Hope : dans l’enfer des migrants

Prix du Public du festival Premiers Plans d'Angers, le premier film de fiction de Boris Lojline montre la face cachée, terrible, de l'immigration clandestine.

hope

La première fiction de Boris Lojkine, philosophe devenu documentariste parle de l’exil, de la violence des rapports humains, implacables même quand tout est perdu. De la face cachée de l’immigration clandestine comme on l’a rarement montrée. Au Festival Premiers Plans à Angers le film a obtenu le prix du Public. Le réalisateur a longuement parlé de sa démarche.

Elle s’appelle Hope. Elle marche dans le désert saharien comme de nombreux migrants pour atteindre les portes de l’Europe. Elle se fait passer pour un homme avant d’être démasquée, violée puis abandonnée à Tamanrasset par le groupe de Nigériens auquel elle appartenait. Sur la route, Léonard, un Camerounais lui vient en aide. D’abord méfiant, le jeune homme tombe amoureux. Ils se soutiennent et poursuivent leur traversée avec tout ce que les migrants endurent, le racket, les intimidations, la prostitution, la faim, les humiliations, la peur.

A Besançon au cinéma Victor-Hugo.

Du désert à la côte marocaine ils rencontrent un monde cruel avec des ghettos maffieux.  «J’ai voulu monter la dimension communautaire de ce monde de la route balisé par des ghettos : le ghettos congolais, ivoiriens. Ça décale la vision qu’on a de la règle puisque ce n’est pas la règle qui s’applique mais la loi du ghetto ». En Afrique les ghettos sont de lieux exigus, souvent en friches où se rassemblent par nationalités les migrants de l’Afrique subsaharienne, soumis aux Chairmen (les présidents) qui se chargent de prélever l’impôt, de faire travailler les hommes et de prostituer les femmes.

Une fiction très documentée

Difficile de faire un film sur ce sujet. Le réalisateur l’a réalisé en plusieurs étapes. Il a lu des livres, des rapports d’ONG, des rapports d’ethnologues pour écrire le scénario. « Ensuite quand je suis allé sur le terrain, je me suis rendu compte que j’étais loin du réel. J’ai tout réécrit ; on ne fait pas un film sur un sujet pareil avec des choses fausses », explique-t-il encore.

« C’est seulement plus tard que le personnage féminin est devenu fondamental : pour trouver Hope, j’ai fait deux castings a Rabat. J’ai cherché des intermédiaires comme des anthropologues. J’ai aussi travaillé avec des maquereaux et ça n’a rien donné, des pasteurs (il y a des églises clandestines à Rabat où il y a des cérémonies) ; j’ai rencontré des jeunes femmes, et un bon informateur qui m’a présenté des groupes différents. J’ai donc choisi de travailler avec Endurance Newton. J’ai trouvé Justin Wang (Léonard) et les hommes dans un ghetto nigérien. »

« On peut partir d’Afrique centrale avec 200 ou 300 euros pour la route et arriver plusieurs semaines plus tard. Mais on peut rester coincé pour un manque de 80 euros pour sortir du désert. Au Maroc, à Gourougou, il y a deux choix, le grillage ou la mer en zodiac ; le grillage fait 7 mètres ; l’armée marocaine rafle les campements et passent à tabac les migrants. Pour le zodiac, il faut payer un connexion man qui paie la police pour qu’elle regarde ailleurs et c’est très cher : 1000 ou même 1300 euros. Donc de nombreux migrants restent au Maroc et essaient de trouver un travail journalier ».

Aborder le documentaire par la fiction

« Pour réaliser ce film, j’ai travaillé uniquement avec des non professionnels, des migrants que j’ai trouvés au Maroc. Ils avaient un contrat et étaient payés : avec eux j’ai corrigé certains aspects du scénario pour que le film ne soit pas un film de Blanc sur l’Afrique. Ils m’ont appris comment ça fonctionne avec les bad boys, les ex-chairmen, les ex-bandits. Il y a de la torture. C’est un monde hors la loi ; c’est notre politique des frontières qui oblige les Marocains à faire ce qu’ils font. Mon film est tendre par rapport à la réalité. »

Boris Lojkine montre comment on aborde le documentaire par la fiction ; la caméra est au centre de chaque tractation, chaque problème ; elle s’immerge dans le terrible voyage des migrants. Il parvient à construire un couple improbable (marié par un caïd local) là où il n’existe aucun espoir et à faire en sorte que l’histoire d’amour s’intègre dans ce récit habité par toute la douleur du monde : « Ne cherche pas à savoir d’où le vent viens, dis-toi simplement qu’il souffle. » dira un personnage.

Seule la lumière fragile de l’amour dépose un peu de douceur à l’image ; la baignade dans la rivière, les caresses volées sous une lumière douce ou encore le partage d’une orange dans un verger éphémère.

 

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