Fonction publique : 5500 manifestants en Franche-Comté

Les défilés intersyndicaux ont rassemblé 2000 personnes à Besançon, 900 à Montbéliard, 800 à Belfort, 500 à Dole et Lons-le-Saunier (où Factuel était, photo ci-contre), 400 à Saint-Claude, 300 à Vesoul, une centaine à Pontarlier... La rancœur monte à l'égard d'Emmanuel Macron.

fp

Malgré les réquisitions qui souvent dissuadent les personnels hospitaliers de faire grève, ils étaient nombreux dans les rues jurassiennes à participer aux défilés de mardi 10 octobre. La perspective de la fermeture de l'hôpital de Saint-Claude, qui a déjà mobilisé toute la ville, et la récente mise sous tutelle de l'hôpital de Lons-le-Saunier où la direction veut privatiser le nettoyage, ulcèrent les agents.

« On va à la catastrophe sanitaire car ils veulent supprimer 30 ASHagent de service hospitalier », explique une infirmière de bloc qui s'insurge contre « la destruction des équipes paramédicales ». Ces ASH seraient remplacés par des personnels d'entreprises de nettoyage. Quiconque a vu fonctionner un service hospitalier sait la spécificité d'un métier ou le relationnel, tant avec les patients qu'avec les soignants, est important. « C'est par exemple l'ASH qui peut se rendre compte qu'un malade a vomi, l'infirmière peut alerter une ASH lors des relèves. Un service privé n'aura pas ces missions avec un cahier des charges calé sur l'entretien... ».

Membre de la commission exécutive nationale de la CGT de l'action sociale, la franc-comtoise Françoise Monnier pointe le risque d'accroissement des maladies nosocomiales : « on a soulevé ce problème, les protocoles, les dosages... Certains médecins gueulent avec nous ». Annette Bouillon, infirmière depuis peu retraitée et ancienne secrétaire de la CGT de l'hôpital de Lons-le-Saunier, fulmine contre les risques encourus par les insuffisants rénaux du Haut-Jura avec la fermeture de la dialyse à Saint-Claude : « des gens vont arrêter... »

Notre quotidien, c'est déménageur
plutôt qu'infirmière

L'infirmière de bloc dénonce le changement inopiné de programme des blocs opératoires de l'hôpital de la préfecture : « on travaille sur quatre salles au lieu de six, mais les nouvelles ne sont pas paramétrées pour le matériel ancien, alors on fait énormément de manutention. Notre quotidien, c'est être déménageur plus qu'infirmière... Des gens sont en burn-out, et ça va continuer car la tutelle avance, s'en fout... »

« Ils touchent aux soins, donc à la population », constate un brancardier qui dit sa satisfaction de voir le personnel hospitalier, d'habitude peu mobilisé, en nombre dans la rue.

L'enseignement est bien représenté dans le cortège lédonien, mais surtout les professeurs des écoles primaires. Ils citent les revendications nationales, les salaires gelés, mais viennent très vite aux emplois aidés : « on en supprime 23.000 dans le pays, 29 dans le Jura dont 18 en fin de contrat d'octobre à mai. Ce sont des EVS, emploi vie scolaire, qui aident les élèves handicapés, gèrent la bibliothèque de l'école, font la maintenance informatique », explique Séverine Duparet, secrétaire départementale du Snuipp-FSU.

Concrètement, la présence d'un EVS permet par exemple de dédoubler une classe : « une partie travaille avec l'enseignant, l'autre apprend à chercher un document. Beaucoup font ça à bac + 2 ou bac + 3. Certains sont devenus ensuite instits, ce sont des emplois tremplins... » A 625 euros pour 20 heures hebdomadaires, peu ont fait grève...

« On ne remplace qu'un départ à la retraité sur dix... »

Tient, voilà des drapeaux de la CFTC, une organisation qu'on voit rarement dans les manifs. En déplacement dans le Jura, Gérard, technicien chez Orange à Belfort, y a fait grève. « Ça bouge beaucoup depuis la loi El Khomri et Macron en a rajouté une couche. A part les très hauts fonctionnaires, on en prend toujours plus aux petits fonctionnaires. On dit qu'on est des nantis, mais on a les mêmes salaires que les salariés de droit privé chez Orange, mais quand il y a une augmentation générale, ce n'est pas pour nous... Et puis, on ne remplace qu'un départ à la retraité sur dix, on est passé de 120.000 à 80.000 en dix ans... Des tâches vont au privé, sont externalisées à l'étranger comme les centres d'appel... »

Qui des conditions de travail dans cet ancien fleuron du service public où le management a été critiqué, voire poursuivi, pour sa brutalité ? « Ça s'était assoupli, mais ça se redurcit doucement, on demande aux gens davantage de tâches, quand un service ferme, son travail est repris par les autres. Les vieilles méthodes reviennent, du genre : si tu n'es pas content, vas voir ailleurs... »

A ses côtés, il y a Roland, retraité de l'enseignement privé sous contrat, chasuble CFTC sur le dos. Pourquoi est-il là ? A l'entendre, c'est assez simple : « les services publics sont malmenés dans tous les domaines, il faut ouvrir les yeux. Une de mes filles travaille dans un hôpital où les gens ont un rythme de vie et de travail épouvantable, sont dans la course permanente, font des heures supplémentaires imposées qu'on met sur un compte épargne temps et ne seront jamais libérées... Je suis très inquiet pour l'hôpital, si le système de santé se casse la figure, où ira-t-on se faire soigner ? »

Macron, « un Sarkozy 2 »

Que pense Roland, le syndicaliste chrétien, du président Macron ? « C'est un Sarkozy 2 ! Il a été élu par défaut, je n'ai pas voté... » Derrière lui, la sono de la CGT hurle Antisocial, le tube du groupe Trust de 1980 qui semble n'avoir pas pris une ride... Au coeur du défilé, des élèves du bac professionnel SEMsystèmes électroniques et numériques du lycée privé Sainte-Marie. « On n'aime pas trop Macron, on veut se battre contre lui », dit un grand jeune homme qui précise, approuvé par ses camarades : « on est anti-fa, anarchistes, communistes ou mélenchonistes... Dès qu'il y a une manif, on est prêt... On est mal vu par l'administration car c'est un lycée catholique... »

On croise aussi des élèves du lycée public Jean-Michel : « on est une quinzaine », dit une jeune-fille, « on est là parce que les ordonnances vont s'appliquer à nous... Dommage qu'il n'y ait que deux ou trois profs en grève... »

« J'ai tristement voté blanc,
pour la première fois de ma vie »

Le noyau de militants CFDT est bien visible avec ses chasubles oranges. Marie-Pierre nous décrit son métier d'animatrice en maison de retraite : « j'essaie de créer du lien entre tous, avec l'extérieur, les écoles, les associations, les artistes... Là où je travaille, il y a une animatrice pour 75 résidents, et on n'est pas remplacés pendant les vacances. C'est un besoin vital pour les résidents, ça met de la vie, de la joie. Ça leur permet d'être acteur de leur vie... »

Pourquoi est-elle là ? Elle nous regarde, comme choquée par la question : « mais venez voir le désaroi du personnel dans les hôpitaux, les aides soignantes qui font toutes ces toilettes... Les gens ont besoin de réponse. Il y a de la maltraitance institutionnelle. On n'a le temps de rien car il y a compression de personnel... » Voilà une autre militante CFDT, jeune retraitée de Pole emploi : « je suis venue parce que je suis contre les propos outranciers, scandaleux, indécents et irrespectueux du président de la République... Il faut face à lui une opposition plus importante. J'ai tristement voté blanc, pour la première fois de ma vie... Dans mon travail, j'ai toujours poussé les gens à aller au boulot... »

 

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