Le journaliste, le diplomate, le fonctionnaire et le naturalisé

Au départ, comme les mousquetaires, ils étaient trois... dont un Franc-Comtois. Ils ont fini par écrire à quatre un livre de dialogues et de réflexions sur des questions qui hantent la France (terrorisme, voile, religion...) derrière lesquelles le racisme se tient en embuscade. Le pays est-il si fragile ? La société est-elle sur un volcan ?

QUATRE NUANCES DE FRANCE, ouvrage co-écrit par Rachid Arhab, Karim Bouhassoun, Xavier Driencourt et Nacer Safer. Éditions Salvator

Quatre Nuances de France est préfacé par Jean-Louis Debré. Jean-Pierre Chevènement a écrit un avant-propos à cet ouvrage de (dixit Xavier Driencourt) réflexions écrites à trois mains sur des sujets brûlants : la France, la République, la laïcité, la religion, l’intégration, etc. Séduit par cette idée, [Rachid Arhab] était au départ une sorte de « passager clandestin » dans ce voyage, mais très rapidement, il s’est pris au jeu et est devenu le quatrième rédacteur autant qu’il est témoin.

Quatre Nuances de France se décline au masculin seulement. Les femmes ? Il en sera question uniquement au sujet du voile. M’invitant dans le débat, j’y reviendrai plus loin.

Quatre hommes donc, que rien ne prédestinait à se rencontrer, puis à voyager ensemble dans le monde de la pensée, tels les péripatéticiens de l’Antiquité, mais également dans la France d’aujourd’hui, ont mis en commun leurs expériences et leurs savoirs afin d’apporter leurs quatre voix dans un débat souvent polémique, compliqué et potentiellement créateur de fractures, de divisions, et peut-être de guerre civile.

Pourtant, nous nous sommes promis de proposer des solutions à notre échelle, pas de désespérer le lecteur.
Par petites touches, et avant de proposer des solutions, ou des pistes de réflexion, chacun des auteurs dresse un état de lieux qui entrecroise la grande Histoire et des histoires d’hommes, les leurs.

Rachid Arhab est français, naturalisé depuis 1992, journaliste et athée. Il est bien connu du grand public.

Karim Bouhassoun est français de naissance, et algérien, et musulman. Diplômé de Science-Po, il est fonctionnaire au Conseil Régional de Franche-Comté.

Xavier Driencourt est français et catholique. Il a été ambassadeur de France à Alger.

Nacer Safer, qui se dit croyant, a un rapport distancié vis-à-vis de la religion… […] il est évidemment et « banalement » Algérien, sans passeport ni papiers pendant douze ans, mais sa régularisation administrative obtenue, il rêve de la nationalité française pour devenir « acteur » dans la République et s’impliquer dans la citoyenneté. Il a récemment obtenu la nationalité française.

L’histoire méconnue des accords d’Évian

Il s’agit bien d’un voyage où l’on va de la Grande Mosquée de Paris, aux cafés de la Bastille ou de la République… Un voyage où il est troublant que ces voyageurs se définissent aussi comme pratiquant telle religion, ou ne pratiquant pas.

De la cathédrale Saint-Jean à Besançon, aux Salines d’Arc-et-Senans, cette extraordinaire construction dite de l’Utopie, avec, pour plus de nature et peut être de neige, un passage aux Rousses, lieu d’histoire entre la France et l’Algérie.

En bon connaisseur de la diplomatie, écrit Rachid Arhab, c’est Xavier Driencourt qui m’a appris l’histoire méconnue des accords d’Évian signés entre la France et l’Algérie en mars 1962. Des négociations préparées en secret dans une petite commune de Franche-Comté frontalière de la Suisse. Les représentants des belligérants se retrouvaient clandestinement dans un bâtiment des Ponts et Chaussées transformé en Camp David du Jura.

Et pour plus de douceur, le Gers, cher à Rachid Ahrab.

Le Chemin des Dames, dans ce département de l’Aisne violé récemment par l’équipée folle des frères Kouachi, cherchant à échapper à leur destin d’assassin. La ville de Soisson, si calme d’apparence, où des coups de feu ont été tirés sur la mosquée après les attentats de janvier.

Mais aussi les banlieues, et l’Algérie. L’Algérie, si présente dans la vie et l’imaginaire de ces quatre hommes.

Un ancien ambassadeur de France à Alger, un sans-papiers venu d’Algérie il y a plus d’une décennie, un enfant des banlieues devenu conseiller technique et qui, lui, a acquis la double nationalité française et algérienne après avoir découvert le pays de ses ancêtres. Où une telle rencontre pourrait-elle exister si ce n’est dans un café parisien entre Bastille et République ? Entre la statue du génie de la Liberté et celle de Marianne, complétant la devise française : Égalité et Fraternité.

Sortir d’un débat binaire

Les questions abordées ? Elles le sont avec les convictions et les expériences personnelles de ces quatre hommes qui se sont attelés à une tâche difficile.

La laïcité. La religion. La loi de 1905. Le « dynamisme de l’Islam » face à des pratiques chrétiennes en déclin. Qu’est-ce que la France ? Qu’est-ce que la laïcité ? Le racisme. Le contrôle de l’immigration. Intégration, assimilation ou adhésion ? Sortir d’un débat binaire qui voudrait que l’immigration soit une chance pour la France, ou soit un danger pour la France. La question du voile. Une découverte de la réalité de la vie des clandestins. La guerre d’Algérie et les silences de l’après-guerre. La double nationalité. Le droit de vote des étrangers. La question du choix des prénoms lorsque nait un enfant. La question de l’identité nationale. Les Français « de papier ». L’histoire de l’immigration. La place de l’école. Celle des mères dans l’éducation et dans les familles maghrébines. La haine de la France chez certains. Comment faire et comment être après Charlie. Vers une guerre civile ? La responsabilité des élites et des médias. L’absence de clergé dans l’islam sunnite. Le partage des lieux de culte ? Réalité et fantasme d’une « terre d’islam ». Le grand défi, c’est Daech. Les attentats du 13 novembre. La culture en réponse contre l’extrémisme. Vers plus de France. Se définir par sa religion ?

La religion, l’islam. C’est le mot qui fâche et divise désormais dans la France officiellement laïque. Nous ne ferons pas l’économie d’un débat profond sur l’installation de cette croyance chez la fille ainée de l’Église. […] Je regrette que les non-croyants n’aient pas voix au chapitre aujourd’hui. Rachid Ahrab.
[…]
Je comprends que le catholique Xavier s’inquiète du « dynamisme de l’islam » face à des pratiques chrétiennes en déclin.
[…]
« Les français se disent catholique à 80%, même si ce chiffre est faux ; on dit la France fille ainée de l’Église ; ils voient les clochers de beaucoup de villages français disparaitre progressivement, les presbytères transformés en hôtels ou maison de campagne, les prêtres, âgés, desservir quinze paroisses ; c’est normal qu’ils s’inquiètent du déclin d’une religion, dynamique et prosélyte, l’islam… »

Inconscience de Dalil Boubaker ?

N’est-ce pas là une partie du problème ? Le prosélytisme de l’islam, dans une République qui avait pacifié son rapport au religieux ? Et ce questionnement sur la suprématie de la loi de Dieu sur la loi des hommes qui revient ! Théocratie contre Démocratie ! Tous les acquis du Siècle des Lumières remis en question ! Sans parler de la loi de 1905 !... Et sans oublier la question du statut des femmes !

Le débat imposé par l’islam n’est-il pas un formidable retour en arrière ?

Islamophobie que de poser la question ? Amalgame ?

Quel sens prend la proposition de Dalil Boubaker ?

Et c’est dans ce contexte qu’intervient à total contretemps et avec une certaine inconscience, la proposition ou l’idée du recteur Dalil Boubakeur de transformer les églises vidées de leurs fidèles ou désaffectées en mosquées. Si on avait voulu allumer une «  guerre de religion » on ne s’y serait pas pris autrement… Et de fait, une pétition est immédiatement sortie des meilleurs têtes de la République pour « sauver nos églises ».

Inconscience de Dalil Boubaker ?

« L’Algérie, c’est quasiment
de la politique intérieure »,
la moindre déclaration peut
tourner à l’incident diplomatique

L’Algérie. Une certaine angoisse face à un pays compliqué, « un poste où tout le monde vous observe et vous surveille, les Français comme les Algériens… » En fait, « l’Algérie, c’est quasiment de la politique intérieure », la moindre déclaration peut tourner à l’incident diplomatique. Xavier Driencourt.
[…]
Bienfaits de la civilisation côté français, demande de reconnaissance des méfaits de la colonisation côté algérien, le débat reste stérile car chacun campe sur ses positions parfaitement respectables par ailleurs. Comment en sortir un jour ? Pour ma part, je croyais que les générations passant, les mémoires s’estomperaient ; il n’en est rien, bien au contraire. À croire que les deux pays s’évertuent à perpétuer leurs convictions en les transmettant consciemment ou non à leurs enfants.
[…]
Je fais confiance en notre avenir en y participant activement. L’Algérie et la France sont un vieux couple séparé mais qui doit garder des liens, pour ne pas laisser à l’abandon tous ses nombreux enfants. Je n’en suis qu’un parmi des millions. Rachid Arhab.

Rachid Arhab qui propose : Des solutions pour sortir de l’impasse ? Inventer un nouvel imaginaire collectif qui nous rassemble ? La politique et l’audiovisuel en ont le pouvoir. À mon niveau, le projet de créer une chaîne sur le modèle d’Arte pourrait enfin libérer les forces créatrices d’espoir.

Aurais-je mieux réussi en
me transformant en Richard ?

Le droit de vote des étrangers. Véritable serpent de mer que François Mitterrand avait déjà inscrit en 1981 dans le programme de la gauche. Pourquoi ? Pour s’attacher les voix des enfants d’immigrés ? Pour faire monter l’extrême droite ? C’est plutôt mon avis. Le diplomate, lui, trouve ce débat « tellement explosif… qu’il créerait encore plus d’ambigüité et rajouterait de la complexité à la complexité ». […] « Malgré les aspects apparemment généreux, voire universalistes, du vote immigré, ce ne pourrait être que la dernière étape d’une réflexion dont nous n’avons pas défini le début ! » Rachid Ahrab.

La question des prénoms des enfants qui naissent. Depuis que nos échanges informels ont commencé quelques mois plus tôt, Xavier a fini par se demander si l’un des facteurs de discrimination n’était pas contenu implicitement dans certains états-civils. Appeler ses enfants Rachid ou Fatima ne les destine-t-il pas immédiatement, et pour la vie, à une différence trop voyante ?

Bonne ou mauvaise question ? Ne faudrait-il pas plutôt « déminer le terrain » et faire en sorte que les prénoms à consonance du Maghreb ne renvoient pas immédiatement à des représentations négatives ?

Moi à qui on avait proposé de changer de nom pour faciliter mon intégration professionnelle aurais-je mieux réussi en me transformant en Richard ? Rachid Arhab.
[…]
Pour sourire, je fais remarquer à Xavier qu’il conviendrait d’éviter au moins des prénoms trop chrétiens. Plus sérieusement, tous deux avons été surpris d’apprendre que sur les demandes de naturalisation, la préfecture propose le choix d’autres prénoms que celui de sa naissance et suggère à Nacer de choisir entre trois prénoms français : Jacques, Claude et Dominique… Parfois, l’administration est en avance sur son temps !
[…]
Nacer se situe plutôt à gauche, mais la gauche l’a déçu, lui qui rêve d’avoir sa carte d’électeur dès qu’il sera Français. Car il en est sûr, il prendra la nationalité au terme des cinq années de présence régulière exigées dans l’hexagone pour pouvoir en faire la demande. La suite ? Se marier et fonder une famille. Il se déclare croyant mais donnera à ses enfants « des prénoms universels sans résonance religieuse. »

Balayer les amalgames
et dénoncer en même temps
le racisme et les discriminations

Les français « de papier ». [Xavier Driencourt] me confie ce jour là un souvenir récent et blessant : un détenu français « de papier », enfant d’immigrés honnissant la France vécue comme une ennemie et déclarant cette haine. Qui sera-t-il en sortant de cellule, comment manifestera-t-il sa différence au mieux, sa haine au pire ? Hantise de ces apprentis djihadistes que nous côtoyons peut-être sans le savoir ou de ceux que nous voyons à la télévision après le passage à l’acte.

La double nationalité. … Mais Rachid est ferme là-dessus, il ne voit pas pourquoi il irait chercher une autre nationalité que la française, la France étant depuis l’âge de trois ans, son pays. Il ne voit pas non plus pourquoi il irait voter, comme tout citoyen, aux élections algériennes, alors que la vie politique algérienne ne le concerne pas directement. C’est ce qui explique sans doute sa réticence ou sa réserve sur la double nationalité.
[…]
Je (Xavier Driencourt) vais peut-être plus loin que lui (mais je n’en suis pas certain) quand je propose qu’on limite dans le temps, disons cinq ou dix ans maximum, l’avantage de la double nationalité. […] Au bout de ce laps de temps, en toute logique, je devrais – tout citoyen devrait – savoir où il est amené à construire sa vie familiale et professionnelle, son avenir. Il est faux de dire que l’on peut indifféremment être rattaché à deux États et servir deux pays.

Du statut d’étudiant à
la vie de « sans papier ».

Si proches, si différents. C’est le titre du chapitre 10. Un échange de lettres entre Karim Bouhassoun et Nacer Safer.

Vus de l’extérieur, par des tierces personnes, Karim comme Nacer passent pour des « immigrés », des « beurs » des étrangers, des Arabes, des musulmans, etc. En réalité, on le verra dans ce dialogue, ils n’ont pas forcément la même approche des problèmes. À travers cet échange, ils cherchent, par leurs différences, à balayer les amalgames et dénoncer en même temps le racisme et les discriminations. Rachid et moi leur avons demandé de répondre, de se confronter ensemble à plusieurs questions auxquelles ils n’apportent pas les mêmes réponses.

Le rêve de Nacer. C’est le titre du chapitre 11, et c’est une belle histoire d’homme. De l’Algérie vers la France, du statut d’étudiant à la vie de « sans papier ».

« Tu viens de briser un tabou et tu as fait honneur à la famille ». C’est avec cette phrase que mon père a exprimé sa joie en apprenant que j’avis eu mon baccalauréat, en sachant que j’étais le seul de la fratrie à avoir obtenu ce diplôme.
[…]
Quelle est la vie quotidienne d’un sans-papier ? La mienne était faite de peur et de travail.

Puis une rencontre avec Xavier Driencourt, le diplomate, et l’espoir d’une régularisation.

Plus tard, lorsqu’il a parlé de ce que, avec Rachid, ils appellent « la responsabilité des élites », j’ai compris le sens de leur engagement à tous deux et la gratuité de certains gestes.

La France a peur. Quelques heures plus tôt, la France a de nouveau tremblé face à la menace terroriste islamiste. Un père de famille, apparemment sans histoires, a décapité son patron et exhibé sa tête sur un grillage où il a affiché les symboles de l’État islamique. La France a peur, et nous aussi. Même si nous le craignons à demi-mots, nous ne savons pas encore que quelques mois plus tard, le terrorisme franchira une nouvelle frontière en fusillant des jeunes sur des terrasses de restaurants ou dans une salle de concert.

Les valeurs de la République. L’un des principaux problèmes que nous rencontrons dans la France d’aujourd’hui et à fortiori dans les banlieues, c’est la perte de vitesse des valeurs de la République vis-à-vis de celles de la communauté. La hiérarchie ne place plus la nationalité en premier : je peux me réclamer portugais, algérien, juif ou musulman d’abord, et français ensuite. Toutes les références de l’écosystème républicain qui doivent être fournies par l’éducation de la République ne se retrouvent plus dans les nouvelles générations.

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées »

La question du voile. Continuons par une question difficile à poser, et difficile à résoudre, celle du voile. […]… c’est une pratique nouvelle qui ne correspond pas à la culture dominante et qui ne peut être explicitée d’abord que par les premiers concernés. […] Le voile exclut-il ou est-il tacitement indésirable ? Toujours est-il que l’idéal aurait été de céder la parole à une des femmes concernées, mais notre équipée est exclusivement masculine, et les hommes musulmans ne portent pas le voile… Je tente donc une sortie toute personnelle à ce sujet.
[…]
Les femmes voilées sont des femmes religieuses d’abord, soumises à Dieu, et certainement pas à un homme. C’est méconnaitre l’islam et y associer des fantasmes délirants sur le mariage forcé et la soumission de la femme à l’homme. Il ne s’agit pas non plus d’un rite de différenciation, mais seulement de piété. Alors oui, il est paradoxal qu’elles soient plus désignées dans l’espace public alors qu’elles se couvrent la tête pour être discrètes, à l’heure où le canon est la banalisation de l’image de l’individu par la mode, au besoin avec des tenues minimalistes, selon la météo… Disons que les femmes voilées sont des femmes pieuses, et que je pense qu’il faudrait les considérer comme des « bonnes sœurs ». Des bonnes sœurs françaises – osons-le ! – un point c’est tout, pas les bonnes sœurs de l’étranger avec un agenda djihadiste.

« Couvrez ce sein que je ne saurais voir.
Par de pareils objets, les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. » Disait en son temps le Tartuffe de Molière.

Je ne voudrais pas que l’on pense que je traite Karim Bouhassoun de Tartuffe, mais c’est la citation qui m’est venue. Et là, je m’invite dans le débat.

Moi qui me sens Marianne,
tête haute et oui,
seins au vent !

Quand je croise des femmes voilées, de plus en plus voilées, de la tête aux pieds pour certaines, des femmes qui n’existaient pas dans mon paysage « mental », ni dans mon paysage physique, je me sens agressée. Oui, je pèse le mot, moi qui suis l’héritière de mes mères, grand-mères et arrières grands-mères… qui se sont battues pour que les femmes sortent de l’état d’infantilisation dans lequel elles étaient tenues ! Moi qui suis l’héritière du combat laïque et républicain ! Moi qui me sens Marianne, tête haute et oui, seins au vent ! Moi qui crois dur comme fer que l’égalité homme/femme finira par régner !

Alors, des femmes soumises à Dieu ? L’affirmation que c’est mieux, ou plus légitime que d’être soumises aux hommes me fait froid dans le dos.

Elle renvoie à la question de la suprématie de la loi de Dieu sur celle des hommes, ce qui n’est pas dans notre culture, ce qui à l’opposé des fondements de la République et de la laïcité.

Quand je croise des femmes voilées, elles ne me disent pas « je suis comme toi, française », elles me disent «  je suis musulmane. »

Et cela me choque, cela m’agresse.

Il y a un espace public, un espace privé, et un espace intime.

Dans l’espace public, une certaine neutralité est de bon aloi, et permet ce fameux « vivre ensemble ».
Que se passerait-il pour tout ceux qui, étant athées, se baladeraient dans certains quartiers tout particulièrement, avec un couvre-chef sur lequel serait écrit : « Je suis athée » ?

Faire cet amalgame entre
bonnes sœurs catholiques
et femmes voilées musulmanes,
me parait proche de
l’imposture intellectuelle

Karim, dit Rachid Ahrab à un moment du texte, a parlé avec son cœur, je l’ai écouté avec le mien. Sans pour autant changer d’avis sur les problèmes que l’exposition abusive de la religion cause dans notre société commune. […] Plutôt envie de crier : pourquoi les agnostiques, les non-croyants, les athées ne sont-ils plus audibles ? La France est la quatrième nation au monde pour le nombre de personnes ne se revendiquant d’aucune religion : d’après une étude internationale de 2012, 37% de la population se dit croyante, 34% sans religion et 29% athée ! Une majorité silencieuse qui n’affiche aucune croyance et se retrouve prise en otage par des débats qui ne la concernent pas mais qui envahissent l’espace public.

Il y a une communauté juive, à Besançon. Pas de signes ostentatoires.

Besançon est une ville chargée d’histoire, et de la présence forte du catholicisme. Pas de signes ostentatoires.

Et les quelques « bonnes sœurs » catholiques en tenue que l’on peut croiser aux alentours de la cathédrale Saint-Jean, par exemple, portent l’habit de leur engagement dans l’Église, pas celui de leur vie dans le Siècle qu’elles ont refusé, sauf pour quelques engagements charitables.

Faire cet amalgame entre bonnes sœurs catholiques et femmes voilées musulmanes, me parait proche de l’imposture intellectuelle. Pourtant, une page avant ces passages du texte, Karim Bouhassoun écrit : Des musulmans, pratiquants ou non, héritiers de la culture de leurs parents, et des citoyens français et républicains à n’en point douter. C’est en vivant ainsi avec ces équilibres entre espace privé et espace public qu’on peut vivre tous ensemble, avec nos voisins de palier. […] La religion est affaire personnelle, pas publique. […] Dès qu’on passe le pas de la porte, la tolérance, le respect, la neutralité, le savoir-vivre, s’appliquent et ne sont pas négociables.

Conclusion.
[…]
Nous avons constaté que la situation actuelle s’enflamme tous les jours et risque de devenir intenable sous peu, intenable en raison de la fragilité du pays et de notre société qui vit sur un volcan. Lampedusa et Calais, aujourd’hui simples faits divers ; nos banlieues qui brûlent à Aulnay ; Vénissieux ou Marseille seront demain les marqueurs, les témoignages vivants de nos échecs et de l’incapacité des politiques à prendre en main le destin du pays au nom duquel ils sont élus et pour le compte desquels ils prétendent agir.
[…]
Paris, Besançon, Alger
Novembre 2015

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