La CGT dénonce la discrimination anti syndicale

Pour ses 120 ans, la première confédération syndicale du pays a signalé au préfet du Doubs les situations qu'elle considère comme des atteintes à un droit fondamental. Une responsable CFDT nous explique en quoi elle partage les mêmes constats : « la discrimination est insidieuse ».

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Pour ses 120 ans, la CGT a lancé des initiatives visant, dans toute la France, à mettre l'accent sur les libertés syndicales qu'elle estime souvent bafouées. Une trentaine de militants se sont ainsi rassemblés mercredi devant la préfecture de Besançon où une délégation a remis au préfet une liste de syndicalistes empêchés d'effectuer leurs mandats, voire discriminés. « La liberté syndicale est un droit humain reconnu et protégé, mais elle est de plus en plus contrainte », a souligné le secrétaire de l'union départementale Cyril Keller, dans une allocution visant le patronat, le gouvernement et les institutions européennes qui « veulent imposer des réformes réactionnaires » en essayant notamment « d'institutionnaliser le syndicalisme afin qu'il ne soit plus qu'à leur service ». Cyril Keller défend à l'inverse un « syndicalisme de contre-pouvoir ».

Il cite plusieurs situations où la discrimination a débouché sur des actions judiciaires victorieuses mais de longue haleine. Ainsi, le délégué syndical licencié de Guillin Emballages, à Ornans, a été réintégré après trois ans de procédure. Il n'est pas présent au rassemblement : « c'est compliqué de mettre ces camarades en avant, parce que derrière, le taulier en remet une couche », confie Cyriel Keller. Il évoque le licenciement de cinq grévistes dont un délégué du personnel de Castmétal, à Valentigney, et la procédure en cours intentée par le syndicat devant le tribunal de Montbéliard où une audience est prévue le 29 septembre.

« Dénigrement et mise au placard »

Christelle Tisserand, secrétaire générale de la CFDT Santé-Sociaux du Doubs : « La discrimination est insidieuse »
Comment voyez-vous la discrimination syndicale ?
Elle existe, malheureusement, mais elle est très difficile à démontrer. Les cas évidents sont peu nombreux. La discrimination est insidieuse. D'un côté, l'employeur dit qu'il laisse vivre le dialogue social, qu'il aime parler avec les représentants syndicaux, d'au autre c^té, ces mêmes représentants ne peuvent pas prendre leurs heures de délégation car aucun système de remplacement n'est mis en place. Les employeurs disent même aux salariés : je suis obligé de vous rappeler sur vos congés ou vos repos pour permettre à Monsieur X ou Madame Y d'aller au CE et on n'a pas les moyens de les remplacer ! Or, c'est faux, quand on questionne l'ARS, elle nous répond que les moyens de remplacement sont dans les budgets donnés aux établissements...
Qui est concerné ?
L'ensemble des établissements privés, les associations... Le travail syndical est discrédité par ce genre de choses. Les salariés ne voient pas toujours dans l'instant l'impact du travail syndical.
Il y a une forme d'entrave ?
C'est sûr. La discrimination, ce peut être un collègue qu'on oblige à changer d'emploi car il va trop loin dans son investissement syndical.
C'est quoi aller trop loin dans l'investissement syndical ?
Poser les bonnes questions au comité d'entreprise, faire correctement son travail syndical...
Le syndicat est souvent présenté comme un empêcheur de fonctionner...
Les employeurs ont souvent cette image : Untel est syndiqué, il va nous embêter. Mais être syndiqué, c'est aussi pointer les problèmes, apporter des améliorations. Quand on est responsable syndical, on connaît le terrain... Discriminer l'action syndicale, c'est ne pas reconnaître les employés.
Êtes-vous engagés à la CFDT Santé-Sociaux du Doubs dans des procédures judiciaires pour discrimination ou licenciement abusif ?
Pas en ce moment. Mais il n'est pas rare que nous, syndicat départemental, nous accompagnions un délégué d'entreprise auprès de son employeur pour lui dire qu'il y a des droits auxquels il doit se soumettre. Entre le moment où la discrimination commence et celui où on est alerté, il peut se passer beaucoup de temps. Au début, le délégué encaisse. On est alerté quand il est à la limite du burn out syndical...
Les employeurs ne se rendent pas compte ou ils agissent sciemment ?
Le plus souvent sciemment. Ils ne se rendent pas compte que les délégués syndicaux ne sont pas seulement dans la contestation...
Rejoignez-vous les constats de la CGT ?
Tout à fait, je les rejoins sans souci. Je suis détachée de la fonction publique hospitalière, mais je sais que si je dois réintégrer, ce ne sera pas facile.
Être permanente syndicale vous apporte une certaine sécurité et vous éloigne du terrain...
Ça me met à l'abri de la discrimination, mais si je retourne en service, il y aura un retour de médaille. On va me coller l'étiquette de l'ancienne responsable syndicale qui empêche de tourner en rond. Il vaudrait mieux valoriser les compétences syndicales !
Des syndicalistes deviennent chefs...
Quand on est syndicaliste, on est militant et on sait d'où on vient...

La discrimination passe aussi par « le dénigrement, la mise au placard » d'un délégué de Cristal Événement, à Besançon, où une militante a reçu une lettre de licenciement avec « notification de son appartenance syndicale sur la lettre de licenciement ! » A deux pas, Vincent, délégué syndical dans l'intérim, témoigne : « le problème, c'est que le code du travail n'est pas appliqué. Pour ma part, j'ai gagné une procédure en discrimination en allant jusqu'en cour de cassation, mais c'est toujours compliqué d'avoir des missions ».

Comment démontrer la discrimination ? « En comparant des périodes de 18 mois. Sur l'une j'ai fait 1600 heures, sur l'autre autour de 8 heures par mois... Ils ne tenaient pas non plus compte de la formation. J'ai surtout été payé sur mes heures de délégation syndicale... » Ne risque-t-on pas de se voir alors reprocher de devenir un fonctionnaire du syndicalisme ? « Ça nous plombe, c'est souvent comme ça dans l'intérim. Certains syndicalistes cumulent même plusieurs mandats jusqu'à faire un temps-plein... »

« Difficulté à prendre les heures de délégation »

Pascale Letombe, du syndicat Santé-Sociaux, témoigne d'une plainte avec constitution de partie civile pour la « destruction des archives du syndicat après le décès du délégué à la Mutualité ». Ces archives contenaient notamment des éléments attestant d'une discrimination. « A la clinique Saint-Vincent, la direction empêche la prise des heures de délégation », ajoute-t-elle. Responsable du syndicat départemental Santé-Sociaux, jeune retraité de l'hôpital de Novillars, Gilles Spicher indique « ne pas avoir été discriminé car étant dans la fonction publique ».

Il pointe cependant la difficulté à « implanter des sections syndicales dans le médico-social, le non versement de primes du fait de l'action syndicale... » Christophe, qui a pris la relève, souligne « la difficulté à prendre les heures de délégation : l'hôpital est à flux tendus, les actes sont minutés, et la direction envisage de remettre en cause huit jours de RTT, ce qui correspond à six ou sept postes... »

Pour Cyril Keller « tous les secteurs sont touchés, de l'automobile aux entreprises de nettoyage en passant par la fonction publique, jusqu'à la DIRRECTE, lieu qui devrait oeuvrer pour la mise en place du dialogue social, parce qu'en haut lieu, on a la hantise de la CGT ». Pourtant, il assure qu' « être militant de la CGT, ce n'est pas être un voyou à qui on peut prendre son ADN pour avoir tagué un parcours lors d'une manifestation, c'est être une femme ou un homme qui a simplement envie de gagner de nouveaux droits pour le bien de tous les salariés ».

Le secrétaire départemental de la CGT use aussi d'un ton ferme envers les pouvoirs publics et les puissances économiques : « tous ces exemples sont autant de preuves d'une volonté patronale, d'une vontonté politique de droite comme socialiste, d'une partie du pouvoir judiciaire, de criminaliser l'action syndicale dans un contexte d'action collective, grèves ou manifestations... Quand ils disent "coût du travail", nous répondons coût du capital ! Quand ils disent suppression des 35 heures et travail du dimanche, nous répondosn mise en place des 32 heures, nous ne voulons pas travailelr plus, mais tous... »

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