Le métier de clown dans le film « Tout va bien »

Le film de Pablo Rosenblatt et Emilie Desjardins fait le lien entre le cinéma et les arts de la scène. Rencontre

Tout va bien

« Tout va bien », film présenté au Kursaal mercredi et jeudi, fait le lien entre le cinéma et les arts de la scène. Lors d’une rencontre avec le cinéaste Pablo Rosenblatt, le public a découvert une école particulière, celle où l’on apprend à être clown…

Être clown. Entre le rire et les larmes, cet art populaire ne cesse de nous intriguer et de nous toucher. Être clown c'est un métier, et plus encore, une façon d’être au monde, de le questionner et de l'irriguer avec les choses cachées qu'on porte en soi.

« Je suis tout sauf kiné, j'ai un moi un peu enfant, un peu femme, un moi qui aime chanter», dit un des personnages au début du film.

Distribution coopérative

Le film est distribué par DHR, Direction Humaine des Ressources, une coopérative qui se consacre à la diffusion et la production de films « qui sont des passerelles entre arts et éducations populaires, documentaires et fictions, investigations socio-économiques et inventions formelles, transmission de mémoires (s) et anticipations politiques.

DRH travaille sur un film-enquête sur le Produit intérieur brut « Indices », à la ressortie en salle de « Avoir vingt ans dans les Aurès », un documentaire sur la monnaie « Monnaie courante » une politique fiction mettant en scène le destin d’une improbable agence de notation « Jusqu’à nouvel ordre » et « Faire quelque chose » documentaire de témoignage avec les derniers acteurs du Conseil National de la Résistance.

« Au départ les clowns ne m'intéressaient pas, explique le réalisateur. J'ai grandi au rythme de la Piste aux étoiles. J'avais cette image-là du clown. J’habite à Bagnolet, pas très loin de l’école du clown, Le Samovar. Lors de la première année, les élèves sortent avec leur nez de clown. C’est pathétique. J’ai d’abord été invité à à l’école en tant que voisin.»

Le rire et les larmes

Être clown ça s’apprend. Il y a le travail sur la mimique, la musique, l’habillement et une approche du corps qui touche à l’intime : « le clown joue sur des choses dangereuses. J’avais envie de faire un film sur la remise en question dans la formation professionnelle ».

Quand l’aventure commence, le réalisateur choisit de montrer la mise en danger qui permet la naissance du clown. Être clown c’est chercher en soi ce qui touche l’autre. Faire sourdre le rire de sa propre tristesse. Pleurer pour faire rire. Se libérer des larmes et des tics pour les transformer en poésie : « c’est un film sur le déformatage. Apprendre à ne pas dire merci à la dame » précise encore Pablo Rosenblatt.

Pour réaliser ce film, le cinéaste a choisi d’accepter le risque et d’accueillir l’imprévu : « Je n’ai pas eu envie de faire des repérages mais de filmer au fur et à mesure que les choses se faisaient ». Rejoint en cours de tournage par Emilie Desjardins, le réalisateur ajoute « que l’écriture du film s’est faite au montage. »

Le doute et la liberté

Éloge de l’intranquillité, véritable terreau de l’affranchissement de l’artiste et de l’homme, le film capte la lente métamorphose des élèves : « la liberté ne s’apprend pas dans la douceur » explique le réalisateur reprenant à son compte la phrase d’Henry Miller ; « Le clown c’est le poète en action ». 

Dix filles. Quatre garçons. A un spectateur qui l’interroge sur la féminisation du métier de clown, Pablo Rosenblatt répond : « il y a quarante ans l’image des femmes était fragilisée. Une femme ne pouvait pas s’affirmer comme moche et grosse. Il y avait très peu d’exemples de femmes qui osaient se mettre en scène, à part Zouc. Aujourd’hui c’est différent. Il me semble que, quarante ans plus tard, c’est l’image de l’homme qui en prend un coup ».

Le visible et l’invisible

Mine de rien, au-delà du visible de l’image, « Tout va bien » scrute l’invisible du clown, là où se trouve sa fêlure et sa beauté profonde. Entre le visible (ce qui nous est donné à voir) et l’invisible (ce qui se cache sous le grimage) ce documentaire glisse vers la fiction où apparaît non pas un portrait, mais des possibilités d’être clown. Et au-delà pour chacun, la possibilité d’être unique et d’être soi-même.

 

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