« Il y a un mineur étranger à la rue et le Département nous dit qu’ils ne font plus aucune mise à l’abri. Tous les jeunes qui arrivent, ils ne les hébergent pas », s’alarme une bénévole du collectif SolMiRé (Solidarité Migrants Réfugiés). Après quelques infructueux coups de téléphone, ils ont décidé d’alerter la presse et l’opinion sur le sort de ce jeune, et des autres, qui dort dans la rue à Besançon. Depuis ce jeudi, ils ont monté une tente à la Gare d’Eau pour lui venir en aide. La banderole est explicite : « Ados sans abris, Département délinquant ».
L’abri de fortune se trouve sur les terres du Conseil départemental, qui devrait normalement le prendre en charge. « Je l’ai trouvé il y a deux jours à Chamars, il venait de sortir du commissariat. Habituellement, ces jeunes passent par la police qui leur donne au moins l’adresse du département. Là, ils n’ont pas donné d’adresse et ont dit que tous les foyers étaient saturés. Quand j’ai appelé le Département, ils ont dit qu’ils ne mettaient plus à l’abri les mineurs étrangers depuis une semaine », poursuit-elle.
Cela n’est pas contesté par Odile Faivre-Petitjean, vice-présidente du Conseil départemental du Doubs, en charge de l’enfance-famille. Mais avant de s’en expliquer, elle tient à rappeler l’engagement du Département, qui accompagne plus de 1500 mineurs, dont 370 MNA (des migrants ou réfugiés mineurs isolés sans famille, ou Mineur non accompagné en langage administratif). « Actuellement les capacités d’accueil sont saturées, puisque nous avons confiné tous les jeunes qui se sont présentés comme MNA pendant la période de confinement, quelle que soit leur situation », ajoute-t-elle.
Il est à noter tout de même que le Département avait refusé pendant le confinement de prendre en charge quatre jeunes qui se trouvaient alors en errance vers la gare. « Il a fallu un mois et que notre avocate rappelle les obligations légales au Département par le biais d’un référé liberté pour qu’ils soient mis à l’abri », rappelle la militante de SolMiRé. Ils ont ensuite été placés à l’isolement deux semaines dans un appartement sans Internet, sans pouvoir sortir ni voir personne en raison de la crise sanitaire avant d’être finalement placés avec d’autres mineurs non accompagnés à l’hôtel Foch.
« On sait qu’il y a de la place dans des hôtels à Besançon »
Pour expliquer ses difficultés, le département souligne que le nombre de MNA a triplé en trois ans et précise les mesures prises : 281 places créées entre 2016 et 2020, un budget de 61,8 millions d’euros, en hausse de 7,8 % entre 2019 et 2020, et un effort qui devrait se poursuivre l’année prochaine.
Mais cela n’est visiblement pas suffisant. Et de fait hors la loi. Les départements ont en effet l’obligation d’assurer un accueil provisoire d’urgence à toute personne se déclarant mineure et privée de la protection de sa famille jusqu’à l’évaluation, entre autres, de leur minorité. « Ils se dédouanent sur l’argument du manque de place, mais on sait qu’il y a de la place dans des hôtels à Besançon », plaide le collectif. « Ils veulent passer le message clair qu’il n’y a plus d’accueil pour éviter un appel d’air. C’est toujours le même truc », rajoute la bénévole en signalant que le Doubs pourrait de toute façon transférer ces jeunes dans d’autres départements après évaluation, s’il n’y avait effectivement plus de places.
Mais la vice-présidente du Doubs avance aussi un autre argument, plus surprenant. « Ce jeune a probablement fait un déplacement de plus de 100 km alors que c’est interdit », ose-t-elle, considérant que le Doubs n’est pas un département d’arrivée de première intention. Cela est tout de même un peu gros, parce que c’est de toute façon toujours le cas, crise sanitaire ou pas. « En général on assure l’accueil, mais c’est quand même une situation particulière… », concède finalement Odile Faivre-Petitjean en guise d’aveu d’impuissance.
Avec le confinement, les procédures d’évaluation ont été stoppées, alors que plus de cinquante jeunes étaient en attente. « Les évaluations ont repris depuis 15 jours et il faut réaliser en réaliser 54 d’ici le 15 juin. Ça prend un certain temps et c’est pour ça que le dispositif est saturé », explique la vice-présidente du Conseil départemental.
« On va suivre la situation et on proposera une solution d’hébergement dès que cela sera possible », ne peut que dire la représente de la collectivité. Même si cela est manifestement illégal. Ce ne sera donc que quand l’un des MNA sera considéré comme majeur, et évacué des dispositifs de prise en charge du Département, que le jeune qui dort dehors, en ce moment dans une tente à la Gare d’Eau, pourra être pris en charge en vue de son évaluation. Et combien qui ne sont pas repérés et aidés ?