Dominique Henry relaxée : « Un autre combat nous attend devant les députés »

La cour d'appel de Besançon a cassé l'amende infligée par le tribunal de grande instance de Montbéliard à la militante pour refus de prélèvement ADN après sa condamnation pour sa participation au démontage de la ferme des 1000 vaches il y a quatre ans. Le parquet a requis la relaxe en invoquant la Cour européenne des Droits de l'Homme qui demande à la France d'amender la loi sur le fichage.

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Et un léger sourire se dessina sur les lèvres de Dominique Henry... L'avocate générale de la Cour d'Appel de Besançon, Agnès Cordier, venait de requérir sa relaxe en s'appuyant sur l'arrêt Ayçaguer rendu le 22 juin 2017 par la Cour européenne des droits de l'homme qui fait désormais jurisprudence et condamne la France pour atteinte au respect de la vie privée.

La magistrate du parquet a relevé que la nécessité de proportionner la durée de conservation de l'ADN des personnes condamnées à la nature de l'infraction prononcée par le Conseil constitutionnel constitue « une réserve qui n'a jamais été levée ». Autrement dit, le législateur n'a pas amendé la loi sur le fichage génétique.

Dès lors, la plaidoirie de Me Laetitia Peyrard, pour la défense, devient plus facile. Le 12 janvier 2017 devant le tribunal de grande instance de Montbéliard, la décision de la CEDH n'était pas encore intervenue. Mais déjà elle avait invoqué l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme.

Affaire de symboles

Cela n'avait pas convaincu les juges montbéliardais qui avaient condamné Dominique Henry à 750 euros d'amende avec sursis pour avoir refusé de se soumettre à un prélèvement ADN, considéré comme de droit après sa condamnation par la Cour d'Appel d'Amiens qui avait reconnu qu'à l'action symbolique du démontage de la ferme des 1000 vaches ne pouvait correspondre qu'une peine symbolique...

Me Laetitia Peyrard.

« Cela fait des années que les militants s'opposent au fichage car ils ne sont pas des délinquants comme les autres », a expliqué Me Peyrard. En fait, elle insistait, une fois de plus, sur l'incongruité qu'il y a à mettre dans le même panier délinquants sexuels, terroristes et militants. Et d'ajouter, finement, « à l'exclusion des délits financiers ou routiers, on se demande bien pourquoi... »

« Ça veut dire que vous êtes relaxée... »

Après un court délibéré, la cour, présidée par Franck Taisne de Mullet « infirme le jugement du TGI de Montbéliard... » A la barre Dominique Henry est interdite. « Ça veut dire que vous êtes relaxée », ajoute le juge.

Dans la salle des pas perdus du tribunal, la militante répond aux journalistes : « un autre combat nous attend devant les députés ». Il s'agit maintenant de faire pression sur les parlementaires pour qu'ils atténuent la loi sur le fichage. Votée sous le gouvernement Jospin dans le cadre de la lutte contre la délinquance sexuelle, elle a été élargie sous Sarkozy à tous les condamnés, sauf, on l'a vu pour infraction financières ou routières... Sans doute les seules qui peuvent concerner les députés, ironise l'avocate de la Confédération paysanne.

Laurent Pinatel : « la justice vient de dire qu'on a le droit de manifester et revendiquer sans être fiché »

Plus sérieusement, elle se réjouit d'une « décision accompagnée de nombreuses autres car de plus en plus de tribunaux prononcent des relaxes ». Elle « espère une réaction du législateur car on ne peut pas ficher systématiquement ». Lors des audiences, tant à Montbéliard que devant la cour d'appel, Dominique Henry avait insisté sur le risque d'un énorme fichier où les traces restent quarante ans : « dans l'histoire, des personnes mal intentionnées se sont emparés des fichiers... » Il est arrivé que des pouvoirs autoritaires se servent de lois votées par des démocrates....

Venu soutenir sa camarade, le porte parole national de la Confédération paysanne, Laurent Pinatel, tire la leçon de la décision de la cour : « la justice vient de dire qu'on a le droit de manifester et revendiquer sans être fiché. Il faut le faire savoir, car des officiers de police mettent la pression en garde à vue pour que les gens donnent leur ADN. La prochaine étape, c'est faire interdire le fichage des militants syndicaux ».

Les démonteurs de la ferme des 1000 vaches n'en ont cependant pas fini avec la justice. Dès jeudi, Dominique Henry et cinq autres militants dont Laurent Pinatel comparaissent devant un tribunal civil d'Amiens où les promoteurs de l'usine à lait leur réclament 140.000 euros de dommages et intérêts...

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