La CFDT santé-sociaux du Doubs dans l’opposition interne

Lors de son congrès départemental, fort de bons résultats militants et électoraux, le syndicat a défendu son approche critique de la loi Travail : « nous travaillons plus que tous les autres sur ce dossier et ceux qui se rangent derrière Laurent Berger en disant "on fait comme lui" », a lancé sa secrétaire générale réélue Christelle Tisserand.

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La CFDT Santé-Sociaux du Doubs n'a pas grand chose à voir avec l'image lisse et raisonnable donnée par les dirigeants de la Confédération à propos de la loi Travail ou, il y a quelques années, de la réforme des retraites, provoquant une hémorragie de militants. C'est d'ailleurs l'un des quatre syndicats du département à avoir justement défilé contre la loi El Khomri... au nom des valeurs de la CFDT.

Christelle Tisserand, sa secrétaire générale, l'a clairement déclaré en ouvrant, fin juin à Besançon, le congrès départemental à l'issue duquel elle a été réélue : « cela fait des mois que nous discutons [de la loi Travail], faisons des actions, allons porter nos avis dans des débats, que nous votons des décisions de manière collective. Je peux le dire, nous travaillons plus que tous les autres sur ce dossier, plus que ceux qui se rangent derrière Laurent [Berger] en disant "on fait comme lui", plus que ceux qui se limitent à dire "on ne fait rien ou on casse tout !" Nous pouvons le dire sans gêne, nous faisons vivre la CFDT et ses valeurs. La preuve, le syndicat Santé-Sociaux du Doubs est écouté partout, même quand il s'oppose et propose ».

« On n'est pas une secte, comme dit Laurent Berger »

Membre du secrétariat national de la fédération santé-sociaux, la plus importante de la confédération avec 87.000 adhérents sur 869.000, Bruno Lamy a encaissé. Était-il l'œil de Moscou ? La question peut surprendre tant l'histoire de la CFDT témoigne de son anti-stalinisme. Mais l'autogestion semble bien loin et certains la posent au vu de la centralisation poussée de l'organisation : les cotisations sont versées au national qui les redistribue. En outre, de nombreux cadres de l'appareil en sont salariés, ce qui les rend plus dépendants que ceux qui sont restés salariés de leur entreprise ou administration d'origine dont ils sont détachés le temps d'un mandat.

« Je suis là pour être le garant des orientations et des valeurs de la CFDT », dit Bruno Lamy. Aux congressistes, il précise : « il n'y a pas d'autonomie dans la CFDT, il y a un droit de regard du syndicat sur les sections... Mais on n'est pas une secte, comme dit Laurent Berger. Il peut arriver que des sections, des syndicats, puissent avoir des questionnements sur les positions confédérales, être en désaccord sur certains points ».

« Berger est le toutou
du PS et du MEDEF ! »

Invitée au congrès, Catherine Foubert, retraitée du syndicat des services qu'elle a longtemps animé, est aussi en délicatesse avec la ligne confédérale : « Berger est le toutou du PS et du MEDEF », lâche-t-elle sans cacher sa colère : « l'article 2 de la loi travail, c'est du foutage de gueule... Quatre syndicats de Besançon ont écrit à Berger, il a mis trois semaines à nous répondre qu'on n'avait pas tout compris, et ils nous ont envoyé quelqu'un de la conf... » Davantage dans la ligne, le secrétaire général adjoint Norbert Marteau tempère : « dans les santé-sociaux, on n'a pas les patrons pour appliquer l'article 2... On n'est pas dissidents, mais on n'est pas d'accord avec la loi Travail et on l'a écrit à Berger ».

Ces tensions internes font que le syndicat santé-sociaux est très pointilleux sur le formalisme des procédures, tant pour l'élection des 25 membres du bureau départemental que du vote des résolutions. Quand on n'est pas complètement dans la ligne, mieux vaut ne rien avoir à se faire reprocher. Pour l'avoir négligé, certains ont vu des comptes en banque bloqués et des serrures changées... Mieux vaut aussi être sûr de sa force et de ses positions. De ce côté, les santé-sociaux vont bien, sont passés en quatre ans de 744 adhérents à 838 au 31 décembre dernier.

La CFDT 1ère en Franche-Comté, seconde au plan national...

Aux élections professionnelles, ils sont la première organisation syndicale avec 35,2% dans la fonction publique hospitalière du Doubs, 31,2% au CHU, et même 37% en Franche-Comté. C'est loin devant le score national : 24,8% et une seconde place. Les santé-sociaux du Doubs sont en tête dans une dizaine d'établissements privés dont Eliad, les Salins de Bregille, l'Hygiène sociale ou l'Adapei malgré une perte d'adhérents due à la création d'un syndicat SUD à l'occasion de la fusion de sept associations à des conditions « moins disantes pour les salariés mais pas pour les cadres », explique Norbert Marteau. 

Cette bonne tenue est sans doute due à des mouvements revendicatifs obtenant à l'occasion des résultats. « Les revendications ont été entendues » par la direction de la clinique Saint-Vincent où une grève a été organisée lors de « négociations annuelles obligatoires difficiles ». Une dizaine d'actions judiciaires ont été engagées dont une pour entrave à la constitution d'un comité d'entreprise à l'ADMR et une à retentissement national : l'affaire de l'amiante au CHU où le syndicat est partie civile au côté de salariés pour « mise en danger ».

« Manque de moyens
et fusions à marche forcée »

Bref, à l'analyse de ses actions, le syndicat départemental revendique « une réelle cohérence qui prend racine dans les revendications des salariés de terrain ». Celles ci partent de constats sévères pour le secteur professionnel : « le cumul de plusieurs facteurs créé un cocktail inquiétant qui complexifie les problèmes à défaut de les traiter ou de les arbitrer », indique le préambule du rapport d'orientation qui cite « le manque de moyens au regard des besoins, la déstabilisation des entreprises qui connaissent pour beaucoup des crises de gouvernance, l'état de santé des salariés, les fusions à marche forcée qu'elles soient politiques ou technologiques... »

Concrètement, tout cela produit des « effets délétères : perte du sens de nos missions, abandon du prendre soin, taylorisation des actes et des organisations, tentative de gestion des tensions proposée sous le prisme unique des financements disponibles qui condamne beaucoup d'expérimentations... »

La création d'une section jeune votée à 92%

Le congrès a également voté deux résolutions que la section de l'Adapei proposait de rejeter. L'une, proposée par la section de l'hygiène sociale a été adoptée à 92% : elle créé un groupe jeunes de moins de 36 ans, ce qui devrait contribuer à faire face à la « crise du papy boom » qui s'annonce au sein du syndicat dont 42% des adhérents ont plus de 50 ans.

A peine élu, le nouveau conseil départemental s'est réuni pour désigner le bureau.

La CFDT santé-sociaux prévoit par ailleurs de « saisir les personnalités politiques républicaines sans aucune distinction, afin d'engager les démarches nécessaires qui pourraient renforcer l'image CFDT, mais également avoir accès des informations complémentaires ». La section du CHU a fait adopter à 81% la précision selon laquelle si « l'une de ces formations soutiendraient des idées contraires aux valeurs CFDT, la saisine de celle-ci devra se limiter au seul cas où cette organisation serait en responsabilité de gestion d'une collectivité publique ».

En clair, il s'agit d'éviter de s'adresser au FN... « C'est le premier débat qu'on a pour savoir si le FN est ou pas un interlocuteur », explique Norbert Marteau. Ceci étant, FN ou pas, « on prêche parfois dans le désert, on est reçu par des sous-fifres... »

 

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