« La masse et l’unité : si on garde ce cadre là, on va gagner… »

Veillée d'armes dans le Jura. La première assemblée interprofessionnelle à Lons-le-Saunier a réuni des gilets jaunes et des responsables syndicaux FSU et CGT autour d'un enjeu partagé : « faire un 17 décembre plus gros que le 5 », malgré des divergences tactiques et stratégiques après une semaine de mobilisations ininterrompues.

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Après la dispersion, une trentaine de manifestants se retrouvent dans le local de la FSU pour la première assemblée générale inter-professionnelle de Lons. Enfin presque : outre une moitié d'enseignants, essentiellement du primaire, il y a des gilets jaunes, des militants de la CNT et le secrétaire de l'UD-CGT, Richard Dhivers. Refusant par ailleurs les gilets jaunes sur les tracts communs, FO n'est pas là. Solidaires, davantage implanté à Dole, n'est pas représenté non plus.

La réunion est surtout l'occasion d'un débat entre diverses stratégies, mais aussi la présentation des différents contextes. On apprend que les routiers vont entrer dans le mouvement, ceux de FO lundi, ceux de la CGT mardi : « ils vont essayer de bloquer les camions devant partir pour la semaine », mais n'auront pas eux-mêmes à leur disposition les camions de leurs employeurs ! 

Pour Nathalie Pszola, approuvée par tous, l'enjeu est de « faire un 17 décembre plus gros que le 5 ». Elle évoque l'intersyndicale du lendemain, vendredi 13, avec la CFDT. Springfield Marin, son collègue retraité, rappelle les difficultés des enseignants à « articuler mouvement reconductible et temps forts » en raison de l'arrêt Aumont de 2003 qui retire quatre jours de salaires en cas de grève le vendredi et le lundi... Illustration par Vincent : « Dans mon établissement, je n'ai pas fait grève tout seul cette semaine, je suis resté avec mes collègues pour débattre, résultat : nous serons tous en grève le 17 ! »

On évoque les tractages sur le marché par quelques militants, pas assez nombreux : « il faut beaucoup discuter avec les gens quand on distribue... Une petite commerçant m'a dit : ''vous nous bloquez !'', j'ai répondu ''proposez quelque chose'' », explique une syndiquée. « Les discussions vont souvent au-delà des retraites et beaucoup de gens pensent qu'Edouard Philippe s'est planté », rapporte une autre. « Il faut continuer à passer du temps avec les parents pour expliquer », ajoute une troisième. « Je pensais qu'on se ferait engueuler, mais non, on a eu des discussions très utiles », dit Christiane. Un prof de collège évoque « la propagande d'Etat et des médias de masse ». Un autre précise par exemple que « les 1000 euros net de retraite sont déjà dans la loi de 2003, le pouvoir ne la respecte pas, alors dans 25 ou 40 ans… » 

Articuler actions et manifestations

Vient la question de l'articulation « des actions en plus des manifestations ». Christian, gilet jaune, témoigne de la fonte des effectifs : « d'accord pour des blocages, mais pas à trois... Et ce n'est pas en tournant en rond dans la ville qu'on bloquera l'économie... » Pour Springfield Marin, « la radicalité doit être décidée démocratiquement, le vrai blocage, c'est la grève générale… » On n'y est manifestement pas encore... Yves n'est pas d'accord avec « le principe du blocage qui ne donne pas l'envie d'adhérer au mouvement ». Fabrice pense que la question ne doit être tranchée là : « pourquoi on déciderait à trente pour les 3000 ou 4000 manifestants de mardi ? »

Une proposition d'occupation d'un lieu plus neutre que la Maison des syndicats, où débattre et partager le boire et le manger, est émise. Une autre consiste à faire une AG post-manif du 17 au centre social. Une autre encore la propose au parc des expos Juraparc. Aline, gilet jaune, fait la synthèse : « Pendant les manifs, il faut proposer quelque chose pour la suite... »

On le sent, syndicalistes et gilets jaunes veulent se parler, mais rien n'est simple. Vincent, prof, se réjouit de ce débat entre « gilets jaunes, enseignants et responsables syndicaux », salue le mouvement du 17 novembre 2018 : « je n'ai pas souvenir d'un mouvement social de plus d'un an... » Springfield Marin veut aussi voir la réunion du bon côté : « il en a fallu du temps. Là, on s'écoute, on se respecte. C'est un pas énorme que les responsables syndicaux soient face à vous », dit-il aux gilets jaunes qu'il invite à se « saisir de l'objet du mouvement » car « on n'est pas encore dans la convergence, seulement dans la coagulation. L'objet, c'est de réussir la masse. Ce n'est pas le sens d'une manif d'occuper un lieu... »

« Déjà un truc énorme sans la CFDT… » 

Et de pronostiquer : « le 17, ce sera énorme, on sera 4000... Il faut aller dans le mouvement, mais sans s'opposer à la radicalité. Notre mouvement me fait penser à 1995. On a déjà un truc énorme sans la CFDT, et ils viennent demain. C'est cela créer un rapport de force. Il ne faut pas griller les étapes. Il y aura encore des rendez-vous après le 17. On est dans le temps de la construction d'un rapport de force reposant sur la masse et l'unité. Si on garde ce cadre là, on va gagner... Et là, resurgiront l'ensemble des problématiques posées par les gilets jaunes, les hospitaliers, les services publics. On ne lâchera rien, car ils continueront dès qu'on aura tourné le dos... » Yves ajoute : è il faudra amener la difficulté de vivre dans la manif... »

Richard Dhivers, le secrétaire de l'UD-CGT qui avait écouté jusque là, prend enfin la parole. Il explique « appliquer des décisions de congrès », présente son analyse : « la lutte doit être conduite dans les boîtes, ce n'est dehors qu'on va toucher le patronnat qu'il ne faut pas oublier : c'est le seul content du discours d'Edouard Philippe... » Il douche un peu les gilets jaunes qui demandent un engagement des syndicats à leurs côtés : « il n'y aura personne de la CGT sur les actions du week-end... »

En fait, pour les militants, la vie de famille, ça ressource…  

 

  

 



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