Tous les coups ne sont pas retenus dans la longue partie qui se joue entre les candidats déclarés à la présidence de la FFT, la fédération française de tennis dont l'élection aura lieu en février 2017. L'un des postulants les plus sérieux, Jean-Pierre Dartevelle, vice-président de la FFT, président de la ligue de Franche-Comté, conseiller régional (LR) de Bourgogne-Franche-Comté doit faire preuve du sens de l'amorti pour encaisser l'attaque de fond de court rapportée par Le Canard enchaîné de mercredi 29 juin.
L'histoire commence en 2009 après l'élection à la présidence de la FFT de l'ancien rugbyman Jean Gachassin. Celui-ci vend à prix coûtant des centaines de billets pour assister au tournoi de Roland-Garros à la société Midi Olympique Voyages que dirige un de ses amis. Bien que les places ne peuvent être « revendues ou cédées sous quelque forme que ce soit à des fins commerciales », l'agence les revend dans la cadre de packages VIP (match, hôtel, restaurant, transport...) en faisant une jolie marge.
Les frasques de Jean Gachassin
Midi Olympique Voyages renvoyait alors l'ascenseur à Jean Gachassin en lui payant les voyages lui permettant d'assister aux matchs du tournoi des Six Nations. Ce faisant, raconte le Canard enchaîné, Jean Gachassin réalise au niveau national ce qu'il faisait déjà dans la ligue Midi-Pyrénées qu'il présidait auparavant. Cela fait désordre après les frasques du président à qui trois administrateurs avaient écrit pour lui intimer de ne plus s'enivrer en représentation, après que des inspecteurs généraux du ministère des Sports aient enquêté au sein de la FFT, prélude à une enquête judiciaire actuellement conduite par l'office anti-corruption.
Notre vieux confrère ironise en révélant que l'homme par qui le scandale s'est su, le secrétaire général de la FFT, Bernard Giudicelli, président de la ligue de Corse et candidat à la succession de Gachassin, avait fait la même chose dans les années 1990 sur l'Ile de Beauté en vendant les billets de Roland Garros destinés aux licenciés à la société Massenet, spécialisée elle-aussi dans les package VIP.
« Aide à la politique envers le haut niveau régional »
La même pratique, ajoute le Canard, avait cours dans la plupart des ligues, dont celle de Franche-Comté que Jean-Pierre Dartevelle préside depuis 1992. L'hebdomadaire satirique explique comment 150 places étaient vendues chaque année à prix coûtant à l'agence Massenet qui chapeauta des tournois de tennis parrainés par Coca-Cola et Nestlé. La ligue établissait une seconde facture « d'aide à la politique envers le haut niveau régional » ou « d'aide à la parution de la plaquette de la ligue ». Des billets pouvaient ainsi être vendus à des entrepreneurs désirant se rendre à Roland-Garros pour assister aux matchs, mais aussi pour faire des affaires. En contrepartie, il leur était demandé de financer la ligue, par exemple en prenant une publicité dans son bulletin.
Ces pratiques, jure-t-on à la ligue de tennis de Franche-Comté n'ont plus cours depuis près de vingt ans : « Tout le monde était mal à l'aise et il a fallu arrêter le système », explique Jean-Pierre Dartevelle. La FFT a dédommagé les ligues en leur versant une allocation Roland-Garros, agréé des agences de package VIP et poursuivi les moins recommandables (Massenet a été condamné), mais, souligne Le Canard, pas les présidents de ligues...
Que faisait la ligue du bénéfice engrangé ? A entendre Jean-Pierre Dartevelle, elle investissait tout en interne : « C'est une affaire qui n'est pas une affaire. Dans ces années là, nous pouvions nous servir du volant de billets Roland-Garros. On s'en est servi au grand jour, avec des factures dans la comptabilité. Il n'y a pas eu de trafic de billets ni de fausses factures. Cela a permis d'améliorer le budget de la ligue, de financer des actions vers les clubs et les licenciés, de financer la plaquette annuelle de la ligue... »
Auditionné par les inspecteurs du ministère mais pas par les policiers anti-corruption, Jean-Pierre Dartevelle apprécie peu de se voir « accusé d'être trafiquant » dans la presse. « J'aimerais mieux qu'on parle de la fédération plutôt que du tennis bashing ».
N'est-ce pas la rançon de la financiarisation du sport ?