La ligue des champions des vaches montbéliardes remportée par Finesse !

C'est une jeune vache broutant sur les pâturages du GAEC Vivier Roche de La Rochelle (Haute-Saône) qui a remporté le concours Montbéliard-Prestige à la Foire comtoise de Besançon. Un moment de retrouvailles et de compétition bon enfant entre éleveurs de tout le pays.

Finesse est grande championne, Bruno Lambert est ému aux larmes. Photos DB

« Vingt ans que je fais des concours ! Vingt ans que j'espérais ça ! Et ça y est... » Ému aux larmes, transporté comme un sportif venant de gagner un trophée, assailli de claques amicales et d'embrassades, Bruno Lambert n'a pas d'autres mots pour décrire ce qui lui arrive. Sa jeune vache Finesse, 5 ans en août prochain, vient de remporter le titre de grande championne du concours Montbéliard Prestige à la Foire comtoise.

C'est, sur deux jours, la phase finale de la « champion's league » de la race montbéliarde. Près de deux cents éleveurs, 193 précisément, ont inscrit 437 vaches. C'est presque autant d'animaux que les plus gros comices cantonaux du Haut-Doubs. Mais là, on est venu de seize départements. Berceau de la race, le Doubs fournit plus de la moitié du troupeau : 246 vaches et génisses amenées par 83 élevages.

Les grosses écuries et les outsiders

Comme pour la fameuse compétition de football, il y a les grosses écuries et les outsiders. 85 éleveurs n'ont inscrit qu'une bête, 42 en ont deux, 39 trois ou quatre, 10 en ont cinq, trois 7 et deux 8. Bruno Lambert est l'un de ces deux-là. Il est l'un des sept sociétaires du GAEC Vivier Roche de La Rochelle, dans le nord-ouest de la Haute-Saône.

Le jury : des producteurs de comté et de reblochon
Les deux juges du concours sont deux éleveurs, Philippe Gros et Yohann Vachoux. Le premier est paysan à Chapelle d'Huin, entre Levier et Salins-les-Bains. Ses 30 montbéliardes mangent l'herbe et le foin de 72 hectares de pâturages et prairies, et produisent 220.000 litres de lait transformés par la coopérative du village.
Son collègue travaille en GAEC à deux à Arenthon, près de La Roche-sur-Foron, en Haute-Savoie. La ferme a 50 vaches sur 130 hectares dont 70 d'alpage, et produit 370.000 litres de lait transformé par l'une des dernières coopératives à reblochon, celle de Fillinges.
Quel est le cadre des critères que vous employez pour le concours ?
YV : C'est celui de l'organisme de sélection. 
PhG : On cherche tous le même modèle de vache...
YV : ...et chacun met sa touche. On juge aussi l'élégance, la prestance, la mise en valeur...
Depuis quelques années, l'accent est mis sur la longévité...
YV : En fonction de la catégorie , on cherche un animal correspondant. Il ne faut pas qu'une jeune soit trop matrure. Et puis, au concours, les animaux sont déjà triés.
Regardez-vous les performances ?
PhG : Non. Il y a un seuil minimal de production laitière pour participer au concours.
YV : On juge ce qu'on voit sur le ring.
Cela ne va-t-il pas jaser que Rhône-Alpes ait gagné par lot ?
YV : Je n'espère pas !
PhG : Notre responsabilité est partagé. Nous sommes d'accord...

Avec 160 vaches laitières sur 200 hectares d'herbe, le GAEC produit 1,6 million de litres de lait que transforme la fromagerie Milleret. Composé de quatre familles différentes, constitué du regroupement sur le même site de trois fermes, il cultive également 500 hectares de céréales destinées à la vente. Une grosse ferme ? Bruno n'élude pas la question : « quand on divise par sept, on a la production d'une ferme normale. On fait surtout des économies d'échelle ». Et chacun peut prendre des vacances et des week-end...

Pas perturbée par les avions...

Ou s'adonner à la « passion » de l'élevage, un mot qui revient très souvent dans la bouche des participants aux concours. Cette passion est entretenue par une ambiance spectaculaire, avec musique et jingles. Cédric Fourcade, technicien de l'organisme de sélection, explique au micro les caractéristiques de chaque animal, donne son pedigree. Finesse, la championne, est ainsi la fille du fameux taureau Micmac dont les semences s'exportent dans le monde entier. Micmac est aussi le père de la finaliste Croixrouss, grande championne 2014, une vache de près de 8 ans qui broute à Janneyrias (Isère) à deux pas de l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry...

Dans les tribunes assises, des connaisseurs apprécient en professionnels, félicitent, encouragent. Debouts, de l'autre côté de la barrière en bois qui ceinture le ring recouvert de sciure, le public est plus varié mais pas moins intéressé. « La vache haut-saônoise va gagner », assure Anne, enseignante-chercheure à Dijon. Ouvrier du bâtiment, Cyril est ravi : « c'est impressionnant, j'aime bien voir ces grosses vaches qui ont l'air bien nourries et produisent du bon lait ». Un couple et ses deux enfants vient chaque année : « C'est quand même des belles bêtes et les agriculteurs travaillent dur... On aime regarder, on est au spectacle ».

D'abord 17 vaches à Ouarzazate

Entre le ring et la vaste étable de Micropolis, Rémi Sthal, conseiller municipal de Besançon délégué à la coopération décentralisée, fait visiter le concours à Boutaïna Bouabib, consule générale du Maroc à Dijon, et Driss Barhaila, attaché économique du consulat. Importateur de vaches montbéliardes, le royaume pourrait être invité de la foire comtoise en 2017 : « On a commencé par 17 vaches à Ouarzazate... Le Maroc a beaucoup de petites exploitations et l'Etat finance l'achat de vaches pour encourager l'élevage, on a besoin de lait... »

« Le mot clone peut être mal interprété »
En présentant le concours par lot, autrement dit une sélection de cinq vaches d'une région, Cédric Fourcade a mis l'accent sur « l'homogénéité du lot » en ces termes : « il faut qu'on ait l'impression que les cinq vaches soient des clones ».
Le spectre du clonage étant l'objet d'une controverse dépassant les seules possibilités de la science et des techniques, c'est un véritable objet politique qui est ainsi soulevé. Certes, le technicien de l'organisme de sélection n'a pas voulu argumenter en faveur du clonage. C'est comme ça que le prend Philippe Gros, l'un des deux membre du jury du concours : « C'est une image, il voulait plutôt parler de vaches morphologiquement identiques. Le mot clone peut être mal interprété ».

Avant l'apothéose de la désignation de la grande championne, le jury a décerné deux prix : le lot régional et la meilleure mamelle. Nous passons devant les éleveurs de Rhône-Alpes au moment où, concentrés à l'extrême, ils constituent leur lot de cinq vaches. Ils opèrent un curieux jeu de chaises musicales entre les bêtes : « On doit en choisir parmi quarante, on reprend même celles qui n'ont pas gagné leur section car c'est l'homogénéité qui compte », dit l'un d'eux.

Jean-Baptiste Pardon, éleveur dans la Loire est à la tête de 55 laitières, il livre 550.000 litres par an à la coopérative Sodiaal et élève des vaches allaitantes. « C'est la cinquième fois qu'on vient, pour l'ambiance », sourit-il. Il défend aussi la longévité des vaches qui permet « la productivité sur la carrière ».

Homogénéité des bassins et qualité des aplombs

Quelques instants plus tard, les Rhône-Alpins verront leur lot coiffer la sélection haut-saônoise sur le fil, devant celles du Doubs-Territoire de Belfort, du Jura, du Massif central, puis de la Bourgogne. Yohann Vachoux, l'un des deux jurés, explique le choix en soulignant « l'homogénéité des bassins, le système mammaire, la qualité des aplombs »... Éleveur dans le Cantal, Jean-Michel Cussac, victorieux il y a deux ans à Besançon avec Uvéa qui avait triomphé au concours général du Salon de l'Agriculture à Paris, jette un oeil connaisseur - il a été juré et pourrait à nouveau l'être : « il n'y a pas photo ».

Uvéa avait gagné à l'âge de dix ans. Jean-Michel défend des laitières qui durent : « C'est important des vaches qui vieillissent : on peut vendre davantage de jeunes. Moins on met de vaches à l'abattoir, mieux on s'en tire : il vaut mieux vendre une vache au lait ».

Le prix de la meilleure mamelle est décerné à Gardenia, une jeune vache du GAEC Carrey-Guyat de Déservillers. Ouf, le Doubs décroche un prix majeur. Là aussi, le taureau Micmac est dans le coup, il est le grand-père de Gardenia, père de son géniteur, un autre fameux taureau baptisé Urbaniste... Tout un programme, ce nom qui enrichit un panthéon dont les célébrités s'appellent ou s'appelaient Bois Levin, Isangrin, Exodus, Triomphe...

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !