Gare de Franois : la méthode de Michel Neugnot contestée

Le vice-président de la région a expliqué à plus de 200 personnes remontées que sa décision de supprimer l'arrêt des TER Besançon-Dijon était irrévocable. « C'est inacceptable », dit Jean-Louis Fousseret pour qui Franois peut devenir LA gare multimodale de l'ouest bisontin.

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Michel Neugnot n'a pas convaincu les quelque 200 personnes qui se sont pressées mercredi 25 octobre dans la salle des associations de Franois, 2200 habitants. Durant trois heures, le premier-vice président (PS) du conseil régional a ferraillé avec les habitants, mais aussi avec les élus du Grand Besançon, pour tenter de justifier la suppression des arrêts en gare de Franois des TER reliant Besançon et Dijon, sept par jour dans chaque sens. Répétant plusieurs fois qu'il « comprenait » le courroux de ses interlocuteurs, il n'est pas parvenu à leur faire accepter les alternatives envisagées.

Avant le début de la réunion, qu'il a lui-même provoquée, il nous glisse : « A Avallon, il y avait 400 personnes, je les ai retournées, on a eu un accord à 1 h 30 du matin... » Il s'approche en souriant de François Jeannin, ancien syndicaliste cheminot aujourd'hui vice-président national de la FNAUT : « tu resteras calme... » Sa première phrase à l'intention du public, « je sais que les nouvelles dessertes ne sont pas appréciés par tout le monde », provoque immédiatement des huées. Il réagit, mi ironique mi bravache : « on peut faire toute la soirée comme ça... »

Comités de ligne à la trappe

Quelqu'un crie dans la salle : « Y a-t-il une marge de manœuvre ? » Il répond : « soit vous savez ce que je vais dire, soit vous me laissez la parole... Je voudrais qu'à la fin on analyse les problématiques des 93 personnes qui descendent à Franois pour savoir si elles sont atténuées ou pas ». La phrase résume la position qu'il tiendra toute la soirée : ce qui a été décidé n'est pas négociable, on va essayer de trouver des solutions individuelles aux désagréments provoqués. Quand il annonce que les sept arrêts à Franois des TER de la ligne du Revermont (Lons-Besançon) « ne seront jamais remis en cause », les ricanements de la salle en disent long sur la rupture de confiance.

Elle s'explique notamment par la méthode, l'absence de concertation, et le contexte, la réforme territoriale. A la décharge de l'exécutif régional, la loi NOTRe qui organisait au pas de charge le transfert de la compétence transports (scolaires et inter-cités) des départements aux régions, n'a pas laissé beaucoup de temps pour les relations avec les usagers et les collectivités partenaires que sont les agglos. Du coup, les comités de ligne où les usagers pouvaient être entendus sont passés à la trappe, tout comme les deux réunions annuelles qui, du temps de la région Franche-Comté, permettaient à l'ensemble des autorités organisatrices de transports de se parler.

La méfiance se constate quand, en réaction à l'explication selon laquelle les travaux prévus en gare de Dijon de 2018 à 2023 génèreront des contraintes conduisant à supprimer trois dessertes, une femme s'exclame : « c'est pas convainquant ! » Un homme renchérit : « C'est n'importe quoi ! Ça n'a pas de sens de rajouter trois trains et de supprimer des arrêts ». Neugnot réplique : « Notre objectif est de renforcer les trains ». Plusieurs voix réagissent : « on s'en fiche ».

24.000 passagers à Franois... et à Dannemarie-sur-Crête

Car la région entend faire passer de 23 à 26 le nombre de trains entre Dijon et Besançon tout en gagnant jusqu'à 8 minutes entre les deux villes. Conseillère municipale du village voisin de Serre-les-Sapins où elle est en charge des transports en commun, Damiana Siron relaie plusieurs interventions de la salle : « vous ne nous convainquez pas en nous disant que ces 8 minutes font la différence ».

Pas convainquant non plus de mettre Franois dans la même situation que Villers-les-Pots et Neuilly-les-Dijon dont les arrêts sont aussi supprimés. D'abord parce que Franois a le même nombre de passagers que Dannemerie-sur-Crête : autour de 24.000 en 2016. Le tableau projeté par la SNCF ne montre d'ailleurs pas de chiffres, mais des histogrammes soulignant l'équivalence de la fréquentation. Après la réunion, nous en parlons à Michel Neugnot, il conteste.

Il est vrai que la gare de Franois est sur deux itinéraires : Besançon-Dijon et Besançon-Lons. Cette caractéristique constitue d'ailleurs un des arguments pour en faire LA gare de l'ouest bisontin. Située à un kilomètre du terminus du tram, elle est également desservie par deux lignes de bus qui irriguent le quartier en pleine croissance des Hauts du Chazal avec le CHU, la fac de médecine, le parc scientifique Témis-Santé... « Si on avait prolongé le tram jusqu'à Franois, la suppression de l'arrêt des TER n'aurait jamais été envisagée par la SNCF», nous glisse un élu local. Aussitôt transmis à un autre qui relativise : « ça aurait renchérit les coûts et il y a une forêt à traverser... »

« Une régression qu'on ne pouvait imaginer »

N'empêche, la suppression de l'arrêt des TER Besançon-Dijon est vécue comme une agression, une atteinte au développement d'un potentiel pôle multimodal de transports. C'est ce qu'a dit le maire de Serre-les-Sapins et premier vice-président de l'agglo, Gabriel Baulieu : « nous construisons une cohérence de mobilité depuis des années sur l'ouest du Grand Besançon. C'est une régression et on ne pouvait l'imaginer ». Il est applaudit par la salle, Michel Neugnot pâlit.

Jean-Louis Fousseret dit son désaccord avec Michel Neugnot.

Jean-Louis Fousseret en rajoute : « Nous construisons un pôle majeur de développement et on supprime la possibilité d'y faire venir en train ! On me dit que ça concerne 90 personnes par jour, on en a trouvé 100, mais le vrai sujet sur lequel travailler, c'est comment faire ensemble, agglo et région, pour qu'on arrive à 300 ou 400 personnes. Je l'ai dit à la présidente de région, la suppression de cette halte n'est pas acceptable. Il faut revoir la copie ».

François Jeannin (FNAUT) cogne sur la méthode qui n'est « pas la bonne : un seul comité de ligne en deux ans, à Dijon et sur internet, ça ne vaut pas un clou ! Je n'ai reçu les documents que deux heures avant la réunion. Nous demandons le temps de les examiner pour que nous puissions faire des propositions, comme nous avons fait sur Bordeaux-Nice... » Il devra se répéter pour s'entendre dire : « vous avez été auditionnés ». L'ancien cheminot ne croit pas à l'argument de la « complexité » et de la « technicité » avancées par Neugnot et les cadres de la SNCF venus avec lui : « On sait faire les trois arrêts avec six minutes... »

« J'ai orienté ma fille sur le lycée de Dannemarie car il y avait un train »

Thibaut Bize, président du groupe PCF du conseil municipal de Besançon et conseiller communautaire, est lui aussi « surpris de la méthode », surtout quand le projet de la région voit se lever contre lui « l'unanimité des élus locaux, des usagers et des salariés... On est dans la conséquence de la fusion des régions : on métropolise et on abandonne le monde rural... » Michel Neugnot croit bon de critiquer la critique de la métropolisation : « je suis heurté qu'un élu de Besançon y soit opposé ».

D'autres arguments fusent de la salle. Les habitants des « 400 logements en construction et en projet à Serre-les-Sapins sont des futurs usagers de la gare... » Ceci étant, de nombreux usagers actuels font part de leur problème personnel, engendré par la suppression des arrêts. « J'ai orienté ma fille sur le lycée de Dannemarie car il y avait un train », dit une dame. Serge Abadie, le proviseur du lycée, également directeur du CFPPA de Chateaufarine, confirme l'importance de la halte pour les étudiants et stagiaires venant de Dole ou Belfort, son rôle dans l'attractivité des établissements pour les enseignants vacataires.

Une femme explique : « Je prends tous les jours le train de 8h20 qui sera supprimé. L'alternative existant à Ecole-Valentin, à 6h50 ou 8h50, est soit trop tôt, soit trop tard quand on a des enfants ». Une autre, qui travaille à Montbéliard, voit supprimé le seul train s'arrêtant à Franois : « ça me fera trois heures de trajet au lieu de deux ». Un conseiller municipal du village prend le train à 7h16 pour aller travailler à Dole : « je vais devoir aller en voiture jusqu'à Saint-Vit, ou à Auxon quand je devrai aller à Paris et payer le parking... » Le cadre de la SNCF a une solution : « vous pourrez vous garer gratuitement à la halte d'Ecole-Valentin ». Il prend note en silence quand un abonné annuel s'adresse à lui : « je n'ai eu aucune information que l'arrêt va être supprimé et que mon abonnement ne sera plus valide : vous ne pouvez pas continuer à communiquer comme ça. Comment se fait-il que la CAGB ne soit pas impliquée en amont dans cette décision ? »

« On met à mal toute notre politique de transports »

Michel Neugnot met les pieds dans le plat des compétences distinctes des régions et des agglo en matière de transports : « les dessertes inter-agglomération ne sont pas de la compétence de la région, quand on peut on le fait... » La remarque fait bondir Jean-Louis Fousseret : « je ne vais pas laisser dire que c'est l'agglo qui ne paie pas assez. Surtout quand elle met 15 millions dans une gare ou 17 millions pour une LGV qui ne sont pas de ses compétences ». Neugnot se défend : « ce n'est pas ce que j'ai dit ». Fousseret pousse sa contre-attaque : « en 2007, Raymond Forni défendait un pôle de transport dans l'ouest bisontin. On met à mal toute notre politique de transports. Pourquoi croyez vous qu'on a fait un tram avec des voies SNCF ? »

Le président du Grand Besançon appelle à un calme qui ne reviendra pas vraiment et conclut, ménageant Neugnot tout en étant revendicatif : « Trois trains en plus, c'est bien. Je ne demande pas de réponse ce soir, mais qu'on revoie les choses ». Michel Neugnot oppose une fin de non recevoir : « C'est clair, on a pris une décision. On est là pour voir comment compenser les dégâts collatéraux et donner des alternatives... » Prenant un ton conciliant, il lâche : « on va avoir le schéma régional d'aménagement du territoire et une négociation avec l'agglo : je suis prêt à rouvrir le dossier, travailler cette desserte à l'horizon 2023... »

Emmanuel Girod, militant de la France insoumise, critique « la concurrence libre et non faussée qu'applique la région : la population est contre, ce sont nos budgets, pas celui des élus, vous ne pouvez pas rester inertes face aux collectifs de citoyens. Quelle sortie de crise allez-vous proposer ? » Une femme demande qu'une délégation d'usagers soit reçue. « Ecrivez-nous, on vous invitera », répond Michel Neugnot. « Mais on est là », lui réplique-t-on. Une militante de la CGT cheminots rappelle qu'on se situe dans le cadre d'une convention SNCF-région de huit ans, la perspective de l'ouverture de la concurrence en 2023...  

« On na aucune réponse sur le fond », résume François Jeannin. Claude Preioni, le maire de Franois a une dernière question : « allez-vous changer d'avis ? » Le vice-président répond : « peut-être sur les mesures de correction qu'on apporte ». Une femme conclut alors que cela fait une heure que la salle se vide peu à peu : « Vous n'écoutez personne ».

 

   

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