La démarche symbolique de Stéphanie Krapoth

portrait St Krapoth

« Le 22 octobre 1993, en provenance d’Hanovre dans la partie nord de l’Allemagne, où à 5h du matin il pleuvait et faisait à peine 8°, je suis arrivée à Besançon à 14h, en plein été indien, découvrant des couleurs, des lumières nouvelles. » Stéphanie Krapoth se souvient avec enchantement de ce premier voyage. Il inaugure un séjour initial de six mois dans le cadre du programme européen d’échanges d’étudiants « Erasmus ».
Aujourd’hui et depuis quelques jours, elle est devenue française sans avoir renoncé à la nationalité allemande. La double nationalité, c’est ce que permet la loi et ce n’est pas autrement qu’elle vit son identité.
L’influence de son père, professeur de littérature française à Göttingen au sud d’Hanovre, a été majeure. Elle a étudié le latin et le grec ancien, mais pourtant ne parlait pas le français en arrivant au campus de la Bouloie : « le CROUS était austère, des airs de RDA… Je n’ai compris que quelques mots lors de mon premier cours le lundi à 10h. A partir de là, chaque mot compris, trouvé, était un succès. Les étudiants français m’ont rapidement fait éprouver le sentiment d’être intéressante, je me suis épanouie ici. J’ai rapidement eu des contacts de qualité : après quinze jours, cinq ou dix adresses confiées. Après quinze jours aussi, des pensées, des bribes de réflexion en français et après quelques mois des rêves en français ! »
Stéphanie Krapoth est professeure d’histoire à la faculté de lettres de Besançon à présent (elle a notamment publié « France – Allemagne. Du duel au duo, de Napoléon à nos jours » aux Editions Privat en 2005, et « France – Allemagne : représentations réciproques (1918-1965). Manuels scolaires et journaux satiriques » aux Editions universitaires européennes en 2010). Prolongant les six mois de départ sans beaucoup de moyens financiers, elle a poursuivi le cycle d’études qui lui a permis de soutenir sa thèse et d’enseigner. Elle a rencontré ici son compagnon, étudiant germanophone. « C’est une expérience humaine forte et un parcours entre nos deux pays utile pour l’Europe. Le choix de la double nationalité c’est le symbole d’une Europe qui vit. »

L’acquisition de la nationalité, c’est aussi la possibilité, le « bonheur même » de voter. « Je votais déjà aux élections municipales et européennes, mais maintenant… je ne pourrai plus dire à mes étudiants : vous, quand vous voterez… » Un certain regard, permis par la distance et qui contribuait à repérer les stéréotypes, les représentations, s’exercera différement.
La législation a évolué depuis peu en Allemagne, c’est ce qui a autorisé la double nationalité. Les démarches administratives en France ont été pesantes. Après quatre années de mariage, le mari de Mme Krapoth a dû prouver sa nationalité française pour que la demande de nationalité de son épouse soit recevable. « La liasse de documents que lui demandait l’administration était aussi importante que la mienne. Nous avons été convoqué tous les deux à la préfecture pour un entretien de près de trois heures avec un chargé de mission. Nous avons eu des interrogatoires séparés pour vérifier que l’on se connaissait effectivement et il nous a fallu apporter des preuves de vie commune depuis le mariage, moi des preuves de résidence auparavant. Enfin j’ai été convoquée seule à la police. »
Avant la réception pour la cérémonie de naturalisation, des fêtes ont été organisées avec les proches en octobre, avec soixante étudiants au mois de novembre. « La cérémonie à la préfecture était très émouvante. Mon mari, au même moment, était à Berlin avec cinquante élèves français. J’avais invité mon directeur de thèse qui est devenu comme un grand frère. Mon père m’a alors écrit en français pour me demander : alors tu te sens mieux maintenant ? Je crois que pour mes parents rien n’a véritablement changé. »

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