Entre agriculture et écologie, la méthanisation, solution de transition…

A Mollans, en Haute-Saône, François de Rugy a rencontré un agriculteur qui lui a expliqué comment il avait procédé pour développer la méthanisation dans sa ferme. Le ministre de la Transition écologique et solidaire s'est aussi rendu à Noroy-le-Bourg pour entendre les doléances des agriculteurs concernant la gestion des sangliers provoquant des dégâts dans les cultures...

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La méthanisation ne cesse de progresser et de nombreux responsables d'exploitation agricole songent à développer un tel projet pour produire gaz et chaleur à partir de leurs biodéchets. La France a pour objectif de multiplier par dix, en dix ans, la part de gaz renouvelable dans la consommation de gaz finale. « Un objectif ambitieux », reconnaît François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire.

Pour encourager ce développement et faire connaître la filière, le ministre était lundi 4 mars en déplacement en Haute-Saône. Il a été accueilli sur la commune de Mollans, entre Vesoul et Lure, par Mickaël Muhlematter, gérant du GAEC de la ferme de la Fontaine. Le projet de l'agriculteur a mis six ans pour aboutir : réflexion dès 2012, permis de construire déposé en 2015, début des travaux début 2017 et mise en service partielle fin 2018. Ainsi, depuis quelques semaines, l'exploitation agricole produit de l'électricité correspondant à la consommation de 500 foyers. De plus, la chaleur générée par le méthaniseur est valorisée dans la partie fromagerie de l'exploitation, dans l'habitation et même dans la stabulation où elle sèche le foin consommé par les vaches laitières.

Devant un ministre attentif, Mickaël Muhlematter a expliqué qu'il avait souhaité travailler avec une entreprise française car il ne voulait pas du modèle de méthanisation développé en Allemagne « parce que c'est un modèle où il y a beaucoup de contraintes quand on met des fumiers ou des lisiers dans une méthanisation (…). Ma vision de la méthanisation c'est qu'elle valorise nos déchets de nos fermes et pas pour faire du gaz à tout prix ». L'objectif final de Mickaël Muhlematter est de produire du Gaz Naturel pour Véhicule « pour aller livrer nos yaourts avec le gaz issu du fumier de nos vaches, de l'économie circulaire ! ». « Une utilisation sur place » qui intéresse fortement le ministre. « Un circuit court », de l'énergie selon Marie-Guite Dufay, présidente du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté.

Une filière d'énergie renouvelable avec des acteurs français

À la ferme de la Fontaine, entre 10 et 15 % de cultures intermédiaires participent à l'alimentation du méthaniseur et il y a près de 10 % de cultures dédiées. Une part que Mickaël Muhlematter souhaiterait diminuer fortement. Pour cela, il compte sur des apports extérieurs. Il a montré à François de Rugy les caisses contenant une centaine de tonnes de litchis avariés du fait d'une tempête en mer lors de leur transport par bateau. C'est le type de déchets que la ferme peut être amenée à valoriser.

La société Méthalac est le partenaire industriel de la ferme de la Fontaine pour cette méthanisation. Une entreprise qui a le vent en poupe. Comme l'a revendiqué Laurent Pauchard, directeur commercial de Méthalac, « on signe un CDI tous les quinze jours ». Créée en 2012, Méthalac a installé depuis 28 sites dans l'est de la France. Son chiffre d'affaires a été multiplié par quatre en une année pour atteindre douze millions d'euros en 2018. Elle emploie 34 personnes à ce jour. Laurent Pauchard attend des pouvoirs publics qu'ils permettent d'établir une visibilité sur les dix ans à venir concernant les énergies renouvelables : « en termes de type de méthanisation agricole, à la ferme, il y a encore énormément d'unités à construire avec, sur les exploitations agricoles, tant individuelles que collectives ». Il espère des « mécanismes incitatifs pour que ces exploitations agricoles françaises puissent accéder à la méthanisation ».

« Les agriculteurs sont des acteurs de la transition écologique »

Devant des interlocuteurs enthousiastes, le ministre de l'écologie s'est dit « très heureux de venir discuter avec les agriculteurs qui, aujourd'hui, sont des acteurs de la transition écologique. Ils contribuent bien sûr à une production à laquelle nous sommes attachés en France. C'est une des fiertés françaises, la production agricole, la production agroalimentaire mondialement connue et qui ont aussi des débouchés sur les marchés locaux. Si on veut avoir des sols en bon état, si on veut avoir des haies, si on veut avoir une contribution à la lutte contre l'effet de serre avec une couverture de sols, il faut avoir les agriculteurs qui sont une partie de la solution, en quelque sorte ».

L'ancien député des Verts, ayant rallié En Marche en 2017, a toujours en tête quelques principes de l'écologie politique : « les agriculteurs sont aussi en quelque sorte des énergie-culteurs. Les agriculteurs, en plus de leur production agricole, ce n'est pas à la place, peuvent être producteurs d'énergie et contribuent de ce point de vue là à la diversification des sources d'énergie. Ils contribuent à une production décentralisée de l'énergie et, par ailleurs, pour eux, c'est une source de revenus supplémentaires ». Les revenus de la ferme de la Fontaine sont répartis, grosso modo, en trois tiers : un premier lié à la production laitière traditionnelle, un second à la vente directe, le dernier à la production de gaz renouvelable.

Pas de boues d'épuration dans les méthaniseurs des fermes

François de Rugy a reconnu « qu'il [fallait] quand même qu'on réussisse à industrialiser un peu les processus pour que tous les acteurs de la filière réussissent à trouver un prix de sortie qui soit moins élevé ». Autre point à surveiller : les effluents de la ferme ne doivent pas être mélangés avec les boues de station d'épuration afin de pouvoir épandre dans les prés les résidus de méthanisation.

Une idée à laquelle les membres de la délégation semblaient tous souscrire. Pour suivre les échanges autour du ministre, on retrouvait Christophe Lejeune, Ziad Khoury et Thierry Chalmin, respectivement député, préfet et président de la chambre d'agriculture de la Haute-Saône. La délégation a pu inspecter les différentes composantes du méthaniseur. La première pièce de l'installation comporte les tuyaux qui alimentent le broyeur en matières solides. Une seconde étape a mené au cogénérateur de chaleur. La troisième étape, plus sympathique alors que les franges de la tempête Freya soufflaient sur la région, a consisté à s'abriter pour déguster des fromages d'un magasin de vingt-cinq producteurs, comme le gruyère de Haute-Saône.

Aux agriculteurs qui souhaiteraient se lancer dans un projet de méthanisation, Mickaël Muhlematter a conseillé avant tout d'être « patients » car « il ne faut pas se précipiter, maîtriser un petit peu la technologie avant de se lancer pour savoir sur quoi on se lance et avec qui, pour faire quoi ? Il y a des aspects techniques qui sont importants de maîtriser avant de choisir un constructeur ».

« On a bien compris que Macron voulait cajoler les chasseurs »

Autre sujet à la frontière de l'agriculture et de l'écologie : les dégâts commis par les sangliers dans les cultures alors qu'ils sortent des forêts pour se nourrir. Thierry Chalmin, le président de la chambre d'agriculture, a interpellé le ministre en l'emmenant sur le terrain, dans un pré, pour constater une zone labourée par des sangliers. Sur la commune de Noroy-le-Bourg, en périphérie de Vesoul, bottes aux pieds, François de Rugy a suivi et écouté celui qui plaide pour une gestion du dossier par les agriculteurs plutôt que par les chasseurs.

Rien que dans le département, environ 9.000 sangliers ont été tués en 2018 (on dit pudiquement « prélevés »). Les dégâts sont estimés à 680.000 euros par la chambre d'agriculture. Le message de Thierry Chalmin était clair : « c'est devenu complètement insupportable pour les agriculteurs ! (...) On parle souvent d'un suicide tous les deux jours, ça fait partie du problème. La première chose que les collègues agriculteurs ou agricultrices font le matin en ouvrant les volets, c'est de savoir ce que les sangliers leur ont détruit dans la nuit. »

Devant des agriculteurs invités par la FDSEA 70 qu'il a jadis présidée, Thierry Chalmin a eu beau jeu de développer son argumentaire en recourant à quelques images propres à souligner la dimension politique de sa revendication : « j'ai l'impression - mais peut-être est-ce que je me trompe, je ne suis pas sûr - que le président de la République est en train de donner toutes les clés aux chasseurs. On a bien compris que Macron voulait cajoler les chasseurs. Quand j'entends que, dans les départements, on va retirer aux préfets la gestion du plan de chasse et que l'on va donner ça au président de la fédération départementale des chasseurs qui viennent de démontrer, que ce soit au niveau départemental, au niveau national, leur incompétence à gérer l'espèce sanglier puisqu'on a augmenté les prélèvements – multipliés par deux dans ce département en l'espace de quelques années et multiplié par dix-neuf au niveau national en l'espace de trente ans – je ne vois pas comment on peut donner les clés du camion à ces gens-là. De grâce, monsieur le ministre, attendez simplement le résultat de cette mission parlementaire qui a été mise en place au niveau national. Ces conclusions, on y travaillera tous ensemble ».

Si la situation n'était pas si dramatique dans le monde rural, de tels propos pourraient faire penser au sketch des humoristes Les Inconnus où sont figurés de bons et de mauvais chasseurs : « certes, on n'est pas contre les chasseurs. On dit même qu'il faut qu'il y en ait plus de chasseurs. Si c'est de paysans-chasseurs, c'est encore bien mieux parce qu'ils prendront plus la mesure de ce qui se passe ».

« Je suis évidemment pour la régulation des populations de sangliers »

Même s'il est en charge de l'environnement et non pas de l'agriculture, François de Rugy s'est dit « toujours prêts à rencontrer les responsables syndicaux agricoles. Les agriculteurs ont beaucoup d'enjeux communs avec ceux du ministère de la Transition écologique et solidaire » même s'il ne veut pas « marcher sur le champ de Didier Guillaume », le ministre de l'Agriculture.

François de Rugy a répondu sur le même ton que Thierry Chalmin : « vous le savez sans doute, j'ai été nommé juste après une réunion qui a eu lieu à l’Élysée sur les questions de la chasse. Je suis évidemment pour la régulation des populations de sangliers ». Dans cette confrontation entre agriculteurs et chasseurs, le ministre a semblé plus enclin à pencher du côté des agriculteurs : « j'en ai parlé au président de la fédération nationale des chasseurs, je lui ai dit que c'était une de nos priorités et qu'on ne pouvait pas avoir une vision uniquement 'chasse' sur le sujet. On devait avoir une vision qui respecte et qui permette aux productions agricoles de continuer à se développer sans subir trop de dégâts et que cela ne peut pas se régler que par des indemnisations ». Il a promis de prendre en compte le rapport parlementaire rendu au Premier ministre le vendredi 8 mars 2019.

François de Rugy a dit vouloir lutter contre les caricatures associant chasse-ruralité-agriculture : « sur le terrain, les intérêts sont souvent divergents entre les chasseurs d'un côté, les agriculteurs de l'autre. Mon rôle, en tant que ministre de l'écologie en charge de la chasse, c'est de trouver le bon équilibre. J'ai un discours de fermeté vis-à-vis des fédérations de chasseurs en disant ''vous devez jouer votre rôle de régulation des populations de sangliers et comme cela peut être le cas aussi sur les cerfs'' et pour trouver des solutions concrètes aux agriculteurs qui ne peuvent continuer de subir des dégâts de gibiers aussi importants ».

En conclusion de ces échanges bonhommes, le président de la chambre d'agriculture a offert au ministre une tête de sanglier empaillée toutes dents dehors, trophée très rapidement exfiltré et rangé par un officier de sécurité. Pourtant Thierry Chalmin avait l'espoir que François de Rugy allait l'installer « au-dessus de [son] bureau » !

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