Le cinéma militant à l’affiche à Besançon

La 21e rencontre de cinéma du CCPPO se tient du 25 au 27 janvier au petit Kursaal. S'ouvrant par deux longs métrages sur le procès de Nelson Mandela (ci-contre) et la campagne présidentielle de Jean-Luc Mélenchon, elle se poursuivra par des films sur la Rhodiaceta, forteresse ouvrière ou friche à graffiti, ou les travailleurs de Sochaux, avec le regard toujours neuf des groupes Medvekine.

mandela

Le Centre Populaire de Palente et les Orchamps (CCPPO) fête ses soixante ans. Chaque année il organise un Festival dédié au cinéma militant et ouvre une fenêtre sur le monde où la mémoire croise les horizons fragiles d’aujourd’hui… La 21e édition se tient ce week-end à Besançon. Le programme et les horaires sont ici. Revue de quelques grands films...

Mandela pour mémoire

Le procès contre Mandela et les autres est un film très puissant contre l’apartheid. Le 26 novembre 1963 s’ouvre le procès de Nelson Mandela et de huit autres dirigeants du Congrès national africain. Ils comparaissent pour divers sabotages et « violation de la loi interdisant le communisme ». Se sachant probablement condamnés à mort, ils utiliseront le procès pour dénoncer violemment l’apartheid. Comment faire un film quand il existe cent cinquante six heures d’archives sonores et presque pas d’images des audiences ? La grande subtilité du film consiste à utiliser les archives sonores comme une vibration émotionnelle attestant de la véracité de la parole, avec, à l’image, des dessins d’animation. Les croquis de l’illustrateur Oerd Van Cuijlenborg soulignent la force de l’évocation mêlant le figuratif, l’abstrait et la puissance du trait. La représentation du procureur comme un personnage issu du cinéma fantastique renforce subtilement le récit.

La grande habileté du film est la façon dont Gilles Porte et Nicolas Champeaux, integrent dans le récit les compagnons de combats de Mandela,Andrew Mlangeni, le Noir, Ahmed Kathrada, l’Indien, et Denis Goldberg, le Blanc, qui sont avec lui l’incarnation de « la nation arc-en-ciel » égalitaire et humaniste,

Le procès contre Mandela et les autres est un réquisitoire contre l’apartheid. Et la fierté de ces hommes fait écho à la douleur du passé, une douleur qui se glisse au fond de leurs yeux où s’égarent encore des larmes.

Cinéastes d’aujourd’hui

L’Insoumis est un film de Gilles Perret, bien connu aujourd’hui pour ses engagements.
En effet, Gilles Perret fut l’un des fondateurs de Citoyens et résistants d’hier et d’aujourd’hui, né des rassemblements citoyens au plateau des Glières.

En 2015, il réalise Les jours heureux, un film qui fait l’esprit du Programme du Conseil national de la Résistance. En 2016 avec son film « La Sociale » il rend hommage à Ambroise Croizat, fondateur de la Sécurité Sociale.

L’Insoumis est une plongée dans la campagne électorale de Jean-Luc Mélenchon en 2017. Gilles Perret dresse à la fois le portrait de l’homme politique lors de ses déplacements de campagne, et, le portrait intime de l’homme en proie au doute. On voit les coulisses d’une campagne électorale où devant des milliers de personnes, Mélenchon évoque son programme. On le voit aussi, quand indécis, il ne sait pas quelle veste choisir avant de monter sur scène. Au-delà du regard documentariste, le film devient l’écho d’instants d’un enthousiasme collectif rare.

Isabelle Ingold est auteur du film Des jours entier sur l’aire, tourné sur une aire d’autoroute en pleine campagne picarde. Avec une caméra discrète, elle observait la vie des chauffeurs routiers où apparaissait la concurrence d’un marché unique, le déracinement et la solitude.

Elle présentera Le monde indivisible. Un jeune homme dans une chambre surfe sur internet et nous parviennent par bribes le récit de son exil d’Iran en Angleterre où il demande l’asile.
Enfin Marion Lary, à qui l’on doit Dans mon quartier je vis je meurs, tourné à Palente, présentera Les Silences de Cuthbert, l’évocation de sa prise de conscience du racisme. Quarante ans plus tard, elle retourne dans cette ville et s’affronte encore à la ségrégation entre communautés noires et blanches, au chômage et à la paupérisation.

La Rhodia et la mémoire des hommes

La disparition des murs la Rhodia et ce qu’il reste dans la mémoire des hommes sera au centre du Festival avec la projection de A bientôt j’espère, film emblématique de l’arrivée Chris Marker et des techniciens Pierre Lhomme et Antoine Bonfanti à Besançon en 1967. Réalisé récemment, le très poétique Tant que les murs tiennent, documentaire où Marc Perroud met en parallèle, les tagueurs de la Rhodia et, en incrustation sur les murs, quelques plans des films Medvedkine, Avant que la Rhodia ne soit détruite, le cinéaste a recueilli les témoignages des femmes et des hommes qui en firent l’histoire et la singularité.

Les murs tiennent si la mémoire des hommes est là

C’est pour cela que Chloe Malcotti, jeune artiste, propose une vidéo expérimentale H.H.. Elle essaie de capter dans le non-dit, l’histoire ouvrière et culturelle des luttes tout en se posant la question, que faire de cette Bastille des temps modernes ? L’occupation de l’espace libéré après la destruction de l’usine est en débat aujourd’hui à Besançon. En espérant que celles et ceux qui en firent l’histoire aient leur mot à dire.

Le Groupe Medvedkine de Sochaux

Le programme fait aussi la part belle aux films Medvedkine de Sochaux en parallèle avec ceux de la Rhodia ; à Sochaux comme à Besançon, les ouvriers se battaient pour leurs conditions de travail et l’accès à la culture. Ils réclamaient du pain et des roses.

Rarement un film fut aussi créatif que Week-end à Sochaux. N’ayant pas le droit de tourner le film en usine, les ouvriers mirent en scène l’usine en dehors de ses murs avec l’aide du Théâtre des habitants. Le film use et abuse d’une drôlerie ironique à l’égard de la hiérarchie, de l’accueil des travailleurs dans les foyers. Bien qu’il use de l’humour, le film dénonce les conditions de vie et de travail des ouvriers de Peugeot. Il se termine en beauté avec la déambulation d’une jeune fille face à la caméra ; elle parle de ses rêves et ses utopies.

Lettre à mon ami Pol Cèbe, de José Thé, Antoine Bonfanti et Michel Desrois, est un film d’une grande inventivité et spontanéité. Trois hommes partent en voiture pour présenter Classe de lutte à Lille. Ils décident d’écrire une lettre aux copains travailleurs de Besançon. Vue de l’habitacle, l’image baigne dans une lumière de fin du jour, de nuit, et se mélange à des sons teintés d’une immense poésie sonore.

Enfin 11 juin 68, jour historique sanglant est le film d’un anonyme sur la violence du patronat et de l’Etat.
Ainsi chaque année depuis vingt ans, le Festival porté par le CCPPO est devenu un vrai lieu de rencontres où se croisent des générations de cinéastes et de spectateurs avec un vrai souci de maintenir la vitalité de l’éducation populaire.

 

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