Nous sommes à Montfermeil. Il y a la police, le Maire (nom donné à un homme qui maintient le calme dans le quartier), les religieux, ceux qui font des affaires et les mômes qui jouent… Le début du film met en place les personnages. Deux policiers balancent des vannes devant un troisième, surnommé Pento. C’est son premier jour de travail dans la banlieue. Il arrive de Cherbourg et vient d’intégrer la BAC (Brigade anticriminalité). C’est donc à travers son regard neuf que le réalisateur nous fait découvrir la cité des Bosquets. Ses collègues le présentent à leur supérieure hiérarchique (Jeanne Balibar) qui d’emblée les remet à leur place, eux si prompts à faire des blagues viriles pour intimider le nouveau venu.
Après les présentations des protagonistes, c’est au tour des gitans de faire leur entrée en klaxonnant à tue-tête. Un lionceau a disparu et ils soupçonnent un gamin du quartier. Première mêlée avec la police avant de reprendre la route pour retrouver l’animal. Dans ce quartier les réseaux fonctionnent bien. Et les réseaux sociaux encore mieux puisque poster une photo de soi avec un lionceau sur Facebook, ça fait le buzz !
La caméra est une arme
Justement sur les toits, Buzz, un gamin à grosses lunettes filme depuis les barres d’immeuble avec un drone l’isolement et les événements de la banlieue. Mais les choses tournent mal : une fois pris, le petit voleur (Gavroche) tente de s’enfuir et prend un coup de flash-ball dans l’œil. Le drone a filmé la scène. Il faut donc récupérer les images. Ce n’est pas l’avis de Pento (notre double, celui qui incarne le regard du spectateur à l’écran). Il décide d’abord de soigner l’enfant en allant à la pharmacie la plus proche pendant que les deux autres policiers courent dans tous les sens pour faire disparaître la preuve de la bavure.
L’œil abimé, Gavroche trimballé par la police doit présenter ses excuses au responsable du cirque ; pour le punir, on l’enferme quelques minutes dans la cage du lion. Il doit aussi apprendre ce qu’il doit dire en rentrant chez ses parents et ces mots sont la reprise d’une citation de Victor Hugo : C’est de la faute à qui ? – A moi, répond l’enfant en sanglotant. Par une sorte de mimétisme visuel, le lion de la cage transmet un cri à l’enfant. D’abord sourd puisque les gamins attaquent la voiture de police avec des pistolets en plastique. Progressivement le cri devient mugissement et révolte.
Ce n’est pas parce qu’on raconte ce film ici qu’il ne faut pas aller le voir. Tout est dans la façon de tordre le cou aux clichés dominants des films de banlieue à savoir la drogue, le terrorisme, la religion. Dès les premières images la caméra est en empathie avec tous les personnages en présence, puisqu’eux-mêmes et eux seuls maintiennent l’équilibre à la cité des Bosquets.
La révolte
Les policiers sont au même niveau que les autres personnages puisqu’ils vivent à Montfermeil. Et aucune représentation moderne des Misérables de Victor Hugo ne sera plus juste. Et jamais aucun film ne montre à ce point comment les banlieues sont abandonnées par les pouvoirs publics dont l’incarnation d’un faux maire (caïd en chef) en est l’ironique représentation. Et comme toute société abandonnée, elle se structure. Au début du film, les enfants partent avec leurs drapeaux soutenir l ’équipe de France lors de la coupe du monde de football et à la fin, les mêmes gosses essaient de détruire la police française. Comme dans “Gloria Mundi” la fin du film ouvre une petite lueur d’espoir. On voit une lumière vaciller dans la fermeture en iris qui clôt le film.
Et ces quelques mots :
“Mes amis retenez bien ceci. Il n’y a ni de mauvais hommes, ni de mauvaises herbes. Il n’y a que de mauvais cultivateurs.”