Frédéric Vuillaume, Gilet jaune ciblé par la répression, acquitté pour la troisième fois en un an

Frédéric Vuillaume est un Gilet jaune et syndicaliste bisontin de la première heure. Son rôle moteur et son engagement sont à l’origine d’un acharnement policier qu’il subit depuis plus de deux ans : 7 gardes à vue, une perquisition, 12 amendes et trois procès. Amnesty International, qui s’inquiète de la criminalisation des manifestants pacifistes en France, avait organisé un rassemblement de soutien devant le tribunal de Dijon ce 20 mai où il comparaissait pour délit d’attroupement. Pour la troisième fois en moins d’un an, il a été relaxé.

« C’est une victoire de la démocratie contre la répression policière et judiciaire », se réjouit Frédéric Vuillaume à la sortie du tribunal de Dijon ce matin du 20 mai. Il y est sorti le poing levé, entonnant un célèbre chant des Gilets jaunes dont il est une figure à Besançon et au-delà. Il vient d’être acquitté pour la troisième fois en moins d’un an. Il savoure cette nouvelle victoire devant ses soutiens, réunis à l’appel d’Amnesty International, qui a fait de son cas un symbole des menaces qui pèsent aujourd’hui en France sur la liberté de manifester, et de la section Doubs de son syndicat, Force Ouvrière.

Le bisontin était poursuivi pour délit d’attroupement suite à une manifestation contre la loi sécurité globale le 5 décembre à Dijon. Des affrontements éclatent, lui reste pacifiste mais déterminé comme à son habitude. Il tient un micro et une enceinte en bandoulière, une pancarte avec l’inscription « Police floutée, police pas nette » est accrochée autour de son cou. Au moment où il souhaite rentrer, il demande aux policiers son chemin dans une ville qu’il ne connait pas bien. Après lui avoir répondu, ils l’interpellent. « J’ai halluciné, ce sont les mêmes qui m’ont pris par les jambes, le cou, ils gueulaient Taser, Taser. J’ai montré mes mains, ils m’ont menotté très serré. Quand je suis monté dans la voiture, ils m’ont dit : “Mr Vuillaume, vous vous faites trop remarquer” », déclare-t-il devant la cour. Il passera ensuite 44 h de garde à vue éprouvante. « Vous avez l’impression d’être dans le collimateur ? », lui demande la présidente. « C’est clair », répond le prévenu.

L’historique de l’acharnement dont il est victime n’a été que brièvement évoqué au tribunal de Dijon. Malgré les recadrages de la présidente et du procureur, l’avocat de la défense parvient tout de même à placer le nombre de fois où son client a été placés en garde à vue, 7, la perquisition, les saisies de téléphones, les deux autres procès qui se sont soldés par une relaxe, etc. Dans ce qu’il nomme « un mauvais procès politique », il place les magistrats devant leur responsabilité de « gardiens des libertés fondamentales » et en appelle à leur rôle primordial. « Avant toute chose je parle d’un homme qui souffre depuis deux ans, depuis qu’une autorité administrative a décidé qu’il faisait trop de bruit. On reproche à un représentant syndical d’être venu manifester dans une manifestation déclarée. Tous les voyants sont au rouge ».

Ses ennuis commencent après le mouvement des Gilets jaunes

Pour Frédéric Vuillaume, qui n’avait jamais eu à faire à la justice, les ennuis commencent peu de temps après le début du mouvement des Gilets jaunes. Le 27 décembre 2018, des policiers lui remettent à son domicile une convocation dans la demi-heure au commissariat. Ce sera sa première garde à vue. Il lui est reproché l’organisation de manifestation non déclarée, des participations à un rassemblement susceptible de troubler l’ordre public, on l’interroge sur ses publications Facebook, etc. « Ils m’avaient relâché au bout de 8 h sans convocation. C’était le premier gros coup de pression, mais j’ai continué à manifester », nous confiait-il quelques jours avant son procès.

Les choses prennent une tout autre dimension en février 2019. Le 8, les policiers reviennent lui remettre une lettre du préfet le désignant comme organisateur des manifestations. Ils repasseront cette même journée pour adresser une convocation à sa femme pour le 12 février. Elle y restera 24 h gardée à vue et en ressortira avec une convocation au tribunal pour entrave à la circulation, participation à manifestation non autorisée, etc. Ce même jour, le beau-fils de Frédéric Villaume est interpellé à son travail et se retrouve incarcéré après une comparution immédiate. « Il était accusé de lancer des pétards, des feux d’artifice sur les gendarmes alors qu’il n’était pas le seul et sa mère avait pris une grenade dans le tibia la semaine précédente. Il n’avait pas d’antécédents, un travail, une copine. Il devait faire 6 mois, il a fait 3 mois ferme et la suite avec le bracelet. C’était très dur, on se demandait où on était ». Lui est de nouveau convoqué le 27, on l’informe qu’il fait l’objet d’une enquête, il est perquisitionné le lendemain sans que des poursuites ne soient engagées.

Les intimidations se poursuivent, avec d’autres gardes à vue et, maintenant, des procès. Le premier concerne le slogan « Castaner assassin » lancé pour protester contre l’usage du LBD alors que le ministre de l’Intérieur était en visite en Besançon en mars 2019. Il n’aura rien entendu de tout ça et avait lui-même traité d’abrutis lors de son discours public les Gilets jaunes qui mettent en cause la police. Frédéric Vuillaume est arrêté avec d’autres et passe 24 h en GAV. Le procureur de Besançon engage des poursuites, Frédéric Vuillaume est condamné à une amende avec sursis en première instance, tout comme sa femme, un autre écopera d’une amende ferme. Cela est confirmé en appel, où il assume complètement son acte et sa nature politique. Il décide d’aller au bout de la procédure en saisissant la Cour de cassation. Dans un arrêt du 16 mars 2021, celle-ci annule sa condamnation pour « outrage à personne dépositaire de l’autorité publique commis en réunion ». Entre temps, il avait aussi été relaxé en juin 2020 par le tribunal de Besançon des poursuites pour « entraves à la circulation » lors de deux autres manifestations.

Alors que le procureur réclamait timidement une peine de 350 € d’amendes avec sursis lors du procès de Dijon, Jean-Michel Vernier, l’avocat de Frédéric Vuillaume, plaidait la relaxe. Et il n’a en effet pas eu de peine pour obtenir ce nouvel acquittement, tant le dossier était vide. Le déroulé de la manifestation rédigé sur procès-verbal par la police n’est parvenu au tribunal que la veille, il n’y a aucune certitude sur la réalité ou le caractère réglementaire des sommations effectuées par la police que le syndicaliste dit n’avoir pas entendues, on y apprend qu’une autorité administrative, qui n’est pas mentionnée, avait décidé ce jour-là de l’interpeller, des heures différentes de son arrestation sont mentionnées, etc. Ces victoires judiciaires n’effacent pas toutes les épreuves qu’il a subies. Outre l’angoisse de l’attente des procès et des gardes à vue, il a reçu aussi 12 amendes pour participation à des manifestations interdites ou non-port du masque. C’est dur, mais il tient le choc. Aujourd’hui, il n’a plus de procès à l’horizon. « Malgré les pressions, je continuerai à manifester parce que c’est un droit fondamental », dit-il inquiet de la situation des libertés publiques en France. « J’ai toujours pensé que le gouvernement allait prendre les manifestants, les militants, comme des terroristes. Mais je ne pensais pas que ça allait aller si vite, ni qu’on allait en arriver là. Quand on voit ce qu’ils font sans la loi sécurité globale, on se demande ce que ça va être après. Ils ouvrent les vannes ».

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