La victoire de l’Algérie célébrée dans la ferveur populaire à Planoise

La victoire de l’équipe nationale de football d’Algérie à la Coupe d’Afrique des Nations a été largement célébrée à Besançon, en particulier dans le quartier de Planoise. Une consécration ce vendredi, après deux autres succès déjà riches en émotion les jeudi 11 et dimanche 14 juillet. À chaque fois plusieurs centaines de supporters, des jeunes, des familles, des chibanis, mais aussi des badauds se sont réunis pour fête la deuxième CAN des Fennecs.

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Les actualités liées au football demeurent très ancrées au sein les couches populaires, et la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) ne fait pas exception. Une situation particulièrement vérifiable dans les quartiers incluant une importante proportion de jeunes d’ascendance maghrébine, nombreux à Besançon mais dont le plus emblématique reste Planoise et ses 20 000 habitants. Ainsi, le carrefour d’Île-de-France est devenu le lieu de rencontre de ce genre d’événements.

Le jeudi 11 juillet lançait la saison. La séance de tirs au but serrée contre la Côte-d’Ivoire entraînant un premier défilé de véhicules. Aucun trouble, ni même de sérieux embouteillages, mais Ginko avait alors choisit d’interrompre brutalement la circulation des tramways entre Chamars et le terminus, laissant les d’usagers dans une incompréhensible galère. Coups de klaxon, feux d’artifice, et exhibition de drapeaux s’étaient en effet succédé dans la bonne humeur.

Une joie de plus en plus intense jusqu'au vendredi de la victoire

Au fil des matchs, la joie ne pouvait qu’être plus intense. Ainsi le 14 juillet face au Nigeria, un ultime but dans le temps additionnel permet à l’Algérie de rafler in extremis son ticket pour la finale. La « libération » n’en est que plus spontanée, peu avant 23h00 des centaines de véhicules et de personnes manifestant dans les rues. Une large palette d’étendards était visible, algériens bien sûr, mais aussi amazigh, marocains, syriens, palestiniens, turcs, tunisiens, italiens, et sénégalais notamment.

Pendant près de deux heures, tout se passe au mieux. Mais peu avant 1h00, des poubelles sont amenées sur le terre-plein et incendiées, et des fusées lancées dangereusement. Rue de Dijon et rue du Luxembourg, deux voitures isolées sont la proie des flammes. Un groupe de policiers locaux intervient vers 01h15, bombardant la zone de lacrymogènes alors qu’un hélicoptère manœuvre en appui. Deux interpellations mouvementées plus tard, le calme reviendra vers 03h00.

Alors que des troubles graves secouaient Audincourt, l’ivresse du succès aurait ainsi permis de contenir une grande part des velléités à Besançon, désormais devenues « traditionnelles » en cette période. Le samedi 14 juillet 2018 avait été marqué par des heurts. Si aucun bien de particulier n’avait alors été touché, banques, vidéosurveillance, et publicités avaient été ciblées, dans un secteur en proie aux barricades et aux assauts répétés des CRS.

Des arrêtés préfectoraux par crainte des débordements

Ce vendredi 19 les autorités craignaient des « débordements », de nombreux territoires édictant des arrêtés préfectoraux ou municipaux spécifiques ou augmentant les dispositifs policiers. Ainsi des localités comtoises étaient concernées, comme Dole, Lons-le-Saunier, et l’ensemble du département du Jura, l’agglomération de Vesoul en Haute-Saône, et une partie de Montbéliard et son aire urbaine dans le Doubs, tandis que Besançon et Belfort ne franchissaient pas le pas.

Pourtant, le soir même, les choses s’enchaînaient, ni plus ni moins, comme le dimanche d’avant. Le match entraînera la passion croissante des téléspectateurs avec le seul but marqué d’entrée de jeu par Bounedjah, devant leur écran à domicile ou dans certains établissements fréquentés. Vers 23h00 et la proclamation du titre de champions, youyous, démonstrations automobiles, et effets pyrotechniques, se déploieront à nouveau par centaines pendant plus de trois heures.

À nouveau sur place du début à la fin de soirée jusqu’à près de 4h00, nous y avons constaté une exaltation sans aucune fausse note jusqu’au bout de la nuit. Les quelque six-cents supporters présents multipliaient danses, usages d’instruments de musique, et slogans en arabe, ponctuant parfaitement cette nuit endiablée. L’accueil a été extrêmement chaleureux, beaucoup de jeunes et de familles n’hésitant pas à nous solliciter pour immortaliser cet instant.

« Nous attendions depuis trente ans »

Dés la qualification en finale, Hamid* jeune homme originaire du Pays évoque longuement sa satisfaction. « Pour les plus anciens, comme mes parents, nous attendions ça depuis trente ans. » La dernière victoire des Fennecs remonte en effet à 1990 dans un contexte amenant à la guerre civile, une histoire qui fait directement échos au présent avec le Hirrak débuté en février. Mais concernant la question politique et sociale actuelle, les langues sont plus difficiles à délier.

Pour ceux interrogés à ce sujet, les fameuses couleurs vertes et blanches frappées du croissant rouge sont autant un symbole de joie que de Résistance. « D’abord du mouvement national bien sûr, puis récemment contre toutes les formes d’ostracisme et d’oppression » exprime un trentenaire survolté. Le clin d’œil sur la situation des « banlieues » est à peine dissimulé, mais beaucoup marquent aussi une certaine distance « avec toute forme d’incidents. »

Ainsi la plupart des supporters du coin, ou ceux de plus loin comme Montrapon, expriment des regrets concernant les débordements observés le 14. Tout en ayant également des réserves sur les opérations de police, « les agents débarquant en gazant tout le monde » abondent d’autres. Le football, autre « opium du peuple », n’a pas fini de traverser la société. Quant à nous à la Rédaction, nous conclurons sur mabrouk/مبروك ou tamarbohth/ⴰⵙⵀⵡⵏla Coupe d’Afrique.

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