Lakdar Benharira : « la culture est le fin mot de l’histoire »

Le fondateur de SOS-Racisme Jura est sous le choc. Il considère que « ceux qui n'apprécient pas Charlie ont aujourd'hui la preuve que ces gens là n'en ont rien à foutre de la religion, veulent détruire notre société et nos valeurs ».

Lakdar Benarira : « La réponse ne doit pas être la France de la terreur, mais celle de l'unité ». Photo D.B.
Lakdar Benarira : « La réponse ne doit pas être la France de la terreur, mais celle de l'unité ». Photo D.B.

Des rassemblements se sont tenus et vont se tenir encore dans toute la région. Des moments de recueillement où les questions de chacun deviennent celles de tous. Parmi ceux-ci, Factuel est à Lons-le-Saunier, ce lundi midi. Près de 300 personnes sont réunies en cercle autour de nombreuses bougies qu'on vient poser ou allumer dans le silence. Soudain, un homme entonne en tremblant la Marseillaise. Elle est reprise à voix étouffées par une bonne partie de la foule. « Ça faisait bien longtemps que je ne l'avais pas chantée », nous dit Bernard qui est venu d'un village voisin et lâche qu'il a toujours un peu de mal avec l'hymne national. Pour son « caractère guerrier », dit un de ses amis. Mais qu'importe, le chant du Lédonien Rouget de Lisle témoigne d'un moment d'histoire où il fallut défendre les armes à la main les conquêtes balbutiantes d'une révolution abolissant les privilèges en droit de la naissance. 

SOS-Racisme a, avec d'autres, relayé l'appel à ce rassemblement jurassien. L'occasion d'un entretien avec son fondateur Lakdar Benharira, membre du bureau national de l'association.

En quoi SOS-Racisme est-elle concernée ?

Elle l'est comme tout le monde. Cela fait des années qu'on se bat pour le vivre ensemble. En septembre, nous avons fait venir l'exposition de photos de Bétina Rheims Passeport pour la fraternité. Tout le monde est concerné. Il s'agit de défendre les valeurs de la république : liberté, égalité, fraternité...

Y a-t-il un risque pour les Arabes de France ?

Vous voulez sans doute parler des événements de Pontivy... La France, heureusement, est assez forte. On est parti pour une France unie. Il y a des fous se réclamant d'une idéologie ou d'une religion. J'ai du mal à répondre à cela. La réponse ne doit pas être la France de la terreur, mais celle de l'unité. Sur le compte Facebook d'SOS Racisme, un jeune dit être au FN mais ne pas être facho. Beaucoup ne le sont pas, mais il ne faut pas oublier les fondamentaux...

C'est à dire ?

Ils doivent savoir que Marine Le Pen partage l'idéologie de son père. Elle est allée au bal des anciens nazis en Autriche, au bal des identitaires à Lyon. L'extrême droite cherche à nous mettre dos à dos. Mais la France n'est pas l'extrême droite.

François Hollande accueille les chefs de partis dont Marine Le Pen...

On ne va pas nous rabâcher les errements de la politique. On n'est pas responsable de la légalisation de ce parti. Si on avait fait le droit de vote des immigrés, promis depuis 1981, on n'en serait peut-être pas là... Je ne veux pas donner de leçon, mais quand je vois qui sont les prétendus représentants de l'islam...

L'ancien juge anti-terroriste Marc Trividic dit que la stratégie de Daech consiste à provoquer la généralisation de réactions anti-musulmanes et anti-arabe afin qu'ils se révoltent pour participer au djihad global...

En janvier, le slogan Je Suis Charlie n'a pas été repris par tous. Certains ne se reconnaissaient ni dans les assassins ni dans les slogans. Aujourd'hui, même s'ils n'apprécient pas Charlie, ils ont la preuve que ces gens là n'en ont rien à foutre de la religion, veulent détruire notre société et nos valeurs. Au resto Belle Époque qui a subi une attaque, la moitié des tués sont Maghrébins ou Noirs... Le melting-pot, c'est ce dont ils ne veulent pas. Ils ont attaqué la culture, les fondamentaux. Je suis sous le coup. Mais il ne faut pas baisser les bras. Plus de 400 lycéens sont venus voir Passeport pour la fraternité. Nous allons continuer à faire vivre cet idéal.

L'écrivain Erri de Lucca propose que la société résiste au terrorisme dès le rez-de-chaussée...

C'est le b-a ba. Quand on fait des interventions sur les discriminations, on s'aperçoit que ce n'est pas qu'une affaire de victimes, mais aussi de témoins. Touche pas à mon pote, c'est autour de soi...

Vous voulez dire que le terrorisme peut pousser sur le terreau des discriminations ?

Oui. C'est pareil pour l'extrême-droite. C'est là où il y a une perte de capacité de réflexion. C'est quand on dit : si t'as mal, le responsable c'est le plus proche, celui qu'on montre du doigt.

L'unité nationale, est-ce aussi un changement dans la société ?

Cela signifie qu'autour de moi, je dois être attentif à mon voisin, à tout le monde. Je suis éducateur de profession : quand quelqu'un a une idée tordue, mauvaise, il cherche la faille, un moyen de biaiser... Je n'ai pas de solution toute faite, mais il faut prendre soin les uns des autres. Dire bonjour, merci, pardon, je vous laisse la place...

Ça s'apprend où ?

Chez soi, en famille, à l'école... La culture est le fin mot de l'histoire. Il faut donner aux gens les moyens de la réflexion.

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