Fontaine-lès-Clerval : les communs, ça marche !

Depuis 2009, la ferme bio de Sous la Côte est le support d'activités agricoles, artisanales et culturelles combinées à une vie collective où les initiatives individuelles ont leur place. Portes ouvertes dimanche 29 avril en musique et démonstrations.

cote

Les affouagistes de Fontaine-lès-Clerval se sont étonnement activés au bord du bois du Céleri. En témoignent les nombreuses piles de bois fraîchement coupé et fendu qui jalonnent la jolie petite route menant au lieu-dit Sous la Côte. Habituellement l'affouage se récolte en forêt. Cette année, il provient de grumes placées en bord de route qui n'ont pas pu être vendues comme prévu...

En 2009, quand Julien et Valentin, tout juste diplômés du lycée agricole de Montmorrot et cherchant de la terre, viennent pour la première fois Sous la Côte, après avoir lu une petite annonce, c'est l'hiver. Le charme de l'endroit ne leur saute pas aux yeux. La partie étable de la maison est pleine de foin, des vaches s'y abritent encore, un mur de refend se délite, une poutre maitresse n'est plus en place...

La construction du four à pain

Ils seront six à s'installer là. Six amis qui se sont connus au lycée de Pontarlier. Ils ont alors autour de 25 ans et créent une SCI pour acheter ensemble la bâtisse, une grange et cinq hectares de terre agricole. Aujourd'hui, neuf ans plus tard, l'un est parti, mais ils sont une vingtaine à vivre sur place et, pour la plupart, y travailler. Des enfants sont nés, la plus grande va l'école à Clerval, le dernier va sur ses quatre mois, le prochain sera bientôt là...

Entre temps, la maison a été retapée et partagée entre chambres et espaces communs dont une cuisine que prolonge un grand salon. Deux petites maisons ont été bâties, l'une en paille, l'autre à ossature-bois. La première à l'emplacement d'une ruine dont les pierres ont été réutilisées pour construire un four à pain, pièce maîtresse d'un fournil en bois qu'utilisent deux paysans-boulangers, Arnaud et Samuel. Le premier fournit une Amap et un marché à Montbéliard, le second un magasin Biocoop de Besançon.

Arnaud, qui utilise deux petits pétrins mécaniques, a 5 hectares hors du village. Il aimerait en avoir une vingtaine de plus pour faire tourner les cultures. Samuel préfère se servir d'un pétrin manuel, il loue 5 hectares attenants sur lesquels il teste une dizaine de variétés de blé ancien, pour l'heure en herbe : « en été, ça fait des couleurs différentes, des bleus, des gris, des rouges... »

Lieux intimes, espaces communs

Samuel est mon guide sur la ferme, ce frais jeudi matin. Une serre fait office d'atelier où il stocke et retape d'anciennes machines délaissées par l'agriculture moderne. Ainsi, un tatare, ou van, actionné par une manivelle, sépare les grains de leur enveloppe. A deux pas, un cribleur trie les grains dans un cylindre tournant doté de très nombreux trous de différentes tailles : ce procédé ancien est également utilisé dans les centres de tri des déchets, les mines, pour trier le ballast...

Bricoleur, Samuel a fabriqué un tamis séparant farine et son. Il prévoit de réparer deux vieilles machines à coudre le cuir pour Noelia, qui fait de la maroquinerie... En sortant de cet endroit qui tient autant du musée rural que du laboratoire, on avise d'autres habitats : une roulotte et deux yourtes. L'expérience du partage et la prise en compte des communs cohabitent avec les lieux intimes. C'est aussi cela qui permet le partage des savoirs : les compétences initiales de Samuel en électricité, combinées à celles de Louis en bâtiment, auront été très utiles pour entreprendre les nombreux travaux.

Un peu plus loin, un espace festif et récréatif en plein air mais sous un large auvent : des canapés y font face à un bus urbain transformé en mini salle de concert. Il a donné son nom à « l'association culturelle et rurale » A plus dans le bus, support d'événements et d'animations depuis 2010. Cette année, quatre événements printaniers et estivaux sont au programme, dont le premier est une porte ouverte dimanche 29 avrilvente de plants (légumes, aromatiques...), marché artisanal, ateliers (vannerie, plantes médicinales...), animations enfants, restauration, bière artisanale, musique : scène ouverte., avant un concert (8 juin), du cirque (21 juillet) et un festival (11 août).  

Ils sont l'occasion de créer et/ou entretenir des relations entre l'extérieur et le site situé à 3 km du village qui a déjà accueilli la fête de la soupe de l'association. De découvrir ses habitants et leurs activités. Comme celle de Julien, le maraicher, en plein champ et sous serre, qui fournit une Amap. Celle de Kevin qui cultive des plantes médicinales, des aromatiques et des petits fruits. Valentin est quant à lui semencier, producteur de graines : « c'est un peu comme la culture des légumes, mais ça dure plus longtemps, et je vends à des entreprises de revente de semences, c'est très règlementé... »

Cinq agriculteurs, des artisans, des artistes, des journalistes...

Il n'y a pas que ces cinq agriculteurs à vivre Sous la Côte. Après avoir tenu le refuge de l'étang d'Araing, en Ariège, Hugues et Marine tiennent un resto-mobile, autrement dit une cuisine ambulante, qu'ils déplacent au gré des manifestations et événements. Quentin et Louis sont bijoutiers. Archéologue, Fiona réalise des copies de vases antiques en céramique : « j'essaie des techniques de l'époque gallo-romaine... »

Ludivine anime des ateliers de transformation de plantes médicinales. Guillaume et Sonia éditent Lutopik, un magazine trimestriel explorant les alternatives aux quatre coins du pays. Seule, Cyrielle, travaille à l'extérieur, au CCAS de Montbéliard. Quant à Charline, bientôt maman, elle est infirmière et projette de devenir éducatrice spécialisée via une VAEvalorisation des aquis de l'expérience... 

Règles collectives

Pour consolider cette expérience originale combinant initiatives individuelles, entraide et pratiques collectives, les habitants du lieu se réunissent une fois par semaine pour discuter de ce dont ils ont besoin. « Il n'y a pas d'idée dominante, on a tout à essayer, à construire », dit Hugues. « Quand on prend des décisions, c'est à l'unanimité. Ça prend du temps, ça peut être houleux », souligne Samuel.

Par exemple ? « Les poules reviennent souvent dans la discussion... C'est difficile de gérer collectivement des animaux. C'est complexe de savoir comment on gère un poulailler... On a eu des moutons, des cochons, des canards, et même une pintade qui s'est sauvée au bout d'une journée... C'est très dur de gérer des animaux en collectif. Cela demande de la rigueur et un référent... » En fait, on touche à autre chose que des objets, souligne Hugues : « ça nécessite d'être tous d'accord, mais dès qu'on touche à un être vivant, c'est plus compliqué... »

Plus compliqué que les quelques règles financières relatives aux communs : chacun paie 45 euros par mois de fonctionnement lorsqu'il est là, 30 euros en cas d'absence. Les consommables de base (lessive, épicerie sèche...) donnent lieu à un versement de 35 euros. Les autres consommations (fromage, viande, boisson...) sont plus individualisées ou assumées en groupes plus restreints.

Quant au chauffage, il est au bois. Du bois de l'affouage... L'affouage, une très vieille pratique sociale qu'il serait dommage de laisser s'éteindre, comme cela arrive ici et là...

 

Le four à pain.

 

Newsletter

Lisez la Lettre de Factuel

ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER !