L’aéroport Dole-Tavaux dans le « système Ryanair »

La compagnie à bas coûts propose une nouvelle liaison avec Marrakech à partir du 25 avril, deux fois par semaine. Mais qui se sert de qui ? Ryanair qui parle d'accord « gagnant-gagnant », le conseil général qui espère 100.000 voyageurs, la chambre de commerce qui gère l'aéroport avec Kéolis ?

aeroporttavaux

Faisant voler ses avions entre Dole-Tavaux et Porto depuis avril 2012, la compagnie à bas coût Ryanair propose une nouvelle liaison avec Marrakech à partir du 25 avril, deux fois par semaine. Responsable du marketing pour la France, la Belgique et le Maroc, Jonathan Brisy a tenu mardi 5 février une conférence de presse à l'aéroport jurassien pour lancer l'affaire. Ou plutôt pour la vendre : « les coûts les plus bas toujours vainqueurs », a-t-il lancé, bravache, revenant sur les « fausses » accusations espagnoles d'avoir été léger avec la sécurité avant d'être dédouané. Il a annoncé l'accueil de 75.000 passagers à Dole en 2013 grâce aux trois lignes vers Marrakech, Londres et Porto, cette dernière ayant eu un « taux de remplissage de 85% ». Il a promis des prix imbattables, avec notamment un lancement à 40 euros que nous n'avons pas pu obtenir sur le site de la compagnie.
Interrogé sur le tarifs après lancement, Jonathan Brisy a répondu en indiquant que la moyenne des billets de la compagnie était de 53 euros. Sera-ce le prix après lancement ? « Plus ou moins 53 euros, selon le remplissage, mais si on réserve la veille et qu'il reste trois places, ce sera peut-être 200 euros... » Les candidats au voyage ne devront pas oublier que ces tarifs alléchants ne mentionnent pas les bagages en soute de plus de 15 kg, ni les taxes d'aéroport, ni la commission de carte bancaire, ni les frais de dossier pour qui réserve par un autre moyen que le site de Ryanair qui « représente 99% des réservations », précise M. Brisy.

Un « événement heureux » pour la consule du Maroc

Consule du Maroc à Dijon, Mimouna Radi a parlé d'un « événement heureux » répondant à l'attente de la « communauté marocaine » et des « touristes », mais pouvant aussi ouvrir des « opportunités pour les affaires ». Espérant « d'autres destinations au Maroc », elle s'est cependant demandée si Royal Air Maroc allait pouvoir « résister » à Ryanair. Jonathan Brisy a répondu qu'« il y a une place pour tout le monde, il faut s'adapter » et salué « la volonté du gouvernement du Maroc d'ouvrir le ciel au low cost ».
Le président du conseil général, Christophe Perny (PS), est admiratif : « On connaît le système Ryanair, les prix fluctuant et les voyageurs attentifs... Il y a de belles opportunités de partir pour pas cher parce qu'on a un ordinateur en face de soi et non une hôtesse ». Il voit aussi le trafic à Dole-Tavaux : « On était à 4.000 passagers il y a deux ans. Pour 2013, on est à 45.000 en mars. Quand j'avais annoncé qu'on ferait 15.000, tout le monde disait que j'annonçais la fermeture, mais on va se rapprocher de 100.000 sur l'année avec Ryanair. Et quand passent 100.000 personnes, cela génère de l'activité. On a un équipement qui répond à sa vocation, fait vivre un territoire, les hôtels, les restaurants, permet de tisser des liens avec d'autres pays tout en étant un pont pour la communauté marocaine ».

Un modèle économique et social controversé

Rémi Laurent est quant à lui convaincu de l'annonce par Ryanair du « maintien de 75 emplois à Dole ». Reste que la compagnie ne prévoit d'y localiser aucun emploi : « ils sont à Marrakech », dit Jonathan Brisy. Paiera-t-elle des impôts locaux ? « Jamais », s'exclame-t-il, « c'est la volonté de Michael O'Leary. Tout est irlandais : la compagnie, les avions, les emplois... » Ryanair participera-t-elle à l'entretien de la piste ? Christophe Perny vient au secours de Jonathan Brisy : « On répare bien les routes et les entreprises jurassiennes ne paient pas les travaux ». Certes, mais elles sont contribuables... Et à ce titre, elles participent aux 200.000 euros que paie le conseil général par ligne et par saison. Car les contrats avec Ryanair ne sont plus annuels ou pluri-annuels, mais à la saison : « aujourd'hui, nous avons un contrat pour la saison d'été », dit Jonathan Brisy. La CCI intervient-elle dans ce contrat ? « Elle exploite l'aéroport avec Kéolis, sans élément financier autre que le travail des techniciens », répond Rémi Laurent après avoir évoqué le « business modèle propre à Ryanair ».
Ce modèle posera-t-il au Jura les problèmes qu'il a posé à d'autres collectivités territoriales, de Marseille à la Corse, de la Marne à la Charente ? « C'est en cours de réalisation de contrat que les choses se tendent. On a versé 400.000 euros de subvention, plus d'un million pour refaire la piste, plus les salariés de l'aéroport d'Angoulême, on n'a eu que deux ans d'activité sur un contrat de 5 ans », dit Michel Boutant, le président (PS) du conseil général de Charente dans le webdoc La Face cachée du lowcost. La thèse de ce film de 45 minutes est que Ryanair ne fait du bénéfice que grâce aux subventions des collectivités à sa filiale de marketing. La compagnie présente même pour le journaliste irlandais Gerry Byrne « le pire visage du capitalisme ».

 

 

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