Il couvrait une manifestation interdite : Toufik-de-Planoise relaxé

Le tribunal de police de Besançon a censuré la contravention infligée à notre correspondant qui couvrait un rassemblement en hommage à Steve Maria Caniço en juillet 2019 que le préfet du Doubs avait interdit, mais pas publié à temps. Du coup, une quinzaine de manifestants qui avaient contesté l'amende, ont aussi été relaxés. Ce faisant, la décision du juge sanctionne aussi une atteinte à la liberté de la presse.  

Toufik-de-Planoise est le premier à être appelé à la barre. Dans la salle d'audience du tribunal de police de Besançon, ce mardi 13 octobre, une trentaine de personnes ont pris place, dont environ la moitié ont, comme lui, contesté une amende 135 euros pour participation, le 30 juillet 2019 devant le commissariat de la ville, à une manifestation hommage à Steve Maia Caniço interdite par le préfet. Le président du tribunal s'adresse à lui : « Bonjour Monsieur… Vous êtes poursuivi pour participation à une manifestation interdite. Reconnaissez-vous avoir été sur les lieux ? »

Réponse : « Oui, avec une précision : j'y étais comme correspondant local de presse pour le journal Factuel.info. »

Le président : « Les services de police ont à 20h13 fait mention de l'interdiction de la manifestation par arrêté préfectoral. A 20h20, ils ont lu cet arrêté… » Dans la salle, plusieurs personnes ont du mal à entendre le magistrat car son micro est éloigné et il porte un masque : « C'est la justice, on a le droit d'entendre », lance quelqu'un. « On n'est pas au théâtre », rétorque le président avant de passer la parole au ministère public représenté par un officier de police.

Celui-ci n'a pas de question à poser à Toufik et passe directement aux réquisitions : « l'arrêté a été notifié aux manifestants, ils pouvaient traverser la rue, ils en avaient le temps, ils ne l'ont pas fait. Je réclame 100 euros d'amende ».

« Que devient la liberté de la presse si la presse
ne peut plus couvrir une manifestation ? »

C'est autour de l'avocat de Factuel.info et de Toufik, Me Fabien Stucklé de plaider : « Les bras m'en tombent, je suis surpris qu'on nous reproche une infraction : je n'ai eu communication par le parquet que de la première page de l'arrêté préfectoral qui n'a été publié que postérieurement aux faits. C'est quand même fantastique de demander 100 euros et de ne pas respecter la loi avec cette non publication ! En outre, mon client n'est pas mentionné dans le procès verbal de la police : en vous disant qu'il était là, il vous facilite la tâche, pas le ministère public ! »

Toufik est à la barre parce qu'il a contesté l'amende qui lui avait été adressé à son domicile plusieurs jours après le rassemblement. Il avait accompagné son courrier de contestation d'une photo attestant de sa présence en tant que correspondant de presse. Le rappel de cette qualité montre à lui seul l'incongruité des poursuites : « Je défends un correspondant local de presse à qui on a reproché d'avoir couvert une manifestation interdite », s'exclame Me Stucklé en précisant qu'il « parle pour l'ensemble des journalistes arrêtés » non sans ajouter que « Factuel.info est un organe de presse tout à fait légal. Que devient la liberté de la presse si la presse ne peut plus couvrir une manifestation ? »

Et de réclamer la relaxe.

Le président demande alors à Toufik s'il a quelque chose à ajouter. Il s'avance vers la barre, regarde le magistrat et dénonce le « procédé inique » ayant consisté à lui dresser contravention : « j'étais visible, j'avais ma carte de correspondant en bandoulière, un appareil photo professionnel, les policiers me connaissent bien. Je suis ciblé et c'est inquiétant ».

Le président s'est vite fait son opinion et conclut immédiatement : « Après en avoir délibéré, je vous relaxe ». Dans la foulée, et sur le fondement de la non publication de l'arrêté préfectoral à l'heure de la manifestation, il relaxera aussi les manifestants ayant contesté l'amende. Parmi eux, plusieurs gilets jaunes, dont le syndicaliste Frédéric Vuillaume qui collectionne les poursuites. Il avait ainsi été condamné en juin dernier pour participation à une autre manifestation interdite, de gilets jaunes cette fois, le 13 août 2019 à Autechaux, mais relaxé pour les mêmes faits le même jour à Marchaux. Là aussi, l'arrêté préfectoral, indique-t-il, n'avait pas été publié. Il s'est par ailleurs pourvu en cassation contre une condamnation, en première instance et en appel, pour avoir scandé « Castaner assassin » lors de la venue à Besançon de l'ancien ministre de l'Intérieur en mars 2019…

 

 

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