Journée d’action contre la précarité : faible participation en Franche-Comté

Ils étaient moins de 500 à Besançon, 250 à Montbéliard, 150 à Belfort... Des 300 manifestants dans le Jura, plus de la moitié étaient à Lons-le-Saunier (notre article) où le défilé était conduit par une cinquantaine de salariés de SKF-Aérospace (photo ci-contre) où 110 des 340 emplois basés à Perrigny sont menacés après l'annonce d'un plan par la direction devant le CSE. Le PCF propose une table ronde pour préserver emplois et savoir-faire.

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Rarement accompagné par plus de cinq ou six collègues d'usine dans les manifestations, Pascal Loureiro, le délégué CGT de SKF-Aérospace est cette fois à la tête d'une petite troupe d'une cinquantaine de personnes dont beaucoup arborent un T-shirt au nom de l'entreprise. La mine grave, ils écoutent leur représentant lire à la sono un texte qui se veut offensif afin de « construire un rapport de force qui passe par la mobilisation ». Mardi, la direction a annoncé au comité social et économique (le CE) un mal nommé plan de sauvegarde de l'emploi supprimant 123 postes et en créant 13 sur les deux sites de Lons-Perrigny (340 salariés) et Valence (60 emplois). Le processus de consultation des instances représentatives du personnel doit durer jusqu'au 22 décembre.

Présenté comme un « plan de relance stratégique pour préparer l'avenir et renouer avec la croissance durable », le projet est sensé être une « adaptation de l'entreprise à un environnement en perpétuelle évolution ». En fait, c'est une réponse à la crise sans précédent qui affecte l'industrie aéronautique mondiale depuis le début de la pandémie. Avions cloués au sol, commandes annulées ou gelées, fabricants et sous-traitants au ralenti : le secteur est secoué comme rarement (voir le dossier du Monde diplomatique de juillet ici).

Au micro, Pascal Loureiro tonne : le plan est « inacceptable, SKF a engrangé 81 millions d'euros de bénéfices sur les six derniers exercices, près de 17 millions rien que pour 2019. Il a encaissé 4 millions de CICE en six ans ». Assurant que les salariés « ne se résigneront pas », rappelant leur « culture de la lutte » qui avait conduit dans les années 1970 le groupe à revenir sur un projet de fermeture, le syndicaliste résume la stratégie : « nous exigerons la signature d'une APLD, activité partielle de longue durée » afin de maintenir les salariés dans l'entreprise « pour les familles », mais aussi pour « conserver le savoir-faire ».

Spécialisé dans les roulements à billes

Spécialisé dans les roulements, SKF fabrique des pièces pour l'aviation, comme des rotules d'attache-moteur ou des bielles de structure. Ses clients sont des constructeurs aéronautiques civils et militaires, de Dassault à Boeïng en passant par Arianespace et des sous-traitants du secteur. Présent dans 130 pays et employant 45.000 personnes dans le monde, le groupe suédois SKF salarie environ 3000 personnes dans onze sites français dont celui de Perrigny.

Majoritaire sur le site où elle devance la CFDT, la CGT entend donc mener bataille dans un contexte difficile. « On a proposé à la CFDT de se joindre à nous, on n'a pas eu de réponse », regrette Pascal Loureiro. D'autres sites sont également touchés par des mesures : « A Valenciennes, la direction a dénoncé les 35 heures et la grille des salaires... » Une décision à mettre en perspective avec les accords de performance collective issus de la loi Travail et permettant de revenir sur des « conquis sociaux » : « un tel accord s'impose aux salariés, s'ils le refusent, ils peuvent être licenciés pour faite réelle et sérieuse... »

Pas facile dans ces conditions de se battre. Certains salariés sont tentés par la solution individuelle de partir avec un chèque, histoire de tourner la page au plus vite. « On chôme déjà depuis mai-juin, de un ou deux jours par semaine à trois semaines », constate le délégué. Il explique vouloir se battre pour maintenir les savoir faire des tourneurs, fraiseurs, rectifieurs ou monteurs qui assemblent des roulements à la main : « on est spécialisés dans les petites séries... » Cela n'est pas forcément transposable aux industries de grandes séries, comme l'automobile. 

« Salariés, relevez la tête ! »

La problématique mérite cependant d'être abordée dans un cadre plus large, notamment celui de la transition écologique. Ce suppose des échanges incluant d'autres partenaires que les syndicats et l'entreprise. Interrogé, Thierry Gaffiot, militant communiste et nouvel adjoint au maire de Lons-le-Saunier, opine : « on travaille à mettre autour de la table l'Etat, la Région, le Département, l'Agglo, les responsables de l'entreprise et les organisations syndicales. Il faut discuter, travailler à l'appréhension de la situation et chercher des solutions pour préserver l'emploi et les savoir-faire... » 

Cela passe-t-il par une réorientation industrielle ? « Le PCF propose une table ronde. Il s'agit de mettre en branle les élus, les syndicats, la recherche, la connaissance du terrain, réfléchir à des filières industrielles nouvelles qui pourraient être diversifiées. Nous sommes à l'aube de changements forts qu'il vaut mieux anticiper que subir... » C'est dire si la tâche est ardue. Dans la sono du cortège qui s'élance, un slogan est proposé : « SKF vivra », mais pas grand monde ne le reprend...

Les manifestants vont quand même jusque devant la permanence de la députée Danièle Brûlebois (LREM). Richard Dhivers, le secrétaire de l'UD CGT du Jura lui envoie un message sur l'usage de l'argent public. Il en a aussi un pour le monde du travail : « salariés, relevez la tête ! » Pascal Loureiro lui succède une nouvelle fois au micro : « le Covid partenaire officiel du Medef ! » Il met « en parallèle les milliards pour l'aéronautique » et les suppressions d'emplois qui s'annoncent : « Mme Brûlebois, donnez un droit de véto aux CSE sur les licenciements dans les entreprises qui ont fait des bénéfices... »

Il évoque lui aussi la peur que les salariés doivent vaincre. Ce que fera aussi Annette Bouillon, infirmière hospitalière à la retraite : « ne nous laissons pas transformer en esclaves... » Un instant avant, elle avait loué le combat des soignants qui ont fait « un an de grève pour 183 euros d'augmentation... » Mais elle complète par la poursuite d'autres casses sociales : « 30 lits vont encore disparaître à l'hôpital de Lons... » Plus tôt, c'était une enseignante de la FSU qui avait dénoncé « une rentrée scolaire sans protocole sanitaire lisible, un manque criant de personnel de santé dans l'Education nationale : il n'y a par exemple qu'un seule médecin scolaire pour tout le Jura... »

Nouveauté des rassemblements lédoniens, le micro est passé à Aline Carton, gilet et masque jaunes sur le dos et le visage, qui dénonce « la répression policière » en faisant le compte des contraventions, convocations et garde à vue touchant des manifestants. Un militant de la CNT s'exprime lui aussi pour fustiger la « casse sociale »... On pouvait enfin noter la présence de militants PCF, LFI et d'ATTAC.

Les autres rassemblements jurassiens ont peu mobilisé : une centaine de personnes dont quelques salariés seulement de l'usine Jacob-Delafon, et une vingtaine à Saint-Claude...

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