Le dossier qui a failli faire dérailler la majorité régionale

Le retrait in extrémis de l'article 19 de la convention TER avec la SNCF, qui prévoyait l'ouverture à la concurrence, permet à la majorité PS-PRG-DVG de conserver son unité. Prêts à servir de supplétifs en cas de défection d'une partie des élus de gauche, la droite et le centre boudent le débat. Le débat sur l'ouverture à la concurrence est reporté à plus tard...

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La majorité PS-PRG-DVG a voté seule la convention TER qui organise les relations entre la SNCF et le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté jusqu'en 2025, moyennant une contribution annuelle de 240 millions. Le projet préparé depuis un an par le premier vice-président Michel Neugnot, également en charge des transports, prévoit des avancées pour les voyageurs qui ont été saluées par tous les groupes, nonobstant quelques critiques du FN, par exemple sur la suppression de l'arrêt des trains Dijon-Besançon à Franois. Il prévoit treize trains de plus cette année et vingt-quatre en 2019, soit 870.000 km supplémentaires par an et 10.000 places de plus par jour, des investissements sur les petites lignes comme celles des Hirondelles, des Horlogers, du Revermont, de la Bresse, entre Lure et Epinal...

Jusqu'à vendredi matin, le texte prévoyait un article 19 intitulé « Option relative à la mise en concurrence de certaines lignes du périmètre de la Convention ». Les signataires anticipaient la future loi organisant les mobilités qui doit être présentée mi juin au Parlement alors qu'elle devait l'être mi-mai, le mouvement des cheminots perturbant ce bel ordonnancement. Le texte stipulait que dans cette « perspective (...) la Région pourra ouvrir à la concurrence une partie du Service ».

L'alinéa suivant précisait : « Si la Région décide de mettre en œuvre le présent article, les Parties conviennent de se rapprocher afin d’identifier une ou plusieurs lignes pouvant faire l’objet d’un retrait du périmètre de la Convention. Le lot envisagé pourrait concerner les origines destinations incluses entre Dijon et Besançon ou entre Belfort et Besançon sans que celui-ci ne puisse dépasser un volume maximum de 11% de l’Offre de Transport Nominale Appliquée. »

« La pression de la rue »

La suite de l'article 19 renvoyait aux modalités technico-financières figurant dans l'annexe 17. L'imparfait est de rigueur puisque ces deux textes, article 19 et annexe 17, ont été retirés in extrémis, lors d'une ultime réunion de la majorité, juste avant l'assemblée plénière. C'est peu dire que ce retrait a contrarié la droite. François Sauvadet s'est dit « consterné » avant de reprocher à Marie-Guite Dufay d'avoir « cédé à la pression de la rue et la frange la plus à gauche de la majorité ».

Du coup, la droite et le centre, qui s'apprêtaient à approuver la convention TER, ont décidé non seulement de voter contre, mais de ne pas participer à la discussion. Une vraie bouderie, tout juste compensée par une brève intervention de Patrick Genre évoquant « l'inadmissible » qui « fait courir le risque de repousser un débat alors qu'on aurait pu commencer à travailler à ce qui arrivera peut-être en 2021... » Et d'asséner : « vendredi en commission, Michel Neugnot nous a vendu la convention en nous disant que l'article 19 était un axe essentiel. Le retirer est un mauvais coup politique ».

La contrariété de l'opposition républicaine fait en tout cas ricaner l'extrême-droite : « c'est toujours amusant de voir des responsables politiques chevronnés prendre des leçons de politique », a commenté Julien Odoul en appuyant où ça fait mal : « vous avez naïvement cru que vous alliez cogérer... » François Sauvadet hausse les épaules : « Vous n'avez rien compris ! » Odoul ajoute à l'intention de la présidence : « vous retardez la mise en concurrence... » Marie-Guite Dufay confirmera peu après : « Nous n'annulons pas le débat sur l'ouverture à la concurrence. Il aura lieu, mais dans un contexte de sérénité suffisante... »

« Manque d'autorité politique »

Marie-Guite Dufay minimise le retrait. A François Sauvadet qui estime qu'elle a commis une « faute et une erreur », qu'elle « manque d'autorité politique », elle réplique : « la convention, c'est 700 pages dont 10 lignes sur la mise en concurrence... » A-t-elle fait preuve d'habileté en laissant croire à la droite qu'elle pourrait accepter de menus amendements de sa part en récompense de son ralliement à la convention ? Et qui sait si elle n'a pas fait coup double en imposant une concession à son premier vice-président avant qu'il ne soit trop tard.

Car quand Jérôme Durain, le sénateur PS qui préside le groupe majoritaire, « salue le travail de Michel Neugnot » sur la convention et « remercie l'écoute et le pragmatisme de la présidente », on comprend que le premier vice-président a dû avaler une couleuvre. Mais Durain le soigne : « il y a beaucoup dans cette convention, l'article 19 n'est pas essentiel. L'important, c'est les tarifs abordables, les trains à l'heure... »

La responsabilité dont parle le sénateur, c'est, à l'entendre, la prise en compte de « l'inquiétude des salariés dans la rue ce matin ». Une cinquantaine de cheminots CGT, SUD, UNSA et CFDT, ainsi qu'une poignée de jeunes militants Insoumis ont fait la haie pour accueillir les élus avant la session. Michel Neugnot en rajoute un peu : « au CESER, j'ai été marqué par le mot anxiogène prononcé par plusieurs personnes ». On l'a vu moins sensible à la contrariété des ses interlocuteurs.

Le silence de la droite

Puis il vante la convention, dit qu'il veut « réanchanter les gares » et pour ce faire propose un second amendement selon lequel il n'y aura pas de fermeture de guichet sans accord du maire pour une solution alternative... Le FN demandera davantage : « l'avis de la population ». Hicham Boujlilat (PS, Nièvre) souhaite le retour des comités de ligne. Ils ne seront pas entendus.

Le CESER s'était plaint de recevoir les documents trop tard bien étudier le projet afin de rendre un avis éclairé, comme c'est son rôle. Ce « peu de considération » va très bien à Sophie Montel (LP) qui ne porte pas l'assemblée de la société civile dans son cœur. La députée européenne juge qu'il était « nécessaire » de mettre à jour les tarifs, apprécie le développement de l'offre aux voyageurs occasionnels et le remboursement en cas de retard. mais elle estime que tout est « déjà dans les tuyaux : cette mise en concurrence, vous la souhaitez, vous devrez l'assumer » à l'heure où « le Royaume Uni débat d'une renationalisation ».

Patrick Ayache (PS, Doubs) regrette le silence de la droite : « nous aurions pu nous retrouver sur certains points », déplore que Montel « fasse la confusion entre privatisation et mise en concurrence ». Il est contre la première mais pour la seconde que « la loi va rendre obligatoire à partir de 2023 : nous ne renonçons pas, mais le contexte nous impose de réfléchir à la manière d'y parvenir... ou pas ».

Hicham Boujlilat avait le premier fait part de son opposition à l'ouverture à la concurrence en s'abstenant, seul, il y a un an, sur le cahier des charges de la négociation qui s'ouvrait avec la SNCF. Il est content de voir que Nevers sera enfin à deux heures de train de Dijon, mais il sera « vigilant » sur la « déshumanisation mentionnée par le CESER ». Françoise Tennenbaum (PS, Côte d'Or) suggère de « reprendre le modèle de La Poste et ses facteurs faisant de la veille sociale » en installant des commerces ou des services dans les gares. Denis Lamard (PS, Louhans) aussi, qui songe à des bistrots, veut « une présence humaine » et qu'on « délivre des billets ».

 

 

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