Heures supplémentaires non payées à La Poste à Besançon : le parquet requiert un non-lieu

Plus six ans après les constatations de l'inspection du Travail, la vice-procureure Margaret Parietti demande au sixième juge d'instruction saisi du dossier d'arrêter la procédure pour travail dissimulé en invoquant le doute qui doit profiter à La Poste. Son réquisitoire définitif sera sans nul doute contesté par le syndicat SUD-PTT, partie civile.

 

laposte

La vice-procureur du tribunal de grande instance de Besançon, Margaret Parietti, requiert un non-lieu dans une procédure pour obstacle au devoir de contrôle de l'inspecteur du travail et travail dissimulé dans laquelle La Poste est mise en examen depuis le 22 juin 2015. L'affaire démarre par un contrôle de l'inspecteur du travail Stéphane Thuillier le 16 mars 2010 à la plateforme de préparation et de distribution du courrier, rue Albert-Thomas à Besançon.

Après être resté sur place de 5h30 à 13h30, il dresse procès-verbal pour deux infractions. Le délit d'obstacle à l'accomplissement des des devoirs de l'inspecteur du travail est, selon lui, constitué par « le refus délibéré » de La Poste d'installer « un système d'enregistrement quotidien des heures réelles de commencement et de fin du temps de travail effectif », autrement dit une pointeuse. La seconde infraction est relative à la « dissimulation partielle d'emploi en raison de la non mention intentionnelle du nombre réel d'heures de travail sur les bulletins de salaires des contractuels de droit privé ». Les facteurs embauchés après 1997 ne sont en effet plus fonctionnaires.

Information judiciaire ouverte en octobre 2010

En langage de tous les jours, La Poste est poursuivie pour avoir refusé de payer des heures sup. Une information judiciaire ouverte par le parquet le 18 octobre 2010, conduit la police judiciaire de Dijon à effectuer plusieurs auditions de cadres, de salariés et du DRH de la direction opérationnelle de Franche-Comté entre juillet 2011 et février 2013. Celles-ci permettent d'établir que la charge de travail de chaque facteur est calculée par le logiciel Method alimenté par la base de données Géo-Point alimentée, précise le réquisitoire définitif de la vice-procureure Parietti, « par les facteurs eux-mêmes par l'intermédiaire du facteur qualité », autrement dit du chef.

Cette base mentionne le nombre de boîtes aux lettres, leur éloignement des bâtiments, le type d'accès, etc. Cependant, malgré des données de plus en plus précises, « les cadences demeuraient calculées sur une moyenne nationale, ce qui pouvait poser problème », souligne une personne auditionnée. Trois des quatre facteurs qualité entendus soulignent la difficulté à tenir les horaires imposés.

« Du mal à tenir les cadences imposées »

L'un explique que « la réorganisation Facteur d'avenir entrainait pour certains des dépassements d'horaires » et qu'il avait « cessé de mentionner ses dépassements d'horaires alors qu'il avait du mal à tenir les cadences et horaires imposés ». Un autre indique « avoir toujours eu du mal à tenir les horaires qui lui étaient fixés par la direction. Il mentionnait tous les jours son heure d'arrivée et son heure de départ sur les fiches de présence » mais « s'il n'adressait pas des demandes spécifiques pour le paiement ou la récupération des dépassements, ceux-ci n'étaient pas pris en compte automatiquement ».

Des facteurs de base ont aussi des problèmes pour respecter les horaires, certains de manière quotidienne. Les enquêteurs soulignent que « d'une manière générale les facteurs entendus ne sollicitaient ni paiement ni compensation, d'autant plus qu'ils ne notaient plus sur la feuille de présence leurs heures de retour effectif car la direction avait fait savoir que ce document n'était pas destiné à la comptabilisation des heures supplémentaires ». 

Le directeur de la plateforme à l'époque des faits, aujourd'hui directeur d'exploitation d'une entreprise d'insertion filiale de la Poste spécialisée dans le recyclage de papier, explique quant à lui que « si des dépassements d'horaires étaient confirmés et justifiés, ils faisaient l'objet d'une indemnisation ». Mais il conteste avoir donné l'ordre de ne pas noter l'horaire de retour... En outre, il indique que La Poste n'est juridiquement « pas soumis à l'obligation d'installer une pointeuse » en raison du même horaire collectif de travail de l'équipe. 

« Former l'agent s'il ne suit pas la cadence ou les consignes »

Un an après, le 4 avril 2014, le parquet, représenté alors par Jean-Christian Vaulot-Pfister, parti depuis à la retraite, requière la mise en examen de La Poste. Céline Bozzoni, cinquième juge d'instruction saisie du dossier, le rouvre et met la société en examen le 22 juin 2015. Elle procède à de nouvelles auditions. Le DRH de la direction opérationnelle territoriale du courrier de Franche-Comté lui explique qu'un facteur faisant des heures supplémentaires doit les signaler à son manager qui « l'accompagne alors sur la tournée pour déterminer si elle bien dimensionnée, dans le but de la modifier ou de former l'agent s'il ne suit pas la cadence ou les consignes ». Il affirme que la Poste a « toujours payé » les heures sup ou « rectifié en cas d'erreur de calcul ».

Partie civile, SUD-PTT, pointe « la disparition » de le feuille de présence, ce qui ne permettait pas aux facteurs de noter l'heure de leur retour. Il reconnaît que des heures sup ont été réglées, pour, selon lui, permettre à la direction de « justifier qu'il y en avait parfois ». Il précise aussi que « les employés de signalaient pas leurs heures supplémentaires sauf lorsque le syndicat les aidait à le faire par écrit ».

« La Poste avait parfaitement conscience et connaissance
du problème d'heures supplémentaires »

La vice-procureure estime que le refus de La Poste d'installer une pointeuse « ne peut être considéré comme un obstacle à l'accomplissement des devoirs de l'inspecteur du travail ». Elle reprend les conclusions des enquêteurs qui soulignent que l'entreprise « avait parfaitement conscience et connaissance du problème d'heures supplémentaires », qu'elle a « sciemment fait effectuer des heures supplémentaires (...) n'avaient pas été déclarées ni rémunérées, caractérisant le travail dissimulé » qui consiste à « se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ».

Cependant, elle ajoute que les dépassements d'horaires, de quelques minutes à plus d'une heure, « n'étaient pas sollicités par La Poste, mais pouvaient découler du modus-operandi du facteur ». Et elle s'étonne que les réclamations découlant d'un programme mis en place en novembre 2008 « n'aient été émise que sur une période déterminée : une lettre du 2 février 2009, deux du 6 mars 2009, deux  du 17 mars, une du 20 mars et une non datée ». Elle en conclut que « l'élément intentionnel fait défaut » et que le doute doit profiter à La Poste...

Ce ne sera certainement pas l'avis de SUD-PTT qui bataille depuis longtemps, et sur de nombreux autres fronts avec La Poste qui va de restructuration en restructuration. La décision de renvoi devant le tribunal revient à la juge d'instruction Marjolaine Poinsard.

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