. Rien de rédhibitoire, mais de quoi sérieusement ralentir des procédures longues par nature.

épicéa en hiver

Le projet franco-suisse d'une AOC « bois du Jura » a pris du retard. Déposé le 17 novembre 2004 à Paris auprès de l'INAO (institut national des appellations d'origine) et à Berne auprès de l'OFAG (Office fédéral de l'Agriculture), le dossier a rencontré quelques obstacles. Institutionnel en Suisse, politico-administratif en France. Rien de rédhibitoire, mais de quoi sérieusement ralentir des procédures longues par nature. En Suisse, un produit non alimentaire ne peut légalement pas obtenir une AOC. Les porteurs du projet le savent d'ailleurs depuis le début et ont entrepris de tenter de faire modifier la loi par le parlement. Ils s'y sont pris très tôt, ont rencontré l'OFAG et l'OFEFP (office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage). Ils ont réussi à glisser leur projet dans une demande globale de révision de la loi forestière. Mais celle-ci a été retoqué en début d'année.

Un enjeu économique et social

L'enjeu de l'AOC bois du Jura est économique et social. « On vend beaucoup à de grandes scieries, en gros, à prix unique, sans mettre en valeur les billes de qualité. L'AOC est une alternative pour conserver les petites scieries du massif jurassien », explique Rénald Quéloz, ingénieur forestier près de Delémont.
Dans la zone AOC, 90 scieries suisses emploient 600 personnes et 120 scieries françaises en occupent 1.500. Leur savoir-faire est un aspect du projet qui repose sur le lien entre tradition et terroir. Les résineux jurassiens seraient génétiquement spécifiques, en tout cas homogènes, depuis la dernière glaciation. En outre, les bois d'altitude, poussant moins vite, ont des cernes plus serrés et sont plus résistants.
Le massif a aussi une longue histoire de régénération naturelle et de futaie jardinée qui fondent la stabilité des paysages. L'AOC serait également un atout pour l'aménagement du territoire, estime Xavier Lacroix, vice-président des communes forestières du Doubs et président de l'association française pour l'AOC. « Les propriétaires, publics et privés, ont intérêt à conserver un tissu de scieries afin de ne pas être dépendants de quelques gros acheteurs ».
Le long processus vers l'AOC aura donné du temps pour la transmission de ces convictions. « Les scieurs du massif du Jura, d'abord réticents, commencent à s'y intéresser depuis que les Alsaciens et les Vosgiens viennent acheter du bois à Pontarlier... »
Dans ce contexte, une première réunion publique transfrontalière, surtout destinée à la filière, est programmée jeudi 9 octobre 2008 à 17 h 30 à Juraparc, entre Vallorbe et le lac de Joux. Mille invitations ont été envoyées...

 

Motion de rattrapage

Pour rattraper le coup, le président de l'association suisse pour l'AOC, Pierre Bonhôte, ancien conseiller d'État, a trouvé des parlementaires pour déposer une motion ne contenant que la possibilité d'une AOC sylvicole. Reste à trouver une petite place dans l'ordre du jour parlementaire. « Au pire, il y en aura pour deux ans, un an si on arrive à faire passer l'AOC avec un sujet voisin », dit Pierre Bonhôte.
Restera ensuite à faire également accepter le principe d'une telle AOC par 60% de chacun des trois collèges de la filière bois : producteurs, transformateurs, élaborateurs. Ce n'est pas gagné d'avance après la méfiance suscitée par le label environnemental international FSC. En France, une AOC sylvicole est possible depuis 2001 et l'adoption d'un amendement du député François Brottes (Isère, PS), rapporteur de la dernière loi forestière. « Je tenais à cet amendement, contre l'avis du gouvernement de l'époque (Jospin). Le tissu forestier a besoin de valoriser les ressources de l'amont, sinon les propriétaires s'en désintéressent », dit-il. Il pensait à l'époque au bois de Chartreuse et au chêne de Tronçay dont on fait les tonneaux à vin. Les Jurassiens ont été les premiers à réagir, leurs collègues de Chartreuse leur ont emboîté le pas.

 

Chausses-trappes

Aujourd'hui les deux dossiers sont instruits en parallèle. Mais il a fallu attendre février 2007 pour que les produits sylvicoles puissent être traités au sein de l'INAO. « Il y a eu des chausses-trappes dans les administrations, l'ancien directeur de l'INAO a traîné les pieds... Il est tenu par les vins et les fromages qui n'avaient pas forcément envie de s'occuper du bois... J'ai rencontré récemment Barnier et la directrice de l'INAO, ça avance normalement », dit encore le député-maire de Crolles.
Il y a eu également d'autres résistances, par exemple celle des plus grosses scieries qui voyaient d'un mauvais oeil la perspective de payer plus cher des produits AOC...

 

 

 

 

 

 

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