Laurent Nuñez n’annonce rien de neuf pour Planoise et nie les violences policières

Laurent Nuñez est venu à Besançon d’abord auprès des policiers pour les féliciter du travail déjà mené et en les invitant à le poursuivre, jusqu’à éradiquer tous les points de deal en misant sur les enquêtes judiciaires. Il explique d’ailleurs les fusillades de Planoise par les vides laissés après le démantèlement de réseaux de trafic de drogue. Il n’est pas là pour promettre plus de policiers aux habitants, si ce n’est trois semaines de plus de CRS dans le quartier. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur n’a pas souhaité rencontrer l’intersyndicale, qui a fini nassée, et a contesté l’existence des violences policières. Tout en déniant aussi les entraves à la presse alors qu’une journaliste avait été empêchée de filmer l’irruption d’une manifestante dans le cortège officiel plus tôt dans la matinée.

nunezplanoise

Par petites équipes, ou par files de dizaines de camions, les CRS et les gendarmes mobiles sont partout dans le quartier de Planoise. Il fallait être déterminé pour répondre à l’appel de l’intersyndicale qui entendait profiter de la venue de Laurent Nuñez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Intérieur, pour poursuive le combat contre la réforme des retraites et alerter sur le thème des violences policières. Leur faible nombre, une quarantaine, et l’impressionnant dispositif de sécurité, leur laissent peu de marges de manœuvre. Et même s’ils affirment avoir déclaré la manifestation, ils se doutent que cela ne sera pas simple.

Avant l’arrivée de Laurent Nuñez, ils décident de quitter la maison des syndicats pour se déplacer vers l’endroit où il est attendu. Mais ils n’iront pas bien loin. Un cordon de gendarmes mobiles barre la route à une centaine de mètres de leur objectif. Ils ont beau invoquer une déclaration en bonne et due forme qui n’a pas été refusée, ce sera niet. On leur répond qu’il y a un arrêté préfectoral d’interdiction de manifestation et qu’ils ne pourront pas passer. Ils n'en ont pas eu connaissance, s’offusquent, crient au scandale et à la démocratie bafouée et se demandent à quoi sert de déclarer une manifestation si une interdiction vient la frapper. En vérifiant, il ne trouve pas l’arrêté sur le site de la préfecture, mais un gradé de la police vient leur en apporter une copie. L’interdiction concerne la place Cassin et l’avenue du Parc. Ils décident alors de contourner les secteurs interdits, mais sont de nouveau arrêtés rue Picasso, une rue pourtant non concernée par l’arrêté préfectoral.

Pendant ce temps, juste avant 10h, le secrétaire d’État arrive. « Je suis venu ici dans le quartier à Planoise pour rencontrer les forces de l’ordre, d’abord, et discuter avec les habitants », dira-t-il plus tard. Pour l’heure, la visite commence au commissariat de quartier, inauguré en mars 2019 par son ministre de tutelle, Christophe Castaner. L’ancien chef des services secrets intérieurs s’entretient avec les forces de police en charge du trafic de stupéfiants. La déambulation commence ensuite, en compagnie du préfet, du maire, du recteur, des élus et divers gradés des forces de police et des pompiers. Il rencontre le directeur de l’Intermarché, lourdement impacté par l’incendie criminel qui a frappé la fourrière municipale, située en dessous. C’est justement la suite de la visite, une entrevue avec les pompiers qui ont dû faire face au sinistre. Après un petit détour au collège Diderot, il s’entretiendra avec des membres du Conseil citoyen de Planoise, qui avait organisé le 15 janvier un rassemblement en soutien aux commerçants et aux habitants touchés par la violence.

Parole aux habitants

Dans une petite salle de la maison de quartier Nelson Mandela, Laurent Nuñez, venu aussi pour expliquer la politique menée dans les quartiers de reconquête républicaine par son gouvernement, se livrera au jeu de la rencontre avec plusieurs habitants. Il y a le référent d’un club de handball mahorais qui se désole que des équipes ne souhaitent plus venir jouer à Planoise par peur, cette dame qui se plaint de ces arnaques à domicile au matelas ou au faux détecteur d’incendie, celui qui demande plus d’informations car des rumeurs de personnes envoyées ici pour en découdre répandent une psychose, de ce père qui se plaint des défauts de l’Éducation nationale et des voies de garage qui sont laissées aux jeunes du quartier, celui que se lève pour évoquer le trafic de drogue en montrant par la fenêtre un groupe de jeunes en bas d’une tour, celle qui réclame que l’on s’intéresse au communautarisme ou celle encore qui pointe le fait que le problème de la drogue est aussi celui de l’emploi et de la pauvreté.

Laurent Nuñez est loin de partager toutes les visions qui sont développées. « Vous ne parlez pas assez du rôle des parents »,  « on a déjà beaucoup de choses sur l’éducation comme la Cité éducative, vous le savez », répond-il à celui qui mettait en cause des enseignants qui décourageraient les élèves. « Vous commencez à excuser le dealer ou le guetteur », adresse-t-il à ceux qui pointaient une situation économique et sociale favorisant les activités illicites liées aux stupéfiants. « Quand on rentre dans le deal, c'est un choix », affirme-t-il fermement. Il atteste de son attention sur le sujet du communautarisme, même si, admet-il, ce sont des profils plus inquiétants qui étaient plutôt ciblés.

« Il faut de l’investigation judiciaire, le reste c’est de la pipe »

Il n’est pas venu annoncer une augmentation des effectifs policiers. Ni élargir les horaires d’ouvertures du commissariat de Planoise, comme le demandaient beaucoup d’habitants. Laurent Nuñez pointe le faible nombre de plaintes qui y sont déposées. « Ce ne sont pas eux qui vont démanteler le trafic », dit-il encore. « Nous n’avons pas de leçons à recevoir sur la façon dont on gère la police dans les quartiers. Avant c’était Robocop, maintenant nous sommes présents ». Il indique que 16 policiers sont dédiés au quartier de Planoise. « Ce n’est pas un problème de ressources, celui-là on l’a réglé en augmentant les effectifs ». Pour lui, la priorité n’est pas de renforcer les patrouilles visibles, mais de mener les actions en profondeurs. « Il faut de l’investigation judiciaire, le reste c’est de la pipe. »

Il se félicite des résultats : 20 kg de cannabis saisi l’année dernière et déjà 10 kg cette année, des interpellations multipliées par deux en un an, 38 réseaux démantelés en 2018 contre une cinquantaine en 2019, la baisse du nombre de points de deal identifiés de 28 à 13 actuellement, une multiplication par 3 des saisies d’avoir criminels, etc. Laurent Nuñez lie d’ailleurs directement les récentes fusillades aux actions menées pour démanteler certains réseaux. « Cela crée des vides, favorable à un contexte de règlements de compte. C’est ce que vous avez vécu dans le quartier. » Planoise est un très gros supermarché de la drogue à l’échelle du grand Est, ce qui ne l’empêche pas d’affirmer tenir l’objectif de faire disparaitre le trafic. « Ça peut vous paraitre illusoire, mais l’action des services de police, c’est d’éradiquer l’ensemble des points de deal. »

« S’il y a des violences, c’est toujours le fait des manifestants »

Interrogé lors du point presse sur sa décision de ne pas recevoir l’intersyndicale qui avait demandé une entrevue sur les retraites et les violences policières, il reste droit dans ses bottes. « Je n’ai pas à rencontrer des manifestants pour ce que vous appelez vous des violences policières. C’est un terme que je récuse totalement », se justifie-t-il, ajoutant que « s’il y a des violences, c’est toujours le fait des manifestants » et que « s’il peut y avoir un certain nombre de fautes en nombre limité, l’IGPN est saisi systématiquement. » Sur la question des journalistes parfois ciblés par la police, il dénie aussi. « Les journalistes ne sont pas empêchés de faire leur travail sur les manifestations. Au contraire, lorsqu’ils sont identifiés, bien évidemment, les policiers les protègent », déclare-t-il en embrayant sur les prises à partie des journalistes par des manifestants qui existent aussi.

Mais pas de chance. Cette démonstration vient se frayer au réel et cela s’est encore joué quelques instants auparavant, quand une manifestante était parvenue à surgir à proximité de la balade protocolaire. Quand elle a commencé à scander : "il n'y a pas de violences légitimes", les visages se sont un peu tendus parmi les officiels. Et la journaliste de MaCommune.info qui avait commencé à filmer la scène en a été empêchée par les CRS, qui l’ont fermement écartée. Ce qui n'est tout de même pas le gage d'une très forte protection des journalistes par les forces de l’ordre.

Quant aux manifestants, ils ne sont plus qu’une poignée vers 12h, nassés depuis près d’une heure dans un coin du quartier après avoir été empêché de circuler librement toute la matinée et parfois vigoureusement repoussés par les forces de l’ordre. Les policiers leur disent qu’ils ne peuvent sortir qu’à la condition d’un contrôle d’identité. C’est une réquisition du parquet au motif d’une manifestation non déclarée. Mais au départ de Laurent Nuñez, tout le monde est finalement autorisé à sortir sans passer par la case contrôle. Les autorités n’ont guère tenu compte de la déclaration de manifestation de l’intersyndicale, qui n'avait pas de parcours déclaré et qui faisait mention d’un rassemblement à Planoise sur une tranche horaire large, de 9h à 18h. Malgré tout, ils auront réussi à déjouer plusieurs fois l’impressionnant dispositif de sécurité et à se faire parfois entendre, de loin, du secrétaire d’État.

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