La Confédération paysanne veut faire entendre une autre voix sur la crise du lait

Le syndicat défend l'agriculture paysanne et suggère de diminuer l'effectif moyen des élevages de deux vaches pour contrer la surproduction, plutôt qu'accélérer la course à la compétitivité qui risque de supprimer 200.000 emplois... Il a mené une opération de communication devant un hypermarché bisontin à la veille de la démonstration de force de la FNSEA.

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« Si la seule réponse à la crise, c'est l'investissement et se surendetter encore, on recommence dans deux ans ! » Porte parole de la Confédération paysanne du Jura, éleveur de montbéliardes à comté, Nicolas Girod est remonté contre le plan réclamé par le président de la FNSEA, Xavier Beulin, qui a demandé 3 milliards d'euros à François Hollande pour rendre plus compétitive l'agriculture française. Autrement dit, ajoute le Jurassien, « agrandir les fermes, ce qui mettrait 25.000 éleveurs sur la selette et entraînerait 200.000 chômeurs de plus. François Hollande est-il d'accord ? »

200.000 emplois ? Vraiment ? A 1,8 équivalent temps plein par ferme et quatre à cinq emplois induits (agro-alimentaire, contrôle laitier, insémination, machines...), le compte y est. « Ça fait quarante ans que ça dure, que les paysans suivent la FNSEA et la seule réponse proposée est l'élimination des éleveurs », renchérit Patrick Jeannin, producteur de morbier fermier bio à Vaucluse (Doubs). « Xavier Beulin a proposé l'automatisation des abattoirs, mais ça va supprimer des emplois si on met des robots... »

Philippe Monnet (FDESA du Doubs) : « Tout le monde ne peut pas faire une agriculture haut de gamme »
La FNSEA va attirer l'attention ce jeudi 3 septembre en investissant Paris avec mille tracteurs. Les Francs-Comtois montent à la capitale dans trois cars devant rejoindre les tracteurs vers 7 heures du matin, avant de rejoindre l'Assemblée nationale et le Sénat. « Les éleveurs sont dans une situation de plus en plus compliquée, hors des signes de qualité », analyse Philippe Monnet, président de la FDSEA du Doubs. « On a toujours contesté la disparition des quotas, et si l'Europe veut conserver une production de lait, il faut de la régulation et de l'harmonisation sociale »
Le marché peut-il l'assurer ? Il donne l'exemple du système comté qui repose sur la maîtrise de la production.
Peut-il être un modèle pour d'autres productions ?
« Peut-être... Tout le monde ne peut pas faire une agriculture de qualité ou haut de gamme comme on le fait en comté. Ce système est bien pour des régions qui ne peuvent pas être dans la compétition économique ou l'agronomie... »
Les éleveurs à comté sont-ils mobilisés pour leurs collègues en lait standard ?
« Les gens sont solidaires parce que si on perd des élevages, tout le monde est impacté, par exemple par le biais des abattoirs... »
Ce discours n'est-il pas en contradiction avec celui plus libéral de Xavier Beulin ?
« Pourquoi dites-vous ça ? Entre le tout libéral et le système soviétique, il y a de la marge. Beulin est critiqué, mais Sofiprotéol qu'il préside a lancé des technologies françaises : le diester, les deux tiers des tourteaux sont français. En Franche-Comté, on travaille avec la coop Terre comtoise pour une filière soja régionale... »
L'harmonisation sociale ne risque-t-elle pas de conduire, si on suit la demande de la FNSEA, à baisser le coût du travail salarié, à des salaires polonais ou slovaques ?
« Il y a aussi le temps de travail, en Europe, les uns travaillent trop et d'autres pas assez. Pour régler ça, c'est un pas de dix ans... »

Militant de la Conf' en Haute-Saône où son GAEC à trois élève 90 vaches qui produisent 650.000 litres de lait standard, Vincent Fidon fait grise mine en parlant des prix payés par la coopérative Sodiaal (30,5 centimes les 1000 litres au printemps, 31 en juillet, 32 en août) sur lesquels ne s'aligne même pas Savencia (ex-Bongrain), le groupe côté en bourse qui ramasse les deux tiers du lait. « Bien des gens ont retenu les 34 centimes évoqués par le ministre, mais c'était seulement certains laits et au final on n'a que 32 centimes. L'an dernier, on était à 37 centimes de prix de base + des primes sur la qualité, c'était correct. Quand j'ai commencé il y a près de trente ans, on avait déjà 30 centimes... »

Le lait bio bien mieux payé

Si dans le massif jurassien, la majorité des éleveurs produisent sous signe de qualité (AOP comté, morbier, gex, mont d'or) du lait payé entre 45 et 50 centimes, leurs collègues des plaines du Doubs et du Jura sont plus souvent en lait standard, parfois sous IGP emmental grand cru, le seul signe de qualité accessible aux producteurs haut-saônois. La rémunération monte alors entre 35 et 40 centimes. Une autre voie est la production de lait biologique, payé autour de 43 à 45 centimes. D'ailleurs, « les trois quarts des adhérents de la Conf sont en bio », assure Vincent Fidon qui ne l'est pas. Reste qu'en Haute-Saône, les éleveurs bio représentent 3% des 790 producteurs de lait, et ceux en emmental grand cru 5%...

Dans ces zones de lait standards, mieux vaut, cette année du moins, avoir une production céréalière pour compenser, avec des prix intéressants, la baisse des revenus laitiers : « ceux qui ne sont qu'en lait ne vont pas tenir longtemps... » Toussaint Lamy, en GAECà trois à Combeaufontaine, combine les avantages d'une production de lait bio extensive et d'une production céréalière. Ses 25 vaches font du « lait de foin » sur 45 hectares de prairies permanentes. La ferme a aussi 45 ha de céréales et ajuste quantités et variété du fourrage grâce à 10 ha de prairies temporaires où pousse notamment de la luzerne. Résultat, un bon prix de 43,5 centimes... Pourquoi manifester alors ? « Par solidarité... Et parce qu'on aimerait bien 10 centimes de plus, car le lait de foin a des contraintes... »

Deux manifestations le 7 septembre à Bruxelles

Pour expliquer tout cela, la Conf franc-comtoise a fait un coup de communication, mercredi 2 septembre, devant l'hypermarché Géant Casino de Besançon. Une vingtaine de militants a fait goûter du lait frais en le vendant 40 centimes le litre : « on le vend 50 centimes à la ferme. Là, on demande le prix qu'on aimerait être payé », dit M Fidon. Il considère que l'on vit une crise de surproduction et constate : « il y a deux vaches en trop par exploitation. C'est une moyenne, ici ce sera une, là quatre... » Que dire à ceux qui veulent toujours produire plus ? « Quel intérêt si c'est pour vendre moins cher ? »

Il regrette la destruction des outils de régulation qu'étaient les organisations communes de marché qu'on remplacées les quotas : « on les a supprimés, et on a donné avant de le faire un mauvais signal en augmentant les quotas de 1 à 2% par an pendant six à sept ans », dit Vincent Fidon. « On a fait croire que les marchés à l'exportation allaient tout résoudre », ajoute Marc Allemand, éleveur à Conflandey et porte-parole de la Conf de Haute-Saône. La Chine a ainsi importé du lait après le scandale sanitaire du lait empoisonné à la mélanine, « mais les Chinois se préparent à être producteurs. pour l'instant, ils viennent chercher chez nous le lait qu'ils n'ont pas ». Des investisseurs chinois ont ainsi investi dans une immense laiterie en Bretagne... Pour Vincent Fidon, il faudrait d'abord que l'Union européenne « reconnaisse qu'il y a une crise laitière ».

C'est pour ça que la Condéfération paysanne manifestera lundi 7 septembre à Bruxelles au matin avec la coordination européenne Via campesina. Pour ne pas être confondue avec la FNSEA qui y sera l'après-midi avec la Copa-Cogeca...

 

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