La solidarité des Serbes, Bosniaques, Croates et ex-Yougoslaves de l’Aire urbaine

Les inondations catastrophiques qui ont tué 50 personnes et déplacé 1,6 million d'habitants dans l'ex-Yougoslavie ont généré un grand élan de solidarité au sein de la diaspora dans le nord de la Franche-Comté et en Alsace.

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« Brat je mio koje vere bio » : mon frère m'est cher quelle que soit sa croyance... La vieille devise yougoslave signifie encore quelque chose pour Serbes, Bosniaques, Croates ou Français d'origine yougoslave en Franche-Comté. Les conséquences des inondations en Serbie, en Croatie et en Bosnie-Herzégovine sont pour l'heure impossibles à mesurer. La catastrophe a déjà causé la mort de cinquante personnes, provoqué le déplacement d'un million six cent mille habitants. Les régions proches des principales rivières, affluents de la Save et du Danube, sont ravagées par les débordements d'eau, de boue, les glissements de terrain. On redoute à présent des épidémies. Dans ce contexte, un formidable élan de solidarité emporte tout l'espace ex-yougoslave. Sur le terrain d'abord, spontanément et sans réserve, les voisins d'hier et d'aujourd'hui se sont prêtés main-forte et portés secours.

Un désastre social
Dans un article du Guardian publié le 22 mai, le philosophe croate Srećko Horvat écrit : « Ce qui se trouve sous la surface de ces inondations catastrophiques, ce n’est pas juste un désastre naturel, c’est aussi un désastre social...Des gens de toute l’ancienne Yougoslavie ont organisé leurs propres filets de protection sociale, envoyant des vêtements, de la nourriture et des médicaments à ceux dans le besoin. Et oui, nous, peuple des Balkans, devrions être fiers de cela. Ces deux dernières décennies, ces États des Balkans ont réduit les investissements dans la construction et l’entretien des digues et des berges. À l’époque de la Yougoslavie, rien qu’en Serbie, le gouvernement a planifié de construire 34 digues supplémentaires pour réguler le cours du Danube et de la Save. À ce jour, seulement cinq digues ont été construites. Les entreprises de gestion des eaux ont été graduellement privatisées. »

Dans le pays de Montbéliard et le Territoire de Belfort principalement, la solidarité régionale s'est organisée depuis dix jours. C'est Vladimir Djordjevic, responsable syndical et militant politique (MRC de Jean-Pierre Chevènement), figure de la vie associative franco-serbe (Nikola Tesla et Drugari), qui est à l'origine de la campagne de soutien de la Croix Rouge française. Vendredi 18 mai, il parvient à interpeller l'organisation à l'échelon national, soucieux de l'urgence comme de l'impérative reconstruction des zones sinistrées. Le lundi 21, après avoir échangé avec ses homologues de Serbie et de Bosnie-Herzégovine, la Croix Rouge française lance une campagne de dons à partir de son site internet.

Des camions au départ de Mulhouse, Strasbourg et Bâle

L'initiative de Vladimir Djordjevic en a d'emblée rencontré d'autres, s'est conjuguée à celle de l'association franco-serbe Nikola Tesla de Mulhouse. Stefan Nikolic, de l'association Drugari, s'y est également associé. Des camions ont été affrétés en Alsace pour convoyer vivres, vêtements et produits d'hygiène. Samedi et dimanche, dans la cour de la petite église orthodoxe, rue du Berger à Belfort, ils ont été près de soixante à réceptionner, mettre en cartons et charger cinq camionnettes pour remplir les semi-remorques à Mulhouse mais aussi Bâle et Strasbourg. La plupart sont Serbes, issus de familles ouvrières dont les hommes d'abord, sont venus travailler dans les usines Peugeot et consorts au milieu des années 1970.

Sous le tilleul fleuri, entre deux chargements, Dejan ne cache pas son émotion, « bouleversé par le nouveau drame » qui frappe son pays d'origine, la Serbie.  Il a « la chair de poule en pensant à l'entraide qui existe entre tous, les peuples serbe, croate et bosniaque… C'est comme avant ! ». Milenko est originaire de Bosnie, près de la frontière serbe et de Srebrenica. Il se réjouit de cette coopération par delà les « nouvelles » appartenances nationales. Son fils s'est étonné que l'on parle si tardivement de ces inondations catastrophiques dans les grands médias. Il a relayé sans relâche les appels à la solidarité via les réseaux sociaux.

Des collectes dans des supermarchés, des lycées

A Beaucourt (90) et Dampierre-les-Bois (25), Olivera et Aleksandar ont organisé des collectes à l'entrée des supermarchés Netto et Super U. Olivera est née en France, son père, ouvrier retraité, l'informe de l'évolution de la situation depuis le centre de la Serbie où il est en ce moment. Elle se félicite de « l'impact positif » de son action, premier engagement de cette nature. Si quelques-uns ont pu faire des remarques xénophobes, la plupart des clients « font des gestes humains d'abord ». Comme elle, Aleksandar pense que l'entraide doit dépasser les clivages régionaux et nationaux : « nos collectes n'iront pas nécessairement dans nos régions d'origine, l'important est le soutien à tous sans que certains soient favorisés aux dépens des autres ». D'autres initiatives de collectes ont également été prises par exemple Aides aux Balkans par des lycéennes de Condorcet à Belfort.

La mémoire des guerres des années 1990

La tragédie des guerres des années 1990 est dans de nombreux esprits. Le désastre actuel rappelle et fait revivre l'obligation de tout quitter en catastrophe. Vladimir Djordjevic souligne le fait que « de nombreux habitants se sont endettés pour construire et, très rares sont ceux qui ont une assurance. Tous ceux qui vivent de l'agriculture, encore nombreux dans ces régions, vont connaître des années très difficiles ». L'industrie du bois, importante en Bosnie, est également mise à mal.

A ce jour selon Vladimir Djordjevic, la Croix Rouge a réunit près de 48.000 euros. Médecins du monde met également en oeuvre son fonds de secours d'urgence et le Secours populaire lance sa souscription.

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