La solidarité du Doubs aux paysans menacés d’expulsion

Une quarantaine de militants de la Confédération paysanne ont participé à la mobilisation nationale en soutien à leurs collègues de Notre Dame des Landes qui passaient en justice à Nantes, en formant un barrage filtrant au rond-point d'Etalans.

conf

Un quart d'heure d'attente en roulant au pas pour arriver au rond-point d'Etalans... La petite quarantaine de militants de la Confédération paysanne du Doubs ont réussi leur coup d'organiser, mercredi 13 janvier entre 10 h 30 et 13 h, une opération bien visible. Dans la file, de rares automobilistes pressés doublent pour gagner quelques places. La plupart attendent leur tour. « Les gens sont surpris qu'on manifestent, mais quand on leur explique, ils sourient », dit Julien Comte, éleveur laitier à Nans-sous-Sainte Anne.

Très vite, les 500 tracts prévus sont épuisés. On va vite en réimprimer 200 au local de Valdahon. Mais c'est insuffisant. Et brandir un petit panneau « non à l'aéroport de Notre Dame des landes » est un peu léger. « C'est vrai, on aurait pu mettre une banderole, mais on apprend vite, on en mettra une la prochaine fois », sourit Manu Vignon, descendu du Haut-Doubs. Alors on explique à qui veut bien baisser sa vitre dans le vent et le froid le pourquoi de ce barrage filtrant de tracteurs tournant autour du rond-point où ils laissent passer le flot de véhicules au compte-goutte. Vers midi, les gendarmes interviennent sans heurts pour accélérer le passage.

Manu Vignon, venu du Haut-Doubs.

 

Comme en de nombreux coins de France, les comités Notre Dame des Landes, où la Conf' joue souvent un rôle moteur, ont voulu montrer l'ampleur de la solidarité avec les opposants en première ligne. Bien sûr il y a les zadistes hyper médiatisés, la critique d'un projet contradictoire avec les objectifs de la COP 21, mais il y a aussi des paysans qui perdraient leurs terres. Et cette lutte pour le foncier, contre l'artificialisation des sols, est consubstantielle au syndicalisme paysan. Là, c'est la Confédération paysanne qui est en pointe, mais on peut aussi se référer aux textes du syndicat Jeunes agriculteurs, la branche moins de 35 ans de la FNSEA, qui dénonce lui aussi la perte de l'équivalent d'un département tous les sept ans...

« Pas bon pour la démocratie »

La mobilisation se tient le jour du procès intenté à Nantes par Vinci pour expulser onze familles et quatre paysans du site où il doit construire l'aéroport. Elle suit la journée nationale de samedi 9 janvier où 150 personnes se sont rassemblées à Lons-le-Saunier et une trentaine à Besançon. Elle en précède d'autres, ce samedi à Dijon, mais sans doute aussi lundi 25 janvier, jour où le tribunal nantais doit rendre sa décision.

La judiciarisation de l'action syndicale, illustrée mardi par la condamnation à de la prison ferme de militants CGT de l'usine Goodyear d'Amiens, par la saisie des tracteurs de paysans opposés à l'aéroport, est dans tous les esprits : « Il y a un mouvement global pour que le mouvement syndical prenne, ce n'est pas bon pour la démocratie », souligne Julien Comte. Denis Narbey est en conversation avec le lieutenant-colonel de gendarmerie Wanecque : « Il y a un vrai malaise, il vous attendre au feu dans les campagnes, il faut revoir tout le système ». L'officier lui demande : « vous voulez vivre de votre travail ? » Le militant répond : « Bien sûr, mais aujourd'hui on est là en soutien par rapport à ceux qui risquent l'expulsion ». (lire leurs portraits dans Reporterre, ici)

« Bientôt une agriculture sans paysan »

Venu de Haute-Saône, Jean-Marie Pertusier aurait aimé voir davantage de monde. Denis Narbey se félicite au contraire que la mayonnaise ait pris aussi vite : « On a pris la décision à quatre hier matin et on a chacun appelé dix personnes, elles sont toutes là ! Les gens sont en attente, l'exaspération est forte. On n'avait jamais fait, nous à la Conf', de manif en tracteur, et là on est venu avec des tracteurs... »

Il y a Pascale Jeannin, venue bien sûr « pour la cause ». Si ça continue, redoute-t-elle, « on aura bientôt une agriculture sans paysan. Tu ne reçois des revues qu'avec des robots partout... ». D'origine allemande, Uta est installée en maraîchage bio et élevage ovin à Lods. Elle est venue contester « un projet inutile », l'état d'urgence et « contre l'hypocrisie consistant à parler de la protection du climat tout en continuant les projets qui font tourner le capital... »

C'est sûr, la décision judiciaire du 25 janvier est attendue, mais aussi celle du gouvernement... 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !