Le message écolo de Christine Bouquin aux agriculteurs

Lors de la première session de la chambre d'agriculture après son élection, la présidente du Conseil départemental du Doubs a tenu un discours sur la responsabilité des paysans, notamment environnementale. Premier dossier chaud : l'épandage des boues de station d'épuration qui met en difficulté la filière comté...

Daniel Prieur, entre Frédéric Rousse, vice-président du Territoire-de-Belfort, et Christine Bouquin, présidente du Doubs.

Proximité idéologique oblige, c'est avec une relative bienveillance que les responsables agricoles ont accueilli les représentants des nouvelles majorités départementales du Doubs et du Territoire-de-Belfort à la dernière session de la chambre interdépartementale d'agriculture à Montbéliard, le 30 avril dans les locaux de la communauté d'agglomération. Mais aussi avec une certaine appréhension. Car Christine Bouquin, la présidente du Conseil départemental du Doubs, avait annoncé la couleur durant la campagne électorale : elle entend renforcer le plan de sauvegarde des rivières initié par Claude Jeannerot.

Les paysans savent bien qu'ils sont dans le collimateur, même si l'agriculture n'est pas la seule activité à avoir un impact sur la qualité des eaux. Ils sont aussi dans l'univers impitoyable de la « concurrence libre et non faussée » imposée par l'Union européenne : on est sorti des quotas laitiers le 1er avril. Daniel Prieur, le président de la chambre interdépartementale d'agriculture, évoque ces « lois de l'économie [qui] laissent peu de place au hasard ». Il suggère surtout que ce hasard est influencé par des lois humaines, donc politiques, lorsqu'il met en exergue les « effets levier » sur l'économie des règles que se sont donné les paysans par l'intermédiaires des filières dont celle du comté : l' « excellence environnementale », le « cahier des charges », la « maîtrise des volumes »...

Autrement dit, les dispositifs qui ont construit la filière continuent de produire une logique qui permet de tenir la barre alors que le temps est devenu gros. Pour peu qu'on sache où l'on va et Prieur dit le savoir.

La filière écartelée

Reste que les règles que se donne la filière ont de plus en plus de mal à emporter l'adhésion. En interne, quelques uns ne voient pas au nom de quoi on limite leur désir de produire plus : ils ont les marchés ou vont aller les chercher ! A 70 $ le kilo de comté en Australie, ça vaut le coup de devenir exportateur. Le connaisseur qui nous a transmis l'information estime que c'est le pire qu'il ait jamais mangé...

Il y a aussi ceux qui ont compris que produire plus signifie épandre plus de lisier. Ou alors épandre autrement, mieux, seulement sur les sols qui le supportent quand les plantes en ont besoin. Cela passe par l'agriculture de précision qui suppose une cartographie précise des sols. Des fermes test viennent d'être sélectionnées pour une expérimentation. Après quoi, il faudra de la formation. C'est dire si cela prendra du temps.

Christine Bouquin : « vous êtes acteurs de la valorisation de l'environnement, vous avez une vraie responsabilité sur ce territoire »

A l'extérieur, la filière a des amis qui pensent qu'elle sacrifie trop à l'air du temps : trop produire. A l'extérieur, il y a aussi Christine Bouquin. Elle est assurément une amie des paysans, rappelle être petite fille d'un agriculteur de Fontain et d'un fromager de Frambouhans. Mais elle prévient : « Vous représentez une filière économique majeure, vous êtes acteurs de la valorisation de l'environnement, vous avez une vraie responsabilité sur ce territoire ». Les visages de ses auditeurs sont visiblement tendus.

Elle évoque un récent colloque à la fac de sciences de Besançon : « une réunion pour que nous prenions maintenant des décisions, qu'on mette autour de la table profession agricole, industriels, collectivités et l'ensemble du monde associatif quel qu'il soit ». Les visages s'allongent, elle poursuit : « il y aura peut-être des coups de gueule car on ne pense pas tous pareil... » Elle cite les chantiers : « l'épandage et la fertilisation ». Elle insiste sur « le point sensible des boues de stations d'épuration : nous avons un problème, et ce n'est pas une question de mauvaises pratiques : le cahier des charges du comté me fait souci, le décret comté va poser problème aux collectivités ».

Claude Vermot-Desroches : « on est pris entre la demande d'une société qui ne veut pas gérer ses déchets et les risques évidents de contamination »

Parmi ceux qui s'interrogent, Claude Vermot-Desroches, vice-président de la chambre, mais surtout président du CIGC, admet : « Ce n'est pas satisfaisant, on est pris entre la demande d'une société qui ne veut pas gérer ses déchets et les risques évidents de contamination ». La contamination aux métaux, aux médicaments, aux résidus de pesticides d'autres productions... C'est dit. Il y met un bémol car il sait que le sujet est ultra-sensible dans les fermes : « il ne s'agit pas de jeter le trouble dans la filière car tout est respecté par rapport à la réglementation... »

Christine Bouquin a conscience de traiter un tabou. Elle modère son propos : « ce n'est pas une attaque contre le CIGC, ni une accusation, ni mettre les agriculteurs en difficulté sur l'épandage ». Elle annonce des coopérations avec les coopératives sur la question des effluents des stations : « les flux sont une vraie problématique alors que nous avons mis des millions d'euros dans les restructurations... »

Qui d'autre qu'une élue de droite peut tenir ce discours à son propre électorat... et en être entendue ?

 

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